Karl Lagerfeld, icône immortelle, en 10 moments forts

Delphine Kindermans
Delphine Kindermans Secrétaire de rédaction au Vif

Son absence lors du défilé haute couture de Chanel, en janvier dernier, avait déjà fait grand bruit. Karl Lagerfeld, à la direction artistique de la maison parisienne depuis 1983, s’est éteint le 19 février. Retour sur une icône immortelle, qui aimait jouer avec son image, en dix moments forts.

1933 
Karl Otto Lagerfeldt naît le 10 septembre 1933 à Hambourg de parents aisés et cultivés. Son père, après plusieurs revers, a fait fortune en important le lait condensé Gloria en Europe. Sa mère, qu’il décrit comme un parangon d’élégance – il dira d’elle qu’elle aimait assister aux défilés de mode – préfère les beaux-arts et la musique aux  » corvées maternelles « . A peine majeur, il quitte l’Allemagne pour s’installer à Paris et étudier à la Chambre syndicale de la couture. Il remportera le concours du Secrétariat international de la laine, ex-æquo avec un autre jeune couturier dont il était alors proche, Yves Saint Laurent.

Avec Yves Saint Laurent.
Avec Yves Saint Laurent.© GETTY IMAGES

1954 
Fraîchement diplômé, Karl Lagerfeld fait son entrée dans la mode en devenant assistant de Pierre Balmain. Il passe ensuite chez Jean Patou, puis chez Chloé, qu’il dépoussière notamment en réalisant ses publicités en collaboration avec le célèbre photographe Helmut Newton. Toute sa vie, il fera preuve d’un intérêt réel pour la photographie – et pour les arts et les lettres en général – se plaçant régulièrement derrière l’objectif pour de nombreux clichés, parmi lesquels ceux des campagnes Chanel.

1964 
Fendi le charge à son tour de  » rajeunir la fourrure « , qu’il déconstruit pour en redéfinir les codes et la désembourgeoiser. Il imaginera par ailleurs un nouveau logo pour la marque italienne et entretiendra avec ses héritières une relation professionnelle et privée privilégiée de plus de cinquante ans. Et ce bien que la griffe romaine soit rachetée par la suite par le groupe de luxe LVMH, concurrent de Chanel, maison indépendante et aujourd’hui encore copropriété des frères Alain et Gérard Wertheimer qui ont nommé Lagerfeld à sa tête.

Avec les cinq soeurs Fendi.
Avec les cinq soeurs Fendi.© V. RASTELLI/GETTY IMAGES

1973 
Il rencontre son grand amour, Jacques de Bascher, noctambule cultivé, adulé du Tout-Paris de l’époque, qui mourra du sida. Si Lagerfeld est toujours resté résolument discret sur leur relation, complexe, on sait que la liaison adultère qu’Yves Saint Laurent mena un temps avec le dandy mettra irrémédiablement fin à l’amitié entre les deux couturiers.

1983 C’est chez Chanel, où il prend d’emblée les rênes de la haute couture, du prêt-à-porter et des accessoires, que le Kaiser de la mode donne réellement la mesure de ses talents de créateur mais aussi de directeur artistique – plus même que pour sa marque éponyme, lancée l’année suivante. Pour la griffe de la rue Cambon, désormais vieillissante, il inventera le défilé barnumesque, faisant du Grand Palais le théâtre de ses shows, rendez-vous incontournables des Fashion Weeks. Il y fera notamment décoller une fusée et y amarrera un paquebot grandeur nature pour une de ses récentes collections Croisière.

Avec Jacques de Bascher.
Avec Jacques de Bascher.© GUY MARINEAU/ISOPIX

1996 

Lagerfeld se métamorphose physiquement en perdant 40 kilos. Sa motivation, à l’en croire : se glisser dans les costumes Dior Homme, dessinés par Hedi Slimane, pour qui il n’a jamais caché son admiration. C’est l’époque où il s’inscrit parmi les beautiful people de la mode parisienne et où son look, reconnaissable entre mille, fera de lui une icône malgré lui. Catogan, mitaines, col montant blanc et costumes sombres, ses signes distinctifs, sont abondamment détournés par la pop culture.

