Comment bien déguster son champagne

Plus seulement à l’apéritif et en dessert, mais avec des poissons blancs, des volailles et certains fromages… Le champagne passe enfin à table ! Les conseils d’experts pour faire pétiller sa soirée du Nouvel An.

Ras-le-bol de la flûte !

« Voulez-vous une coupe de champagne ? » L’expression a la vie dure. Mais la coupe, elle, dont la légende raconte qu’elle aurait été moulée sur le sein de la marquise de Pompadour, a enfin disparu de nos vaisseliers. « Ni le vin ni la bulle ne peuvent s’y exprimer. Ce verre évasé est tout juste bon à dresser des cascades de champagne dans les cocktails mondains », confie le jeune sommelier, Meilleur ouvrier de France, Dominique Laporte. Et la flûte, alors ? Elle est suffisamment haute pour que la bulle s’y déploie, mais trop étriquée pour laisser le breuvage respirer. « Elle est adaptée à des champagnes doux taillés pour la fête. Aujourd’hui, la complexité des cuvées moins dosées en sucre mérite un autre support : un verre plus ovoïde, en forme de goutte d’eau renversée, à mi-chemin entre une flûte et un verre à bourgogne », explique Paolo Basso, élu Meilleur sommelier du monde cette année. La plupart des maisons de champagne voient donc dans la nouvelle génération de verres à champagne une porte d’accès à la table, quand elles n’inventent pas elles-mêmes leur propre contenant, à l’instar de Krug, créateur du Joseph, un verre en cristal au ventre large et au bord plus resserré.

Les bouteilles en carafe

La maison Philipponnat le crie haut et fort : le Clos des Goisses, sa cuvée à base de pinot noir, mérite d’être carafé pour libérer la puissance de ses arômes. « L’effervescence n’est que très peu altérée par un passage en carafe, affirme le caviste parisien Bruno Quenioux. Ce rituel est recommandé pour certaines cuvées complexes qui ne demandent qu’à s’oxygéner, et c’est assez spectaculaire de le faire devant les convives ! » Le sommelier Paolo Basso est plus prudent : « Le carafage comporte un risque avec les millésimes anciens. Il peut les mettre en valeur, mais aussi les éteindre… » En cas de doute, mieux vaut une oxygénation douce dans le verre…

SOS champagne frappé On fait subir aux bulles les tortures les plus givrées : baignade prolongée dans le seau à glace, séquestration au congélateur, isolement sur le balcon par 0 °C… « On a pris culturellement l’habitude de servir les champagnes glacés car le froid permettait d’alléger la sensation de « sucrosité » des cuvées qui étaient beaucoup plus dosées en sucre qu’aujourd’hui, analyse Bruno Quenioux. Mais c’est un non-sens de servir un bon champagne à 5 ou 6 °C. Pour profiter de la panoplie aromatique, il ne faut pas hésiter à passer la barre des 10 °C, jusqu’à 12 °C. » A plus forte raison avec des millésimes évolués et des bouteilles à base de pinot noir – comme Bollinger, Drappier… – dont l’amplitude et la complexité méritent des températures plus clémentes pour escorter des poissons au beurre blanc, des ris de veau ou des volailles rôties. Pour trouver la bonne température, Bruno Quenioux suggère de mettre la bouteille « sur le rebord de fenêtre pendant trente minutes si la température extérieure est de 5 °C ou vingt minutes s’il fait 0 °C ».

Bulles et mandibules La bulle est souvent considérée comme un frein, culturel, psychologique ou sensitif, qui rend le gourmet sceptique à l’idée d’un dîner tout au champagne. Et pourtant… « La crémosité et l’acidité de la bulle est au contraire un formidable exhausteur de goût », explique Dominique Laporte. Et si la pétillance fraîche et acide peut fatiguer tout au long du repas, rien n’empêche de créer une rupture de rythme sur la viande avec un grand vin rouge.

Accords et désaccords

Réveillonner de l’entrée jusqu’au dessert au champagne ? Oui, à condition de ne pas conserver la même cuvée tout au long du repas. 1) Variez le dosage en sucre : commencez à l’apéritif, sur des fruits de mer ou du caviar, par un champagne brut zéro dosage – que l’on appelle aussi brut non dosé ou brut nature. C’est un champagne dégorgé et plus rafraîchissant auquel le vigneron a ajouté un vin pur. Ensuite, selon le menu, il faut poursuivre avec des champagnes jeunes, puis des millésimes un peu plus vieux, peu dosés en sucre (brut), et enfin s’autoriser des champagnes demi-secs sur certains desserts à base de fruits. 2) Variez le cépage : le blanc de blancs -c’est-à-dire 100 % chardonnay – se marie avec des poissons blancs, certains crustacés comme les homards et langoustines ou encore un fromage de type crottin de chèvre. Le blanc de noirs – à base de pinot noir et de pinot meunier – s’accorde avec des viandes blanches, voire à certains plats de gibier. 3) Variez la couleur : on peut créer la surprise en intercalant une cuvée rosée sur une volaille, un plat de gibier, du veau ou un dessert à base d’agrumes ou de rhubarbe, mais on évite absolument le chocolat et les bûches glacées ! Le rosé ne s’entend pas non plus avec les poêlées de légumes verts, les crustacés et les poissons blancs.

Sublimes millésimes

Si le nectar de Reims résulte le plus souvent d’un assemblage de plusieurs vins issus de récoltes de différentes années (BSA, bruts sans année), il peut aussi enfermer une seule belle année dans une cuvée. Et s’oriente par excellence vers la dégustation à table… « Un millésime est la promesse d’une complexité et d’une structure qui conviennent aux accords avec les plats, explique Paolo Basso. A plus forte raison quand il s’agit de millésimes réputés, comme 1996 ou 1999 ou 1982, qui dialoguent sans complexe avec des fromages très affinés. » Les maisons de champagne, à l’instar de Lanson, Piper Heidsieck, Veuve Clicquot, Vranken, Lenoble et quelques autres, proposent d’ailleurs aux amateurs éclairés des collections vintage d’années mythiques, dont certaines remontent à plusieurs décennies !

Par François-Régis Gaudry

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