Sculptures de chats, chaises musicales et beaucoup de queer: 10 choses à retenir des dernières Fashion Weeks masculines
En direct des dernières Semaines de la mode Homme, notre journaliste décortique les événements qui ont marqué les podiums de Florence à Paris, en passant par Milan.
Le calendrier des défilés est un peu bousculé cette année. Alors qu’habituellement une semaine sépare les Fashion Weeks Homme de celle dédiée à la couture, cette fois, les événements se sont enchaînés. Préparatifs des JO dans la capitale française oblige. Ce vendredi 28 juin, ce mois très mode se termine avec la remise du prix de l’Andam, l’un des plus importants prix internationaux dans le domaine. Deux créateurs belges sont nominés: Meryll Rogge et Marie Adam-Leenaerdt. Le président du jury est également belge, Anthony Vaccarello, directeur artistique de Saint Laurent.
En attendant le verdict, voici déjà un aperçu de ce qui nous a marqués sur le catwalk.
1. Les débuts masculins de Marine Serre
Marine Serre était invitée cette saison au salon Pitti Uomo et a ouvert le bal modeux, au coucher du soleil, dans les jardins de la Villa di Maiano, une magnifique maison de campagne située dans les douces collines de Florence.
La collection – intitulée «Sempre Legati», qui signifie «toujours liés» – était annoncée comme marquant les débuts de la créatrice dans la mode masculine, du moins sur le podium. «Cela faisait un certain temps que je pensais à une ligne dédiée aux messieurs, notamment parce que je voyais que cela suscitait de l’intérêt, avait-elle déclaré. Il s’agit surtout d’un choix émotionnel. La mode masculine n’est pas nécessairement celle qui rapporte le plus. J’avais vraiment envie de le faire. »
Au final, la Française qui a étudié à La Cambre mode(s) s’est tellement laissé inspirer par le site toscan qu’elle a décidé d’ajouter une gamme Femme à sa collection. Et c’était une bonne chose. Les Semaines de la mode sont en transition depuis un certain temps. Et cette saison à nouveau, la Fashion Week masculine (théoriquement pour les hommes) et la Semaine de la couture (pour les femmes, ou du moins pour une petite fraction de femmes fortunées) ont fusionné sans heurt. Peut-être devrions-nous désormais nous contenter de parler de Fashion Week tout court, ce mois juin n’étant alors que le premier chapitre du printemps 2025, le deuxième volet se tenant traditionnellement en septembre et octobre, et étant traditionnellement dédié à la femme.
Mais revenons à Marine Serre. La créatrice s’est démarquée avec des cuirs remarquables, tous fabriqués en Italie, en noir, rouge ou violet. Son populaire logo en quart de lune est évidemment revenu en monogramme sur les pantalons, les vestes et les sacs. Plusieurs modèles recyclés ont aussi été fabriqués à partir de tote-bags, portant pour la plupart des logos allemands ou néerlandais, et de sacs de tennis – un clin d’œil au prodige du tennis que fut Marine Serre adolescente. Le show s’est terminé sur des tenues d’un blanc pur, dont certaines étaient fabriquées à partir de draps vintage brodés. « Un message d’espoir », a commenté la jeune femme lors d’une présentation à la presse avant le défilé.
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2. En petite ou grande compagnie
L’autre invité du Pitti était Paul Smith, qui n’a pas organisé de défilé mais bien une présentation de sa collection pour un nombre limité de journalistes dans une autre belle villa, le long de l’Arno, au centre de la ville – un événement suivi d’une séance pour les acheteurs et d’une garden party. Le Britannique, qui fêtera ses 78 ans en juillet et qui est un excellent orateur, a fait monter 14 mannequins sur une petite scène et a commenté chaque look – parlant parfois du tissu d’un costume, mais aussi de souvenirs de Lucian Freud dans le Soho des années 60. Son amour de la peinture transparaissait dans ses pantalons de peintre tachés de couleurs, associés à des vestes sur mesure façon Saville Row…
D’autres marques avaient également fait ce pari d’une présentation plus modeste en petit comité, une décision qui s’inscrit dans la mouvance actuelle du «quiet luxery».
A l’opposé, Rick Owens avait retrouvé lui son environnement familier du Palais de Tokyo pour un vaste spectacle dans le style du réalisateur américain Cecil B De Mille. Deux cents mannequins ont défilé, par groupes de dix – des professionnels mais surtout des étudiants d’écoles de mode – comme des figurants dans Cléopâtre, un classique hollywoodien de De Mille datant de 1934. Intime? Pas du tout. C’était l’un des défilés les plus grandiloquents que nous ayons jamais vus : un kitsch total, mais en même temps poignant. C’était aussi un show des plus diversifiés. Génial, jusqu’à ce que le final commence, que tous les mannequins reviennent, que la procession de momies et de pharaons continue encore et que le morceau de Beethoven répété commence à nous taper sur les nerfs.
