Quand le café sert à fabriquer nos vêtements

Rosana Escobar © Luvia Lazo

Café et vêtements ne font pas bon ménage : renversez le premier sur les seconds et vous en serez convaincus. 
Mais certains créateurs prouvent que le kawa peut servir d’inspiration et même de matériau pour le monde du textile.

Des teintures textiles à base de café

La Costaricaine Evaluna Márquez, chimiste de formation, s’est retrouvée à Amsterdam après ses études et y a fondé Caffe Inc, une entreprise qui extrait des pigments du marc de café. Les teintures pour le textile sont souvent synthétiques et très polluantes, explique-t-elle. « Alors qu’il y a tellement de flux de déchets de l’agriculture. 1 % seulement du grain de café arrive dans la tasse, les 99 autres sont du rebut. Et ça pour un produit qui vient de si loin. » Les seaux de marc de café de son atelier proviennent d’hôpitaux et d’entreprises. Les composants bruns du café constituent la base des colorants, qui vont du brun au beige en passant par le kaki et le gris foncé. Caffe Inc a sorti pour la première fois sur le marché, en collaboration avec le Néerlandais Bonne Suits, des costumes sur mesure colorés au café. La jeune femme a aussi distillé d’autres produits de son marc, dont une huile qui sert de base pour des cosmétiques. « Je trouve ça intéressant de lier des industries qui n’ont rien à voir. De nombreuses solutions peuvent surgir de cette connexion. »

caffeinc.nl, bonnelife.com

© MAARTEN VAN DER KAMP

Des sacs en fique devenus poufs

La Colombienne Rosana Escobar a étudié la biologie à Bogotá et le design à Eindhoven. Elle vit aujourd’hui à Berlin mais l’amour pour son pays natal est si grand qu’elle s’est consacrée à une fierté nationale : pas tant le café que le sac qui le transporte. Pas de jute ici mais du fique, une plante indigène de la famille des agavacées qui peut vivre jusqu’à 70 ans. « La loi oblige à transporter le café de Colombie dans des sacs en fique, que les consommateurs ne voient jamais. Les torréfacteurs ne savent pas quoi en faire, je les collecte chaque semaine. » Rosana Escobar désassemble les sacs et en fait des objets de déco comme des poufs et des éventails, qu’elle vend via des galeries. Ces pièces se basent sur la vie quotidienne des paysans. Le pouf évoque les ballots que les agriculteurs assemblent pour transporter les fibres. Rosana réfléchit aussi des applications à l’échelle industrielle, comme le papier. « Mais dès qu’un matériau est utilisé industriellement, il perd son identité locale. Et c’est justement ce que je veux lui redonner. »

@escobaryrosas, secondaryraw.com

© SDP

Des jupes en jute recyclé

En tant que petite-fille de tailleur, l’Espagnole Sylvia Calvo a toujours voulu coudre, même si elle a d’abord fait carrière dans l’industrie navale. Juste au moment où elle a viré dans la mode, elle s’est rendu compte que ce secteur était tout aussi polluant. Alors elle est partie à la recherche d’un matériau plus durable. Elle a trouvé son inspiration dans le port de Barcelone, dans les navires porte-conteneurs remplis de café emballé dans des sacs de jute. « Après le transport, ces sacs sont tout simplement jetés. Et si on en faisait des vêtements ? » Ce n’était pas une évidence, reconnaît Sylvia. « Vous imaginez un sac carré enroulé autour de vous… Ça devait aussi être beau ! » Elle a donc mélangé le jute avec des sacs de café en coton et des chutes de cuir. En utilisant aussi ses propres chutes, elle produit des vêtements à base de jute recyclé combiné à des fins de stocks de coton bio et de Tencel. Même les imprimés de ses créations sont à base de coques et de déchets de café. Elle récupère les sacs chez le marchand de café This Side Up Coffee, qui se mobilise pour l’amélioration des conditions de vie des cultivateurs. 
Sylvia Calvo espère inspirer d’autres stylistes à travailler avec des matériaux de récupération de leur propre cadre. « Si moi je peux faire une jolie robe à partir d’un sac, beaucoup de choses sont possibles. »

sylviacalvobcn.com

© SDP

De la lingerie en marc de café

« Vos sous-vêtements sentent-ils le café ? » Claudia Ahlers ne compte plus le nombre de fois où on lui a posé cette question. Cette Amstellodamoise a tout un parcours dans la com’ mais a repéré un jour une opportunité dans le marché. « Soit on porte de la lingerie de luxe, soit des slips bon marché. Entre les deux, il m’a semblé qu’il y avait nombre de possibilités, à condition d’arriver avec un produit inédit. » C’est à Paris qu’elle a rencontré un fournisseur de tissu de Taïwan qui fabrique de la fibre à partir de l’huile de marc. Ses sous-vêtements ne sont composés qu’à moitié de cette fibre, « sinon ça se décomposerait ». L’autre moitié est faite de Nylon et d’élasthanne recyclés, pour la souplesse de la matière. Ils ne sont donc pas 100 % recyclables. Un point délicat dans le secteur de la lingerie. « Il y a pour l’instant peu de marques de lingerie durables, mais je pense que ça va venir. » Et l’odeur ? Elle est aussi neutre que possible. « Mais j’ai fait imprimer des grains de café sur le tissu », sourit-elle.

undercharments.com

© SDP

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