« Profite! »: l’art (délicat) de décrocher pendant les vacances

«Profite!» Je suis prête à parier que cette injonction au lâcher prise – si ça se commandait, je pense que ça se saurait –, vous l’avez entendue plus d’une fois au moment de dire au revoir aux collègues, de confier vos clés au voisin ou de fixer la date du prochain barbecue avec les potes qui eux partent hors saison.

Mais quelle est donc la recette imparable pour «profiter», justement? Réserver le logement bien sûr mais aussi organiser au cordeau la moindre excursion en amont car tout se «booke» désormais, des visites de musée au resto étoilé, sans oublier la rando dans les calanques…? Ou bien partir «à l’aventure», en rêvant de se laisser surprendre au détour du chemin?

Aux dires de l’enquête réalisée fin 2022 par le comparateur de vols Skyscanner, ce seraient justement les voyages spontanés qui nous rendraient le plus heureux. A première vue, les arguments en faveur du grand saut dans le vide ne manquent pas face à l’idée de se retrouver même en congé avec un agenda de ministre.

Partir au pied levé, pour une destination à peine connue au moment de prendre la route, nous ferait à coup sûr sortir de notre zone de confort, favoriserait la surprise, les échanges. On aimerait en tout cas tellement y croire.

Mais savoir se la couler douce sans filet n’est pas donné à tout le monde. La feuille blanche, tous les créatifs vous le diront, angoisse bien plus souvent qu’elle ne libère. L’absence de plan peut devenir source de stress. Surtout si l’impréparation, dans un monde ponctué par les diktats des réseaux qui ont leur avis de ce à quoi doivent ressembler des vacances sous filtres bien pensées, mène à la déception et à la frustration.

Comme souvent, tout est affaire de compromis. Le cadre, s’il n’est pas motivé par la performance, permet de programmer… des journées sans programme. Au moment de dresser tous ensemble la liste de nos envies de choses à voir, à ressentir, à vivre, désirs bien légitimes ma foi, il faudra oser s’empêcher de cocher toutes les cases. Aménager son temps, c’est s’en laisser à perdre. Les meilleurs souvenirs ont bien souvent un petit goût de trop-peu.