3. Le combat des Titans
Les fleurons du groupe de luxe LVMH, Louis Vuitton et Dior, ont également fait parler d’eux. Pour le premier, c’était le troisième défilé de Pharrell Williams à Paris. Cette fois, c’est dans le jardin moderniste du siège de l’Unesco que s’est déroulé le show. La passerelle était, une fois de plus, un échiquier LV agrandi, cette fois-ci en gazon (il pleuvait, et en pataugeant dans la boue, nous avions l’impression d’être sur la pelouse d’un festival). Les drapeaux des nations du monde entier étaient suspendus, et Pharrell Williams entendait faire passer ainsi un message d’égalité des peuples – ce qui, bien sûr, n’est pas le cas, surtout dans le contexte d’une marque de luxe comme Vuitton. Côté vêtements, on soulignera une fois de plus l’excellente facture et les matières les plus nobles mais sans beaucoup d’imagination ni d’émotion. Pharrell sait faire des sacs, on a compris.
Chez Dior, Kim Jones travaille depuis cinq ans et, durant cette période, il dit avoir dessiné 60 collections, rapporte le site Vogue Business. La collection pour l’été 25 est cependant l’une de ses meilleures. Le directeur artistique avait collaboré avec Hylton Nel, un céramiste sud-africain. Et ses œuvres, des sculptures de chats, ponctuaient le catwalk. En bande-son: Kate Bush… exclusivement.
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Loewe, une autre griffe de LVMH, a également présenté des œuvres d’art sur le podium : un tableau de Peter Hujar sur un chevalet, des miniatures de Paul Thek, une chaise et un portemanteau de l’architecte Charles Rennie Macintosh datant de 1897, et un exemplaire ancien d’un livre de Susan Sontag, Against Interpretation. Les tops avaient tous une ou plusieurs plumes attachées à la tête, détournant peut-être l’attention des vêtements, plus minimalistes qu’auparavant. Le créateur Jonathan Anderson reste clairement l’un des plus grands talents de la mode.
4. Dix bougies pour Rombaut
Mats Rombaut a lancé sa propre marque de chaussures végétaliennes il y a dix ans, ce qui fait de lui un pionnier. Ce cap franchi a été célébré par un défilé (de chaussures et de vêtements) au dernier étage de l’Institut du Monde Arabe. Un spectacle de danse était également au programme. Le Belge nous a un jour confié qu’il avait été champion de Belgique de gymnastique rythmique pendant son adolescence… Hélas, ce show avait lieu juste avant les adieux de son compatriote Dries Van Noten, de l’autre côté de Paris. Il manquait donc quelques poids lourds du secteur. Mais c’est aussi cela la mode : on ne maîtrise jamais tout.
5. Le match Valentino-Gucci
Pendant la semaine de la mode à Milan, tous les regards se sont soudain tournés vers Alessandro Michele lorsque l’ancien créateur de Gucci a dévoilé sa première collection pour son nouvel employeur, Valentino, à l’improviste, quelques heures avant le défilé masculin de Gucci.
Suivre les traces de Michele n’a pas été facile pour son successeur chez Gucci, Sabato de Sarno. Cet homme a travaillé – ironie du sort – dans les coulisses de Valentino, avec Pier Paolo Piccioli. Le résultat est que Valentino ressemble maintenant – de loin – à Gucci, et que Gucci a quelque chose de Valentino.
L’une des photos et vidéos les plus partagées sur les réseaux sociaux lors du deuxième défilé masculin de De Sarno montrait un mannequin portant uniquement un short laqué en rouge Ancora, la nouvelle teinte de Gucci. D’une certaine manière, c’est la preuve que De Sarno sait aussi se montrer sexy. Historiquement, Gucci a toujours été une marque «riche», au sens propre comme au sens figuré – «over the top», glamour, voire un peu vulgaire. Il n’y a rien de mal à ce que De Sarno privilégie le «quiet luxery», mais l’adéquation entre le label et le créateur n’est pour l’instant pas évidente. Ce top en short ouvre des horizons.
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6. Raf Simons se rapproche
«Parfois, quand on vieillit, on commence à trop penser à tout, et on se limite, déclarait Raf Simons dans les coulisses après le défilé Prada. Quand on est jeune, on se lance.» Pourtant lui et Miuccia Prada, loin d’être jeunes, se sont lancés sans hésiter dans leur collection pour l’été 2025. Avec pour résultat, selon leurs mots: «un discours sur les notions contemporaines de vérité et d’apparence» et de «pouvoir de la réalité dans un monde d’imagination ».
