Décorateur lancé à Porto, Paulo Lobo passe ses étés dans le Minho, région rurale du nord du Portugal où il a déniché cette belle ferme en bord de mer. Passionné d’architecture traditionnelle, il a veillé à préserver sa rusticité, tout en y associant la fine fleur du design et des matériaux contemporains. Récit d’une rénovation bien menée, entre modernité et authenticité.

Carreço, joli bout de campagne au nord de Porto : une poignée de maisons, de potagers ceints de murettes, ici et là des champs de maïs et des bosquets de pins. L’air y sent l’herbe, les prunes un peu sures, l’étable parfois… et les embruns. Car, au-delà de ses toits rouges, on aperçoit l’océan et ses voiliers. La mer à la campagne, une sérénité et un point de vue exceptionnelsà le décorateur Paulo Lobo décide de faire sa maison de vacances de la quinta qu’il découvre en 2000 sur les hauteurs du villageà Superbe dans son habit de granit doré, la ferme avait toutefois souffert de restructurations malheureuses. L’eira de pierre où l’on battait le grain était noyée sous le ciment ; une salle de bains avait poussé entre la grange et le corps de ferme, et de belles ouvertures avaient été bouchées, mais rien qui n’empêche Paulo et son épouse, Paula, de retrouver, de vacances en week-ends, l’âme et la beauté brute de la quinta d’origine.

D’abord les extérieurs. Réassembler les murs de granit avec un ciment discret, embelli par les sables gris du rio Minho, qui dessine la frontière voisine entre Espagne et Portugal. Décaisser la cour et le rez-de-chaussée, emplis au fil des ans de terre battue, rendant les pièces trop basses de plafond. Le résultat enchanta Paulo et Paula, mais ils se heurtèrent vite au rocher, qu’ils résolurent de faire sauter à la dynamite. Avec le granit récupéré, ils ont pu rénover la calçada portuguesa – la calade qui descend du portail, contourne la maison et son figuier centenaire et file à travers le jardin jusqu’au village -, mais aussi les escaliers, les murettes bordées d’hortensias bleus, jusqu’aux fins poteaux que l’on utilise ici pour les treillesà

À l’intérieur, ils repensèrent les volumes. Au rez-de-chaussée, Paulo a transformé cellier et cuisine en un grand salon où il a ajouté aux lucarnes d’origine de très grandes fenêtres pivotantes. Il a gardé la pierre où l’on pressait le raisin et le four, touche rurale face aux fauteuils Le Corbusier, aux canapés CasaDesús, aux lampes Pallucco et au téléviseur dernier cri. La cuisine, tout équipée d’Inox, a pris place dans l’ancienne étable. Dans le prolongement, blottie à l’ombre du figuier – une merveille de fraîcheur en été ! -, Paulo a greffé une boîte de verre et bois blond pour abriter une salle à manger ultralumineuse, ouverte sur la campagne et l’océan. Il en a dessiné la grande table en châtaignier. Avec ses chaises Tulip de Saarinen, pourvues de galettes en Pallanza Nutmeg de Designers Guild, elle peut accueillir jusqu’à quatorze personnes. Une plaque de verre en guise de rampe, un escalier en résine blanche cassée de gris-vert monte sous un décor mural en azulejos dépareillés trouvés dans la maison.

À l’étage, Paulo s’est installé une chambre avec vue et la baignoire d’Agape trône dans la salle de bains voisine. Un large couloir mène au cabinet de toilette et aux chambres des enfants. Le contraste entre son sol de résine claire réfléchissant la lumière et le bardage en châtaignier abritant les placards chahute agréablement l’£il. Ce flirt entre rudesse et délicatesse, matériaux rustiques et matières plastiques, granit portugais et design italien, crée une tension réjouissante. De grandes dalles de granit s’élancent au-dessus de la cour, pont aérien inattendu entre l’étage et l’aire de battage en pierre.

Dans l’espigueiro, séchoir à maïs en pierre et planches de châtaignier à claire-voie, Paulo range désormais les matelas de la piscine à débordement. En béton verni (bien dosé en sable grossier), cette dernière semble avoir été creusée à même le rocher. Elle est bordée d’un deck en châtaignier grisé, et Paulo a fait fabriquer par un artisan de Braga d’après un modèle années 50 des fauteuils d’osier à l’allure de chapeau chinois.

La remise voisine a gardé ses murs de travers épousant le tracé de la rue et son ancien réservoir à eau en équilibre à l’angle du toit. Dedans, tout y est blanc, lumineux, car le soleil, ricochant de la piscine, entre par des fenêtres de toutes tailles. L’après-midi et jusqu’au soir, c’est sans doute la plus belle pièce à vivre de la maison et Paulo y a installé le bureau de ses rêves. Depuis sa table de travail avec vue sur les orangers et les citronniers, il fignole ses projets. Le soir, il allume des bougies et des lampes un peu partout, et joue les DJ, pour de grandes fêtes ou juste trois invités installés dans les canapés Minotti en toile bleu jeans. Quand la musique s’échappe de l’ancienne grange, on ne sait si l’on est dans une cour de ferme ou un club de jazz sous les étoiles. Cette ambiance amuse les gens du village, qui suivent avec intérêt l’évolution du chantier et la carrière de ce voisin pas comme les autres. Bon, mais c’est pas tout ça, il y a les vaches à traire, les cochons à nourrir, et à Carreço, la vie minhota a vite fait de reprendre ses droits !

Par Julie Daurel / Photos : Nicolas Millet

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