Pour la première fois en France, une action de groupe contre la « discrimination » envers les femmes
Pour la première fois en France, une « action de groupe » a été lancée mardi pour faire cesser la discrimination envers les femmes au sein d’une entreprise privée, l’occasion selon ses promoteurs de « faire un exemple » dans un pays où les inégalités salariales et de carrière persistent.
La procédure à l’encontre de la Caisse d’Epargne Île-de-France (région parisienne), où les femmes gagneraient en moyenne 18% de moins que les hommes, a été lancée dans la matinée par une « mise en demeure » adressée à la direction du groupe bancaire, ont annoncé des militants du syndicat CGT lors d’une conférence de presse.
Elle pourrait déboucher dans six mois sur une assignation devant le tribunal de grande instance de Paris, si d’ici là la direction n’a pas réagi par des mesures jugées adéquates.
C’est la première fois que cette procédure, prévue par une loi de novembre 2016, s’attaque aux inégalités entre les sexes, selon les promoteurs de cette action.
Pour Sophie Binet, chargée de l’égalité femmes/hommes à la CGT, « des centaines d’entreprises pourraient être concernées par une action » similaire.
Les inégalités salariales avaient été au centre d’une série de manifestations en France lors de la Journée internationale pour les droits de la femme, le 8 mars dernier. Les associations féministes estiment que les salariées françaises sont payées en moyenne 26% de moins que les hommes.
Cette action de groupe, « c’est l’occasion de frapper un grand coup et de faire cesser ces discriminations insupportables qui durent depuis tant d’années », a souligné Catherine Vinet-Larie, référente juridique pour la CGT à la Caisse d’Epargne Île-de-France (CEIDF). Cette banque compte 4.572 salariés. « On voudrait faire un exemple, car cette question touche tout le monde », a ajouté Valérie Lefebvre-Haussmann, de la fédération CGT des banques et assurances.
Selon la CGT, qui dit s’appuyer sur le bilan social 2018 de la CEIDF, l’écart moyen de rémunération entre hommes et femmes « n’a fait qu’augmenter ces trois dernières années » dans cette entreprise, pour atteindre 18%, et même 34% pour les catégories supérieures. En outre, en 2018, 56% des promotions professionnelles « avec changement de catégorie » ont bénéficié à des hommes, alors qu’ils ne représentent que 38% des effectifs.
La direction de l’entreprise s’est dite « surprise » par cette « démarche un peu solitaire » de la CGT, qui selon elle avance des chiffres « trompeurs ».
« Résignée »
En matière de rémunération, « il faut comparer à emploi équivalent et ancienneté équivalente », a dit à l’AFP le directeur des ressources humaines de la CEIDF, François de Laportalière. En raisonnant ainsi, les rémunérations des hommes et des femmes sont quasiment équivalentes, a-t-il affirmé, et même « légèrement supérieures » pour les femmes non cadres.
Les chiffres avancés par la CGT ne portent par ailleurs que sur « une partie » des promotions professionnelles, a-t-il fait valoir, assurant que, si on prend en compte l’ensemble de ces promotions, le bilan est quasiment équitable.
M. de Laportalière a également souligné que, à la CEIDF, l’index d’égalité salariale hommes/femmes – un indicateur que les entreprises françaises de plus de 1.000 salariés doivent obligatoirement publier depuis mars dernier – atteint le score honorable de 94 points sur 100.
La CGT, de son côté, estime que cet index, dont les modalités ont été mises au point par le gouvernement, ne rend pas compte de manière fiable de la situation dans l’entreprise. Par exemple, affirme-t-elle, l’indice évalue si une proportion comparable d’hommes et de femmes bénéficie d’une augmentation, mais ne sanctionne pas une situation où l’entreprise augmenterait les hommes beaucoup plus que les femmes.
L’action de groupe permet à un juge d’ordonner des mesures pour mettre fin aux discriminations et réparer le préjudice subi par toutes les personnes intégrées dans le groupe concerné.
Toutes les femmes salariées dans l’entreprise peuvent intégrer le groupe, a expliqué l’une des avocates qui défend le dossier, Me Savine Bernard, même si, pour l’heure, les cas de huit salariées seulement ont été versés au dossier.
Parmi elles, Hélène Coeuret, qui travaille à la CEIDF depuis 18 ans. « Tous les collègues hommes qui sont rentrés dans l’entreprise en même temps que moi sont aujourd’hui directeurs d’agence. Mais moi je suis toujours conseillère financière, au même salaire », explique cette salariée. Longtemps « résignée », elle veut désormais se battre pour que « les femmes soient reconnues comme ayant les mêmes compétences, comme pouvant évoluer de la même façon » que les hommes.
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