Dans le dressing, on a repéré des vestes rétrécies, pré-froissées et artificiellement vieillies, avec effet vintage, des chemises cropped qui laissent le nombril à l’air et beaucoup de trompe-l’œil: des pantalons avec une ceinture en cuir qui s’avère être un imprimé, ou des polos en intarsia avec des cols qui ne sont finalement que des suggestions de cols. La collection s’intitulait «Closer »: de près, tout semble différent.
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7. Walter Van Beirendonck au pas de course
Walter Van Beirendonck est l’un des rares créateurs belges à avoir sa place dans le calendrier masculin après le départ de Dries Van Noten. La semaine a été chargée pour lui puisqu’il a également présenté un livre de ses croquis – 900 pages, avec un deuxième volume à suivre plus tard dans l’année – et une collection capsule avec le spécialiste néerlandais du denim G-Star, qui a nécessité deux ans de travail.
8. Think pink
Si nous avions fait une croix sur le rose, l’année prochaine, il revient déjà! Pas façon Barbie toutefois. Il s’agit plutôt d’un rose poudré doux et discret. Dans la collection d’adieu de Dries Van Noten, la teinte a joué un rôle de premier plan. Chez Hermès, elle a servi de couleur d’accent dans une collection par ailleurs très courageuse et garçonne (sur notre liste de souhaits : pantalon en cuir rose et veste perfecto). Et Ouest Paris s’est aussi mis au rose. Entre autres.
9. Élan queer
Nous écrivions plus haut que la ligne de démarcation entre les modes masculine et féminine s’estompe. En outre, la mode devient également plus « queer ». C’est une bonne nouvelle, surtout à une époque où les partis d’extrême-droite menacent de faire tomber le talon sur tout ce qui s’écarte un tant soit peu de la norme acceptée, soit, en gros, 99 % de la communauté modeuse… à l’exception d’un gars dans la file d’attente d’un défilé de couture qui, sans crier gare, a commencé à se plaindre que tous ces hommes dans des vêtements féminins le dégoutaient un peu et que cela lui donnait envie de rentrer chez lui.
Applaudissements donc pour Arthur Robert qui, pour son label Ouest Paris, a recréé la scène des couvertures de magazines pornographiques du film My Own Private Idaho de Gust Van Sant (à sa manière) pour ses vêtements street, surf et denim très faciles à porter.
Mais aussi pour Jeanne Friot, qui a réalisé l’un des meilleurs défilés de la Fashion Week. Elle a terminé, comme Dries Van Noten, avec une chanson de Bowie sur la bande-son, avec Heroes. Un choix discutable quand on sait que ce morceau est surutilisé. Mais dans son cas, le tube fonctionnait parfaitement et une émotion se dégageait de l’ensemble, un fait rare cette saison.
10. Service comptabilité
Nous terminerons ce compte-rendu sur une mauvaise nouvelle : non, la mode ne se porte pas bien. Les propriétaires de boutiques se lamentent et de nombreuses marques, petites et grandes, sont en difficulté. La Chine, un marché crucial, n’a jamais complètement rebondi depuis la pandémie. Le Japon et la Corée du Sud souffrent en raison des faibles taux de change du yen et du won.
Si l’on ajoute à cela les vols exceptionnellement chers vers l’Europe et, surtout à Paris, les prix astronomiques des chambres d’hôtel, on comprend mieux pourquoi il y avait beaucoup moins de monde aux Fashion Weeks de ce début d’été.
Heureusement, tout n’est pas noir, comme en témoigne le créateur belge Jan Jan Van Essche. «Un certain nombre de nos clients ne sont pas venus cette saison, concède celui qui a présenté sa 27e collection. Mais en fait, les affaires marchent très bien pour nous. Ceux qui achètent sont toujours déterminés.»
Reste que les rois du luxe, eux, semblent moins confiants, notamment parce qu’ils se sont tirés une balle dans le pied. La relève est très difficile dans de nombreuses maisons. De nombreuses marques, dont le mastodonte Gucci, sont en plein «turnaround», mais la mayonnaise ne prend pas vraiment. De nombreux transferts sont prévus, notamment chez Chanel, Dries Van Noten, Givenchy et, selon toute vraisemblance, Céline.
Certes, il manquait des noms importants à Paris – Valentino, Givenchy, Balmain, qui s’est désisté à la toute dernière minute. Botter, qui devait faire une présentation au lieu d’un défilé, n’a finalement rien fait du tout, ce qui est dommage. EgonLab, Koché, Officine Générale et Ludovic de Saint Sernin se sont également retirés. En contrepartie, nous avons eu droit au retour tant attendu d’Undercover dans le calendrier masculin.
Les adieux de Dries Van Noten
Pour tout savoir sur l’un des défilés les plus importants de la saison, cliquez ici. En septembre, la marque Dries Van Noten présentera une collection féminine conçue par le studio d’Anvers. Rendez-vous en janvier, normalement, pour les débuts du nouveau directeur créatif de la griffe, bien que rien n’ait encore été officiellement confirmé à ce sujet.
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