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Quand j’ai reçu une invitation à la présentation du parfum féminin Maison Martin Margiela, je ne me suis pas fait prier pour aller voir de quoi il en retournait.

Quand j’ai reçu une invitation à la présentation du parfum féminin Maison Martin Margiela, je ne me suis pas fait prier pour aller voir de quoi il en retournait. Comme tout le monde, j’étais curieuse de découvrir ce que l’un de mes créateurs préférés avait bien pu concevoir (avant son départ) avec la machine de guerre L’Oréal. Ce que j’ai vu hier soir m’a un peu déstabilisée, et j’imagine que c’est exactement ce qu’avait en tête Margiela.

J’aime bien le nom, (Untitled). Pas vraiment original mais cohérent. En 2010, un parfum a beau n’avoir plus rien à voir avec une oeuvre d’art tant il symbolise l’aspect commercial de la mode, il peut encore être ironiquement désigné comme un tableau.

Le flacon est réussi. Créé par Fabien Baron, sa forme rappelle les fioles des orgues à parfums, tandis que la typo fait référence aux vieilles machines à écrire Olivetti. L’étiquette est en réalité une couche de peinture blanche. Le bandruchage (manière de sceller le capuchon au flacon) est fait à partir de fil de coton blanc, en référence aux liens qui fixent les étiquettes blanches des vêtements. Bref, les codes sont là, relevés d’une eau d’un beau vert tilleul.

C’est ce qu’il y a dans le flacon qui me laisse plus mitigée. L’essence de Galbanum en note de tête est d’une fraicheur séduisante, verte et boisée, mais au bout d’une demi-heure à mon poignet, la fragrance me semblait trop entêtante. Parce qu’elle était différente de tous les floraux qui inondent le marché en ce moment? Probablement. C’est peut-être aussi un parfum qui, en dépit de son positionnement féminin, conviendrait mieux à un mec. Et encore, pas à tous les types de mecs.

J’en étais là de mes réflexions lorsque, dans le métro du retour, j’ai repris ma lecture de la Théorie du chiffon, la drôle de petite satire du milieu de la mode que Marc Lambron vient de nous pondre. Par un hasard étrange, je suis alors tombée pile sur le passage où le héros du livre, un grand couturier de la génération de Lagerfeld, décide de passer les égéries de l’industrie du parfum au vitriol. Il commence par dégommer « l’égérie de proximité », « une actrice américaine de dix-neuf ans, à peine échappée d’une famille où rôde l’inceste, mais exhalant la fraicheur que l’on peut trouver chez une jolie voisine ». Il continue avec la « star en ascension qui sait prendre un air de drame » et « la Française internationale qui a été mère au moins une fois » avant de finir avec la « féline italienne (…) qui cherche l’amant ».

Arrivée à la fin de ce décapent chapitre, j’étais ravie de constater que L’Oréal avait su nous épargner bon nombre de ces fadaises, si fréquentes chez d’autres parfums du groupe. La campagne de pub d'(Untitled) sera discrète et sans égérie, promis. A vrai dire, je ne vois même pas bien qui le portera, mais je me dis que c’est peut-être bon signe. Ce parfum, ce sera à ceux qui le souhaitent d’aller le trouver.

Géraldine Dormoy, Lexpress.fr Styles


(Untitled), de Maison Martin Margiela, à partir de 55 euros. Sortie en exclusivité chez Colette le 25 janvier, puis à partir d’avril dans les boutiques Margiela, au Printemps et chez Sephora. Théorie du chiffon, de Marc Lambron, éditions Grasset, 162 pages, 11,90 euros.

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