Raphaël Enthoven, philosophe, dandy, pas seulement ex de Carla Bruni

Raphaël Enthoven © Reuters

Le philosophe, écrivain et animateur d’émissions est de passage à Bruxelles pour une conférence sur Proust. De quoi oublier l’image du dandy et ex de Carla Bruni qui lui colle à la peau ?

Parmi les spectateurs qui assisteront à la conférence bruxelloise de Raphaël Enthoven, combien seront-ils à l’écouter avec les yeux ? L’expression est de l’intervenant lui-même. Elle est un peu la hantise de l’intellectuel français. Se retrouver malgré lui dans la peau du  » philosophe de service « , comme il dit. C’est pour conjurer ce mauvais sort que le professeur-écrivain-chroniqueur a refusé, il y a quelques années, de rejoindre l’équipe du Grand Journal sur Canal +.  » Le rôle qu’on m’avait dévolu ne me convenait pas. Je ne le sentais pas, dit-il. Je n’avais pas envie d’être le balourd qui est censé élever le débat sur un plateau de télé en commentant l’actualité.  »

A 39 ans, il est, avec Charles Pépin, l’un des rares passeurs de son domaine et de sa génération à occuper l’espace médiatique. Mais pas n’importe où. Chaque semaine, il anime deux émissions, l’une sur les ondes de France Culture (Le gai savoir), l’autre sur Arte (Philosophie). Certains de ses confrères lui reconnaissent un vrai talent d’intercesseur. Mais cela ne suffit pas à être pris au sérieux par ses détracteurs, qui lui reprochent de faire de la métaphysique de comptoir. On se gausse çà et là de son éloquence un peu appuyée, de son physique romantique à la Sami Frey, voire de son dressing avec ses impeccables chemises noires. Le principal intéressé prend acte. A défaut de se sentir concerné.  » Cette image que l’on me renvoie, ce n’est pas moi, c’est mon avatar. Henri Bergson a une très bonne phrase à ce propos :  » Nous ne voyons pas les choses mêmes, nous nous bornons à lire des étiquettes collées sur elles.  » C’est une invitation à se couvrir d’antiadhésif en permanence.  »

Il faut dire que ce diplômé de Normale Sup, adepte de krav maga, doit les prémisses de sa notoriété davantage aux pages people qu’aux Cahiers philosophiques. Son mariage à l’âge de 20 ans avec Justine Levy, fille de Bernard-Henri Levy, suivi de sa liaison avec Carla Bruni, a fait le bonheur des imprimés de salles d’attente. Un plébiscite de la presse qui lui vaudra de figurer, avec la top model – et auteure de la chanson Raphaël -, en une de Paris Match.  » Je n’ai jamais posé de ma vie pour la couverture d’un magazine people. Jamais. Cette photo qui n’était pas destinée à faire la couverture s’est retrouvée exploitée contre ma volonté « , avance-t-il dans le salon de son bel appartement parisien, un ancien atelier niché dans une cour privée à côté de Montparnasse.

Parmi les milliers de livres classés par ordre alphabétiques qui l’entourent, on aperçoit ses auteurs et penseurs de prédilection. Spinoza, les spiritualistes français, Camus ou Proust.  » C’est un compagnon merveilleux, dit-il à propos de l’auteur de La Recherche. Un amour de Swann est un livre drôle et bouleversant qui rend les douleurs moins douloureuses qu’intéressantes.  » Tellement intéressantes que l’an passé, il a consacré au grand Marcel un  » dictionnaire amoureux  » ludique et érudit, co-écrit avec son père, Jean-Paul Enthoven, directeur éditorial de renom. On les appelle parfois les Enthoven tant l’un semble le prolongement de l’autre. Charmeurs, fins lettrés, esthètes. Ils jouent les duettistes sur un air de complicité et de rivalité parfaitement rôdé.  » Nous sommes toujours tombés d’accord pour ne pas être d’accord « , dit le fils qui s’exprime volontiers par oxymore, cette figure de style qui prend plaisir à dire blanc et noir à la fois. Il prône ainsi  » l’élitisme pour tous  » dont parlait le metteur en scène de théâtre Antoine Vitez.  » Cela veut dire que la démocratisation de la philosophie est une bonne chose à condition qu’elle ne cède pas sur le contenu. Il ne faut pas tenir le destinataire pour moins intelligent que soi. Ce qui n’empêche pas la légèreté. On peut fonctionner par ellipses, laisser, par exemple, le soin au lecteur ou à l’auditeur de reconstruire son propre chemin.  » Et si besoin, fermer les yeux. Pour écouter avec les oreilles.

Le 28 janvier à 20 heures, Proust ou l’art du réenchantement, Wolubilis, à 1200 Bruxelles. www.wolubilis.be

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