Fonctionnels, sobres et si possible pas trop chers : les meubles de l’édition 2009 du Salon de Milan se veulent à l’épreuve du temps. Les classiques d’hier cartonnent. Et le bois s’impose en force.

Dans le petit monde des faiseurs de tendance, on ap-pelle cela l’effet balancier. L’excès appelle toujours l’austérité. La fièvre du design arty devait donc finir par tomber. L’an dernier déjà, Milan montrait des signes de lassitude face à ces meubles improbables, trop grands, trop décalés, trop inutiles, en fait. La crise a fait le reste. Et remis le meuble à sa place : dans la maison et non plus au musée. Oubliées donc les expos perso de designers, les objets show off et les prototypes impossibles à produire. Lors du dernier Salone del Mobile qui s’est tenu à Milan du 22 au 27 avril dernier, les éditeurs n’étaient dont plus là pour communiquer mais pour vendre des produits prêts à être livrés dans les boutiques d’ici à septembre.

Partout la prudence est de mise : la priorité est donnée au prolongement de lignes qui ont fait leur preuve. Chez B&B Italia, on met l’accent sur une variante de la chaise Papilio de Naota Fukasawa (6.) ainsi qu’une version améliorée de la bibliothèque Flat. C d’Antonio Citterio (7.) présentée l’an dernier. Chez Molteni, une nouvelle chaise et une chambre à coucher complètent l’élégante collection Wood de Rodolfo Dordoni (15.). Chez Poltrona Frau, c’est un classique de la maison, le canapé quatre places Chester One (8.), qui se décline désormais aussi en modèle trois places, fauteuil et pouf, le tout en cuir capitonné. L’éditeur italien n’est pas le seul à puiser dans ses archives. Cappellini mise sur l’effet de deux grands noms cumulés pour créer le buzz, en rééditant dans une version Homage to Mondrian (12.) un meuble de rangement de Shiro Kuramata. Chez Fritz Hansen, la mythique chaise Series 7 d’Arne Jacobsen (1.) est désormais disponible dans sept nouveaux coloris choisis par sept stars de la scène design (Maarten Baas, Arik Levy, Fabio Novembre, Jaime Hayon, Sebastian Bergne, Nendo et Autoban). Quant à Zanotta, c’est à l’équipe design de la Fabrica, dirigée par Sam Baron, qu’elle a confié le soin de revisiter 17 de ses standards.

Du bois jusqu’à l’overdose

Déjà très présent l’an dernier, le bois s’impose partout, jusque dans l’installation monumentale imaginée par l’éditeur britannique Established & Sons pour dévoiler ses nouveautés. Un  » tumulus  » en planches qui n’était pas sans rappeler les sculptures d’Arne Quinze et les fauteuil Favella des frères Campana et dont le bois devait être entièrement recyclé après le Salon du meuble. Partout, la technique se cache derrière le vernis  » authentique  » d’une matière jugée ringarde il y a peu de temps encore. Même les spécialistes historiques du plastique se l’accaparent. Ainsi, Plank – qui présentait en 2008 une chaise ultralégère dans un composite révolutionnaire développé en collaboration avec BASF – montrait fièrement cette année une autre création de Konstantin Grcic, baptisée Monza (21.), au look résolument scandinave. Pour Magis, c’est à Jasper Morrison que revient le soin de réinventer la table et la chaise de bistrot, version Trattoria italienne(2.). Surfant sur la vague Meccano, la lampe Brave New World de Fresh West (20.) pour Moooi se joue de la lampe d’architecte, façon  » do it yourself « . Chez Moroso, on pousse même le bouchon plus loin en osant le  » bois simulé « , avec le banc trompe-l’£il Soft Wood Sofa de Front design (4.), en mousse recouverte d’un imprimé  » chêne  » trop brut pour être vrai.

Le cuir s’affirme aussi comme l’autre matière naturelle de choix, surtout dans les versions premium proposées chez Poltrona Frau et chez Zanotta. Doux comme de la soie, le Pelle Frau Soul habille notamment le nouveau fauteuil Archibald de Jean-Marie Massaud (3.). Déjà présenté lors de l’édition 2008 d’Interieur, à Courtrai, le cuir premier choix de Zanotta est du meilleur effet sur la chaise Eva d’Ora-Ïto (9.), aussi à l’aise dans la salle à manger qu’au bureau, comme l’était avant elle la chaise Tulipe d’Eero Saarinen.

Dans le living-room, les canapés retrouvent taille humaine et semblent enfin pensés pour des nouveaux intérieurs urbains privilégiant les pièces plus petites – car plus faciles à chauffer. La version compacte de Jean (16.), le nouveau sofa d’Antonio Citterio pour B&B Italia ne fait que 1,60 m de long. Chez Established & Sons, les frères Bouroullec, qui viennent de rejoindre la dream team de designers pilotée par Alasdhair Willis, proposent un canapé tout en rondeur qui donne envie de s’y lover.

Côté signatures, que du lourd, du solide qui a fait ses preuves. Mais sait rester discret. L’heure est aujourd’hui au  » design silencieux « , à l’intelligence subtile capable de se fondre dans les codes esthétiques des grandes maisons sans faire de tapage. Ainsi Cassina a choisi de donner carte blanche à Piero Lissoni. Le créateur, historiquement attaché à la marque, a imaginé une collection d’objets, comme le buffet Radar (18.), tous inspirés par l’idée que le meuble de demain se doit d’être flexible et multifonctionnel. Chez MDF Italia, le show est signé Jean-Marie Massaud. Tout est dans la veine du canapé Yale (19.) : une ligne design qui prône le retour à l’essentiel.

Chez Artek aussi, on simplifie, de manière plus radicale encore : le slogan  » one chair is enough  » ( NDLR : une seule chaise suffit) dénonce bien sûr les excès de notre société de consommation en proposant un système modulaire (17.), signé Shigeru Ban, permettant de construire chaises, tables et bancs en combinant des pièces en forme de L, toutes identiques, toutes découpées dans un composite obtenu à partir de plastique et de papier recyclé. Un objet dit durable, donc – l’autre mot magique qui rend tout nouveau produit déboulant sur le marché soudain respectable. Recycler, c’est bien vu, même lorsqu’il s’agit des idées et des formes d’antan. Le langage industriel triomphe à nouveau : au bois naturel répond le métal brut. Patricia Urquiola fait entrer du grillage laqué dans la collection Sequence de Molteni (5.). Chez Tom Dixon, le bougeoir Crown et le tabouret Slab semblent tout droit sorti de la forge. La collection Candy (11. et 22.) de Sylvain Willenz s’inscrit en plein dans cette nouvelle tendance qui à Milan pointait le bout de son nez : l’avènement d’un design ouvrier.

Isabelle Willot

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