Thomas Messias, podcasteur féministe

© Frédéric Raevens

Thomas Messias (35 ans) est prof de maths dans un lycée de Roubaix. Journaliste free-lance pour le magazine digital Slate et triple père de famille, il dissèque, un mercredi sur deux, dans son podcact Mansplaining, la représentation des masculinités à travers des oeuvres culturelles et des faits d’actualité.

J’ai longtemps été quelqu’un qui ne se posait pas de questions.

Les maths m’ont toujours amusé, alors naturellement, j’ai suivi le cursus classique : bac S, prépa scientifique, fac de maths. Je crois que ça rassurait mes parents que j’aie une certaine sécurité d’emploi. Ils ne m’ont pas forcé la main, ça me semblait logique et confortable de suivre ce chemin-là, même si ce n’est pas celui que je prendrais aujourd’hui si c’était à refaire.

Regarder la cérémonie des Césars, c’est un peu mon Noël à moi.

Le cinéma a toujours été ma passion. J’écrivais sur les films que je voyais – je dois en être à plus de 7000 aujourd’hui -, d’abord pour le plaisir, puis petit à petit pour Slate. Comme je m’intéressais aussi au féminisme, aux questions de genre et d’éducation, j’ai eu l’idée en 2018 de proposer un podcast qui traiterait des représentations masculines et de genre à travers le prisme de la culture, en particulier du cinéma. Dans un monde idéal, mes podcasts sont destinés aux hommes… mais ce sont plus souvent les femmes qui les écoutent et qui les commentent.

A l’école, je suis le papa qui met du vernis : même si c’est dérisoire, ça contribue à banaliser le geste.

La parole masculine reste dominante.

Sauf lorsqu’il s’agit de remettre en question les privilèges des hommes. Là, on ne les entend plus. Ils sont encore nombreux à ne pas comprendre que la place qu’ils occupent dans la société ne leur est pas due à jamais. Le type lambda, dans la plupart des cas, il est là, il vit sa vie, tout se passe bien pour lui. Même s’il n’est pas un oppresseur à la base, son tort justement c’est d’accepter cet état de fait sans se demander s’il en serait là où il est aujourd’hui s’il était né noir, femme ou gay par exemple.

L’homme qui se dit féministe doit se déconstruire.

Je n’avais pas reçu une éducation spécifiquement féministe, mes parents nous ont appris à mon frère et moi à être polis, respectueux, bienveillants aussi, ce qui est déjà pas mal. Sans cultiver l’esprit de compétition. C’est la rencontre avec ma femme qui m’a poussé à me remettre en cause. La déconstruction impose justement de s’interroger sur tous ces petits comportements du quotidien que l’on trouve  » normaux  » mais qui en réalité ne vont pas de soi. C’est un processus qui ne s’arrête jamais, il n’y a pas de ligne d’arrivée.

L’humour est un excellent marqueur.

Les blagues sexistes aujourd’hui ne me font plus rire, c’est devenu naturel. Mais cela m’a forcé à me positionner, à me demander où placer la ligne, à accepter le  » risque  » d’être exclu du groupe si je ne ris pas, à passer pour le casse-couilles de service si je fais une remarque, à décider si le type qui fait ce genre de blagues est vraiment mon ami. Et à me réjouir, c’est déjà une petite victoire, s’il s’abstient au moins de la faire devant moi.

Epouser un code féminin quand on est un garçon, cela reste militant.

J’ai toujours eu envie de porter du vernis à ongles, mais je me le suis interdit pendant longtemps. Cela fait partie de ma déconstruction justement, même si je n’ai pas encore franchi le pas de le faire quand je donne cours. La première fois que je suis sorti dans la rue, je ne faisais pas trop le malin. En réalité, même si les gens me regardent, dans le fond, ils s’en fichent. A l’école, je suis le papa qui met du vernis, c’est dérisoire mais si cela contribue à banaliser le geste, à le rendre possible pour d’autres qui le voudraient, c’est toujours ça de gagné.

Les enfants mettent à l’épreuve nos convictions au quotidien.

Nous avons deux filles et un garçon, et nous essayons d’éviter tout type d’interdit sexiste… Pourtant, nous avons convaincu notre fils qui aime parfois porter des robes de ne pas le faire à l’école. C’est une décision que nous avons prise ensemble. Nous voulons lui laisser, comme à nos filles d’ailleurs, une grande liberté tout en évitant qu’il ne devienne le souffre-douleur de certains camarades. Et que cela le dégoûte à jamais d’adopter un jour un code dit féminin.

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