Philippe Delerm en 5 mots: « Cette vie virtuelle m’inquiète »

Avec L’extase du selfie et autres gestes qui nous disent, l’auteur français continue de scruter l’épiderme de notre quotidien à travers l’anodin, qui en dit long sur le genre humain.

Outsider

« Paresseux, glandeur et contemplatif », Philippe Delerm s’observe lui-même et ses semblables. Il n’a ni ordinateur, ni Internet. Son « téléphone pourri » tranche avec cette ère « où le smartphone est obsédant » – « Cette vie virtuelle m’inquiète. » Il la scrute si justement dans ce recueil, décrivant le vapoteur ou le selfie. « Comment jouer à la star avec mon nez gascon, plaisante-t-il. Cette obsession traduit une insécurité. » Philippe assume sa nostalgie: « Mon passé me fait aimer mon présent. »

Enfant

D’une sincérité touchante, Philippe Delerm se voit comme « un enfant-tombeau ». Sa soeur aînée a été tuée par un bombardement durant la guerre 40-45. Né en 1950, il a « rendu le goût de la vie à [sa] mère. L’écriture vient de là ». Institutrice, elle lui apprend à devenir « un gaucher contrarié ». Ce grand lecteur, guère doué en rédactions, voulait être chanteur. Il s’oriente finalement vers une licence de lettres et devient prof. Ce métier adoré lui a permis de « demeurer un éternel enfant ».

Écrire

Son premier geste au réveil? Ouvrir les volets -« Je suis du matin, du dehors… » L’auteur a ses rituels. Il écrit lentement, entre 5h30 et 7 heures. Il a des cahiers pour chaque projet. Derrière l’apparente simplicité, se cache un travail ciselé au côté « tendre et moqueur »: « J’ai un rapport sensuel à l’écriture. Mon sujet? La vie et l’éternel humain. On s’invente en écrivant. »

Famille

C’est sacré. Martine « lit tout ce que j’écris. Son regard exigeant m’a changé. C’est la première jolie fille que j’ai abordée à la fac, en 1969. » Un amour de cinquante ans qui se prolonge avec « ce que j’ai créé de mieux », Vincent Delerm. « Nous avons vécu quelque chose de fort à trois. Mon fils m’a donné envie de croire en l’enfance. » Son prochain album « m’a étonné par sa singularité. »

Temps

L’écrivain ressent « une accélération vertigineuse ». Or, il n’oublie pas ses années de galère, quand ses manuscrits étaient refusés. « Le succès de La première gorgée de bière est venu à 47 ans. Le feel-good, l’extase, la zénitude et la sagesse, ce n’est pas mon truc. Je préfère le trouble, l’inquiétude et le bonheur. Enfants, on s’est tous baignés dans une rivière. Or, moi, je suis resté mouillé! »

L’extase du selfie et autres gestes qui nous disent, par Philippe Delerm, Seuil, 111 pages.

Philippe Delerm en 5 mots:
© SDP

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