Olivier Minne, d’Ixelles à Hollywood, en passant par Fort Boyard

© Isopix
Isabelle Willot

A 53 ans, le présentateur de Fort Boyard signe son premier roman avec en toile de fond Hollywood, ses studios et son célèbre Chateau Marmont. Un récit imprégné de cinéma, de musique et de Californie où le Belge, né à Ixelles, vit désormais la moitié de l’année.

Il y a des moments de vie où il est important de faire confiance aux autres. Ils voient parfois en vous ce que vous ne vous autorisez pas à voir vous-même. Mon éditeur fait partie de ces gens-là. C’est lui qui m’a poussé à écrire un roman, il m’en a même suggéré le thème. J’avais étouffé en moi cette envie d’écriture, comme si, parce que je suis animateur de jeu, je n’avais pas le droit de toucher à ça. Gamin pourtant, j’inventais déjà des contes pour ma soeur, je les tapais en cachette sur la machine à écrire de mon grand-père.

Il n’y a rien de pire que de se regarder écrire ! Mes premiers feuillets d’ailleurs, je les ai jetés. Même si un auteur a le droit de tout inventer, j’ai eu le besoin de ressentir la présence physique du Marmont. Je m’y suis installé pendant une dizaine de jours pour mettre en place une sorte de rituel. Je m’étais documenté pendant trois ans avant de me lancer, je me suis imbibé de chacune des décennies que j’évoque dans le roman, de la sociologie de cette ville à nulle autre pareille. Pour chaque scène qui se passait au Chateau, je n’ai plus eu ensuite qu’à convoquer les souvenirs : la lumière dans les pièces, les ambiances, les odeurs, tout me revenait comme si j’y étais. Depuis, je m’y sens un peu comme chez moi.

Partir, c’est s’arracher, et s’arracher, c’est se blesser. Il faut avoir fait l’expérience de l’expatriation pour le comprendre. J’ai quitté Bruxelles pour Paris, et Paris pour Los Angeles. Depuis que je suis là-bas, je ne me suis jamais senti aussi proche de mes racines, de ma langue, c’est sans doute ce qui m’a ramené vers l’écriture. La langue vous accompagne toujours, car elle fait partie de vous, elle vous rassure quand vous vous sentez loin, un peu seul ou perdu.

Vous me dites que certains me voient comme trop gentil ou trop classe pour la télé ? Je leur laisse la responsabilité de leurs propos mais il y a pire comme condamnation, non ?

Quand je suis arrivé là-bas, sorti des lectures et des films que j’avais vus, je ne connaissais pas l’Amérique. Et pourtant, à Los Angeles, tout m’a semblé familier, je ne m’y suis jamais perdu. Je voulais m’éloigner de la télé, des gens qui m’avaient tourné le dos. Quand je commençais mes journées, Paris les finissait. Ça m’a permis de me retrouver.

La peur n’est intéressante que si elle reste de l’ordre du frisson. Si elle conduit vite au rire, au plaisir, à la confiance, elle ne porte pas à conséquence. Le cinéma, les parcs d’attractions et certaines émissions de télévision permettent de jouer à se faire peur, de retrouver cet état de l’enfance, c’est ce qui explique sans doute que Fort Boyard plaise tant aux plus jeunes. Si elle devient déraisonnable, envahit l’esprit au point de rendre les pensées chaotiques, cette peur qui vous empêche de faire la part du vrai et du faux, j’essaye de la garder à distance car elle vous plaque au mur, contre vous-même, elle vous empêche d’aller de l’avant et d’aller vers les autres. Elle asservit un peu partout dans le monde, en Occident aussi, car elle est instrumentalisée par certains dirigeants, c’est un vieux truc, hélas, qui remonte à la nuit des temps.

Je ne suis pas sûr d’avoir envie de vieillir devant les caméras de la télévision. En tout cas pour la dernière phase de ma vie. On ne sait pas ce qui fait qu’on dure. La longévité dans ces métiers-là ne dépend pas que de vous. Vous me dites que certains me voient comme trop gentil ou trop classe pour la télé ? Je leur laisse la responsabilité de leurs propos mais il y a pire comme condamnation, non ? J’ai peut-être pu donner l’impression d’être quelqu’un de sage et poli, ce que je suis par mon éducation. J’aurais peut-être gagné à être plus grande gueule, cela m’aurait protégé. J’ai plutôt tendance à faire le dos rond qu’à ruer dans les brancards, même s’il m’est arrivé de l’ouvrir et de le payer cher. Aujourd’hui, je prends toujours beaucoup de plaisir à faire de la télé, à partager des choses avec le public et ceux et celles que je côtoie sur les plateaux. J’aime l’idée d’avoir réussi à tisser des liens de confiance avec les téléspectateurs, les témoignages que je reçois sont plutôt bienveillants. Je suis verni pour cela.

L’amitié peut s’imposer à vous. Comme l’amour, elle a ses exigences et lorsqu’elle est réelle, profonde, on peut s’oublier pour l’autre. J’ai du mal à me faire de nouveaux amis parce que le temps me manque déjà pour ma famille et pour ceux que j’ai. En même temps, il n’y a rien de plus merveilleux que de croiser soudain la route de quelqu’un qui va vous accompagner pour les années à venir. Un cadeau pareil, ça ne se refuse pas. C’est ce que m’a expliqué un jour Elie Wiesel. Que l’amitié pouvait être de l’ordre de l’évidence. Et qu’il ne fallait pas lutter. Sa pensée claire, exprimée en peu de mots, m’a bouleversé. Nous étions donc devenus amis. Et nous nous sommes vus chaque fois qu’il venait à Paris jusqu’à sa mort.

Un Château pour Hollywood, par Olivier Minne, éditions Séguier.

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