William Lhoest, casting director: « les gens du quotidien me font rêver »
Il fut mannequin par hasard, par la grâce d’un street casting. Et parce qu’il avait un oeil, il est devenu scout avant de créer son agence en Belgique. A 32 ans, à la fois casting director et agent de mannequins, William Lhoest a collaboré avec les plus grands – de Tom Ford à Viktor & Rolf, de M Le Monde à GQ ou Purple Magazine, de Sterling Ruby à Ester Manas, Marine Serre ou Patou. Sa différence? L’art de la singularité.
Tout arrive parfois à point nommé. Je devais commencer mes études supérieures et j’hésitais – kiné, peut-être? Je trouve que c’est compliqué, le système scolaire ne prépare pas aux choix. A 18 ans, on ne sait pas vraiment ce que l’on veut faire du reste de sa vie. J’ai alors été scouté dans la rue, c’était le bon timing. Et, finalement, cela m’a permis de trouver ma vocation.
Mon premier show, c’était assez terrorisant. C’était pour Comme des Garçons. La créatrice Rei Kawakubo vérifiait personnellement chaque look dans le backstage avant qu’on défile. Elle portait de l’eye-liner rouge sous les yeux, elle était impressionnante. Imaginez, j’avais 19 ans, j’étais passé de mon école secondaire, de ma petite vie pépère liégeoise à la Fashion Week de Paris, dans un monde d’adultes qui travaillent avec des adolescents à qui on demande de réagir comme des adultes. D’ailleurs, c’est là que ça coince, même si cela change, grâce notamment aux chartes qui interdisent de travailler avec des mineurs, ou alors de les chaperonner.
Quand vous êtes mannequin, votre corps ne vous appartient plus vraiment. Il devient un objet de travail. C’est perturbant. Je me souviens, quand j’étais en Chine, tous les lundis, on me faisait monter sur la balance devant l’agence réunie… C’est violent, cela devient une obsession, cela crée de l’insécurité par rapport à son corps. Toutes ces expériences ont formé le casting director que je suis – je ne regarde ni la taille ni le poids ni le corps mais la personnalité et l’attitude.
L’inclusivité m’est naturelle. C’est l’avantage de venir d’un milieu populaire, j’ai grandi dans la diversité. Mon oeil est donc différent, je vois de la beauté dans la rue, les gens du quotidien me font rêver et c’est ce que je privilégie dans mes castings. Je veux que tout le monde soit représenté – j’ai une mère et une grand-mère, je désire aussi qu’elles se sentent inclues. C’est mon cheval de bataille. Et je ne me dis jamais qu’il me faut choisir une mannequin curve ou plus size ou d’origine africaine parce que c’est à la mode, car pour moi, c’est une évidence. Il reste encore beaucoup de progrès à faire ; c’est hypocrite de faire défiler une fille plus size parmi 50 autres hyper minces… Mais les marques vont finir par se rendre compte que leur clientèle n’est pas le prototype de la femme d’1 m 80 taille 32.
‘Je ne regarde ni la taille ni le poids ni le corps mais la personnalitu0026#xE9;.’
Les mannequins belges, on les repère, il n’y a rien à faire. Elles dégagent un truc différent, elles sont sincères, débrouillardes et un peu je-m’en-foutistes, elles ont du caractère. Et puis elles ont marqué l’histoire de la mode. J’adore aller dans les archives, retrouver celles qui ont fait partie de cette « Belgian wave », Kim Peers, Elise Crombez, Hannelore Knuts, Laura Delicata, Anne-Catherine Lacroix… et les remettre sur le devant de la scène.
La mode aime la nouveauté. Elle exige sans cesse des « new faces never seen before ». Or, ces jeunes qui débutent vont devoir tout abandonner, comme je l’ai fait moi-même, ils travailleront ensuite une ou deux saisons, puis on les jettera pour un autre « visage jamais vu avant ». Cela me rend dingue. Je n’ai jamais agi comme ça. Chez Marine Serre, depuis le début, je travaille avec une cabine régulière, avec des gens comme Amalia, qui fut le mannequin phare d’Yves Saint Laurent et qui a connu un long passage à vide – à l’époque, quand on vieillissait, on se faisait jeter…
La vie à la ferme et le milieu de la mode, cela peut sembler contradictoire. Je vis à la campagne près de Waremme, dans une ferme. Quand je reviens de Paris, après une Fashion Week épuisante, cela fait du bien de se retrouver dans la nature, avec soi-même. Je m’occupe de mes chevaux, j’en ai adopté cinq que l’on a sauvés de l’abattoir. Dalka, ma première jument, concourrait mais quand elle avait commencé à perdre, ses propriétaires en avaient fait une reproductrice. En douze ans, elle avait eu neuf poulains, c’est énorme. Et puis ils s’en étaient débarrassés. Elle était maigrissime quand je l’ai récupérée. Cela a pris du temps pour lui redonner goût à la vie.
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