Avec Inès de la Fressange.
Avec Inès de la Fressange.© PAUL VAN RIEL/BELGAIMAGE

2004 

Preuve supplémentaire qu’il est devenu un personnage emblématique, Mattel commercialise, en série limitée, une Barbie à son effigie. Les 999 exemplaires sont immédiatement écoulés. Cette année-là également, il dessine une collection pour le géant de la fast fashion H&M et, là aussi, les pièces s’arrachent en quelques heures à peine. Une manière de démocratiser la mode, de refuser son élitisme et de jouer avec sa propre image, comme il le fera sa vie durant. On se souvient encore de cette campagne pour la sécurité routière de 2008 qui le vit prendre la pose en gilet de sûreté et sur laquelle on pouvait lire :  » C’est jaune, c’est moche, ça ne va avec rien, mais ça peut vous sauver la vie.  »

Avec son gilet jaune.
Avec son gilet jaune.© DR

2010 

Le 3 juin, le couturier le plus connu de la planète est fait commandeur de la Légion d’honneur. Neuf ans après qu’Yves Saint Laurent se soit vu accorder la même récompense par le président Jacques Chirac, c’est Nicolas Sarkozy en personne qui épingle les insignes au revers du directeur artistique de Chanel. Un modèle unique, réalisé en or rose et diamants par les ateliers de haute joaillerie de la maison, en collaboration avec la Monnaie de Paris.

En 2016, le directeur artistique de Chanel organisait le premier défilé international à Cuba.
En 2016, le directeur artistique de Chanel organisait le premier défilé international à Cuba.© CHINE NOUVELLE/ISOPIX

2016 

Karl organise le premier défilé de mode international à Cuba alors que l’île s’ouvre à peine aux relations extérieures, confirmant définitivement son ancrage dans l’air du temps. Ainsi, outre Inès de la Fressange ou Claudia Schiffer, dont il fit ses égéries, il s’était ces derniers temps rapproché d’une jeunesse branchée, parmi laquelle Lily-Rose Depp ou le rappeur Snoop Dogg, allant jusqu’à interpréter, toujours avec beaucoup d’autodérision, le rôle de Dieu dans son clip. Dans son entourage proche apparaît également sa chatte Choupette, un sacré de Birmanie, qui deviendra star à son tour, par contagion. Elle s’est ainsi vu octroyer la couverture de Vogue Allemagne, rassemble 130 000 followers sur le compte Instagram à son nom et a été castée pour des publicités automobiles.

Avec Choupette.
Avec Choupette.© AGENCY BLOWUP/ISOPIX

2019 

Le 22 janvier dernier, son absence lors du défilé haute couture Chanel, pour la première fois en trente-cinq ans, suscite l’émoi. Et déclenche immédiatement toutes les spéculations, a fortiori lorsque Virginie Viard, son fidèle bras droit, vient saluer seule à la fin du show – elle était déjà apparue à ses côtés, mais jamais en solo. Au point que Michel Gaubert, qui orchestre la mise en sons de ses présentations depuis trois décennies, prend la parole pour annoncer au public que Monsieur Lagerfeld est fatigué, mais qu’il serait là pour la deuxième salve du défilé, dans la matinée (pour la couture, deux sessions sont traditionnellement organisées). Ce ne fut pas le cas. Ce 19 février, quelques heures après que l’on a appris son décès, Chanel confirmait par communiqué que Virginie Viard prenait la succession du créateur qui aimait à répéter qu’il bénéficiait d’un  » contrat à vie  » à la direction artistique de la maison. Sans conteste le poste le plus convoité de la planète mode. On retiendra, parmi les fameux aphorismes du créateur, ces karlismes qui font le bonheur des réseaux sociaux, que  » la chose la plus importante que vous devriez savoir sur moi, c’est que tout ce que vous ont dit les autres n’est pas nécessairement vrai « .

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