Philippe Roberts-Jones, la rigueur et le rêve

Philippe Roberts-Jones, avec le Roi Albert II (novembre 1995). © BelgaImage
Guy Gilsoul Journaliste

Le poète et ancien conservateur en chef des musées royaux des Beaux-Arts de Bruxelles est décédé à 91 ans. On lui doit des centaines d’expositions et des oeuvres marquées par le rythme cristallin des classiques.

Conservateur en chef des musées royaux des Beaux-arts de Bruxelles entre 1961 et 1984, secrétaire perpétuel de l’Académie royale de 1984 à 1999, l’ancien professeur d’Histoire de l’Art de l’ULB Philippe Roberts-Jones a tiré sa révérence à l’âge de 91 ans. Sa carrière en tant que scientifique, gestionnaire et pédagogue est impressionnante même s’il faut y ajouter en lettres grasses, le titre de poète récompensé en 1985 du Prix de la poésie de l’Académie française(*). Si l’homme vécut au coeur d’un réseau de relations très vaste, il fût d’abord et avant tout l’ami de quelques-uns, artistes, musiciens, scientifiques et hommes de lettres.

Il a 19 ans lorsqu’en 1943, son père avocat et résistant est fusillé par les nazis. Le jeune homme s’engage alors à son tour et devient officier de liaison pour l’armée britannique. La paix revenue, il s’inscrit à l’ULB en Droit et en Histoire de l’art tout en publiant en 1947 un premier recueil, « Le voyageur de la nuit ». C’est à Paris après avoir transité par Harvard et Salzbourg qu’il va écrire sa thèse de doctorat. A 33 ans, il donne ses premiers cours à l’ULB qu’il ne quittera qu’à l’heure de la retraite après y avoir créé la section d’art contemporain en 1969.

En 1959, il entre au musée des Beaux-Arts dont il devient conservateur en chef deux ans plus tard. Le travail est abondant. La place manque et les espaces ont mal vieilli. Il s’engage alors dans la rénovation du musée d’art ancien (1974-84) en collaboration avec l’architecte italien Ezio De Felice. A lui aussi revient la création du musée d’art moderne enfoui sur le site de la Montagne de la Cour imaginé par Roger Bastin et inauguré en 1984, l’année-même où il quitte ses fonctions.

On lui doit d’avoir organisé près d’une centaine d’expositions dont « Le siècle de Bruegel » et « Le siècle de Rubens » ainsi que d’autres, d’art moderne, imaginées dans les petites salles de ce qu’on appelait entre 1962 et 1978, le musée provisoire d’Art moderne situé dans l’ancien Hôtel de l’Europe, place Royale. Parmi ses nombreux écrits d’historien de l’art, citons « Du Réalisme au Surréalisme » dans la peinture belge ou encore la monographie Bruegel qu’il signa voici peu avec sa compagne Françoise. Au total pas moins d’une centaine de textes dont ceux réservés à l’oeuvre de Magritte.

Si la rigueur et la concision dominent, Philippe Roberts-Jones n’oublie jamais qu’une image ne vit qu’à la force d’un rêve. Ce fût cela son message de pédagogue. Cela aussi qui le mena, en tant que poète et nouvelliste, à rechercher à travers le souffle des mots le rythme cristallin des classiques : « L’être est-il un rivage ou l’écume au hasard » écrivait-il dans « Toi et le tumulte ».

*Poésie 1944-2004. OEuvres littéraires I et OEuvres de fiction 1991-2004, aux éditions La Différence

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