Quels parfums portent les hommes?
Dans la parfumerie masculine, la nouveauté consiste souvent à décliner les classiques en version allégée ou plus tonique. Bonne façon de redécouvrir vos préférés.
Les hommes sont des êtres fidèles. Si, si. En tout cas à leur eau de toilette. C’est ce qu’il ressort d’une enquête réalisée par Givenchy (sondage réalisé auprès d’un panel d’environ 400) hommes sur les habitudes masculines en matière de parfumage. On y apprend ainsi que 40 % d’entre eux se contentent d’une seule fragrance, que 30 % s’encanaillent jusqu’à deux. Mais, surtout, que près de 80 % restent attachés à ce qu’ils portent pendant au moins trois ans!
La différence se joue, avec plus ou moins de délicatesse, sur trois points: le visuel, avec un packaging plus « junior » et une couleur de jus décolorée puis reteintée- souvent en bleu des mers du Sud ou en vert d’eau; le nom, auquel on ajoute un terme signifiant, genre « fraîcheur », « sport » ou « light »; la fragrance elle-même, allégée des notes de fond les plus lourdes au profit des envolées de tête, plus pétillantes, plus volages. C’est la fête à la synthèse, à l’hédione (éclat et persistance), à l’Iso E Super (couleur boisée claire), à l’Helional (effet aqueux marin). Et au naturel, des agrumes en veux-tu en voilà, quelques épices dites froides (cardamome, gingembre, anis) et des herbes fraîches (menthe verte ou poivrée).
Beaucoup plus stable que celui des féminins, qui multiplie les éditions éphémères, le marché du parfum masculin préfère revisiter ses classiques à l’ancienne, par la création d’une seconde ligne, plus jeune ou plus légère, mais toujours très ancrée dans les codes de la marque. Ainsi, lorsqueBurberry lance une variante sport de son Burberry For Men, la référence aux collections mode du même nom est immédiate. « Le sport s’inscrit dans le prolongement naturel de notre identité », justifie Christopher Bailey, directeur artistique du label britannique.
Mais au final, donc, l’univers reste familier. Ainsi, inspirée par Gucci by Gucci, la toute nouvelle version sport de ce best-seller lancé en 2008 partage avec son grand frère les mêmes codes graphiques- un flacon à bouchon chromé en forme d’étrier- et la même égérie: l’acteur américain James Franco, qui, au lieu de déambuler en costume bien coupé, fait jouer ses pecs au bord d’une piscine pour la campagne du nouveau jus. « Côté fragrance, nous avons voulu créer la surprise en inversant la pyramide olfactive, explique-t-on chez Gucci. Nous voulions évoquer la liberté, le désir de jouer. Et aussi l’énergie, la puissance de l’océan. Sans pour autant reproduire une note marine au premier degré. Nous avons misé sur les odeurs d’agrumes, du citron vert, du pamplemousse, de la mandarine. Et pour éviter qu’elles ne soient trop fugaces, nous leur avons donné du corps et de la rondeur en ajoutant de la figue, plus une pointe de cardamome. Sans oublier le patchouli, déjà présent dans le classique. »
Ces liens, si ténus soient-ils, suffisent à rassurer les hommes avides de changement dans la continuité. « Ils ne se laissent pas aussi facilement influencer par la pub que les femmes, affirme Françoise Donche, olfactologue chez Givenchy, et intellectualisent moins le parfum. Si l’univers exprimé par une égérie peut les aider à dire : « Oui, ça pourrait peut-être être moi », pour un consommateur sur quatre, la marque reste déterminante dans la décision d’achat. » Les nouveaux mots qui se greffent sur les étuis d’Allure Sport de Chanel, de Neo deGivenchy ou de KenzoPower Cologne de Kenzo, loin de brouiller le message, renforcent l’identité d’une maison apparaissant comme le premier critère de choix.
Même si, sans doute, l’envie de plaire à sa collègue de bureau motive parfois le coup de splash du matin, se parfumer reste surtout (pour près d’un homme sur deux) un acte étroitement lié à l’hygiène et à la sensation de bien-être que procure l’exercice physique. D’où le succès des eaux fraîches associées à un sentiment de propreté, d’où la déferlante des fragrances à caractère « athlétique ». Lorsque Biotherm lance Force, son premier masculin, c’est d’emblée ces deux univers qui sont convoqués : la fraîcheur et l’énergie. Tant dans le choix musclé du nom que dans les lignes du flacon rappelant les courbes d’un haltère.
Enfin, si, à l’origine, ces « eaux fraîches » ou « eaux de sport » sont là pour distraire- sans trop les disperser- les aficionados d’une marque désireux de changer un peu de plaisir, elles ciblent aussi accessoirement une clientèle plus jeune. Comme le révèle encore l’enquête Givenchy, les premières découvertes olfactives sont étroitement liées à l’univers du rasage, expérimenté à l’adolescence. Ainsi, 64 % des hommes interrogés avaient entre 15 et 20 ans lorsqu’ils ont utilisé une eau de toilette pour la première fois. Celle-ci étant souvent perçue comme un complément des produits de soin employés avant et après le passage de la lame. Pour Françoise Donche, ces mousses et ces gels « sentant le propre » appliqués sur une zone du visage proche du nez, de surcroît le matin (lorsque l’odorat est particulièrement en éveil), pourraient expliquer le goût des hommes pour les senteurs pures et transparentes. Dans l’Eau de Guerlain Homme, le pamplemousse et la bergamote viennent réveiller l’accord- déjà très givré- de la menthe et du géranium. Dans l’Eau fraîche, variation de l’Eau bleue, d’Issey Miyake, la bergamote et la menthe fraîche ont remplacé la citronnelle et la badiane, plus enveloppantes.
Mais l’odorat, comme le palais, change et s’éduque avec le temps qui passe. A 30 ans, après n’avoir enfilé que des jeans et des baskets, on se sent un jour prêt à porter le costume et un parfum de Guerlain. Par exemple Habit rouge. Tout court…
Par Isabelle Willot et Maïté Turonnet
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici