Les camping-cars et vans, stars du (dé)confinement: pourquoi séduisent-ils autant

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Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste - traductrice newsroom Roularta

La route des vacances sera envahie de bulles blanches cet été: les ventes de véhicules dits de loisirs ont explosé pendant la pandémie, dopées par les envies de grand air et de sécurité de millions de confinés. Professeure d’anthropologie sociale à l’université de Stockholm et spécialiste du sujet, Hege Høyer revient sur les motivations des amateurs de camping-car qui ont longtemps été « stigmatisés ».

« C’est un investissement qui vaut la peine, quand on le rapporte à des billets d’avion, des locations, de l’hôtellerie », souligne Jean-Michel Sibois, un retraité français qui vient d’acheter un van à pas moins de 50.000 euros. « On ne s’imagine plus faire des départs comme avant, prendre un avion pour une destination lointaine. On en a bien profité. Mais entre la planète et le Covid, on a vraiment eu envie de se retrouver un peu moins serrés, un peu plus tranquilles », ajoute-t-il.

En Europe, les voyageurs comme Jean-Michel plébiscitent les fourgons aménagés, ou vans, qui ont enregistré un record historique en 2020 avec 234.000 exemplaires vendus (+12% sur un an), selon la Fédération européenne du caravaning. Les ventes de camping-cars ont également explosé (160.000 exemplaires, +21%).

Aux Etats-Unis, ce sont plutôt les caravanes qui sont la norme; un nouveau record de ventes y a été battu en mars. L’Australie, autre grande patrie du camping, compte désormais près de 750.000 véhicules de loisirs immatriculés, pour 25 millions d’habitants.

La génération des « millenials », un marché plus gros que les baby boomers, achète son camping-car plus tôt que les générations précédentes

Les vacanciers apprécient surtout la flexibilité de ces maisons sur roues pour aller de camping en camping, ou en pleine nature, selon un sondage réalisé en France pour Ford, constructeur qui mise beaucoup sur le secteur.

Les plus jeunes y voient des vacances moins chères tandis que les plus âgés s’y sentent en sécurité en temps de pandémie.

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Cette envie de grand air ne concerne pas que les retraités. Aux Etats-Unis, le propriétaire de véhicule de loisir a en moyenne 53 ans mais l’âge moyen des acheteurs est tombé à 41 ans en 2020, selon l’organisation américaine des professionnels du secteur (RVIA). La génération des « millenials », un marché « plus gros que les baby boomers », achète son camping-car « plus tôt que les générations précédentes », selon Thor Industries.

Elle dépense aussi beaucoup plus que les générations précédentes, souligne Monika Geraci de la RVIA, autour de 67.000 dollars en moyenne. Avec un marché du neuf aussi tendu, certains se tournent vers les véhicules d’occasion qui s’échangent à des tarifs élevés ou vers la location. D’autres prennent leurs outils pour équiper eux-mêmes un fourgon.

Les vacances en camping-car ont longtemps été ridiculisées

Trois questions à Hege Høyer Leivestad, professeure assistante d’anthropologie sociale à l’université de Stockholm, et auteure de Caravanes: la vie sur roues en Europe contemporaine (Bloomsbury, non traduit, 2018).

Pourquoi choisit-on le camping-car pour partir en vacances?

« Pour sa liberté! Pendant mes recherches, j’ai passé beaucoup de temps sur les terrains de camping avec ceux qui y vivent et ceux qui y passent, et ils donnaient tous la même réponse. Le camping-car offre un potentiel de mobilité. Beaucoup de vacanciers y voient une façon de passer plus de temps au grand air, avec l’idée d’être « dehors et dedans en même temps ».

Parmi mes interlocuteurs, beaucoup avaient également des souvenirs d’enfance au camping. Un terrain offre une sociabilité particulière avec des gens partageant notre mode de vie et une sensation de sécurité. Le fait de dormir dans son propre lit provoque un sentiment d’indépendance et d’autosuffisance.

L’idée d’une mobilité sans barrières est fausse, bien sûr. Le camping-car est dépendant d’infrastructures comme les terrains de camping, des sanitaires et des ressources comme l’électricité et l’eau. Et le camping sauvage est interdit dans de nombreux pays européens. On a souvent accès à une version plutôt « ordonnée » de la nature ».

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Comment l’usage du camping-car a-t-il évolué?

« Faire du camping ou dormir en camping-car est très connoté. Ca a été un choix de vacances très stigmatisé et ridiculisé dans le larges zones d’Europe, notamment au Royaume-Uni ou dans les pays nordiques.

Après la Seconde Guerre mondiale, le coût des automobiles a baissé et beaucoup d’Européens ont eu des vacances plus longues. C’est devenu un type de vacances apprécié des familles de la classe ouvrière. Il y a des différences selon les pays mais ce marqueur s’est souvent perpétué. En Suède ou au Royaume-Uni, vous avez encore des émissions très cliché avec des gens autour d’un barbecue, sur un terrain de camping bondé.

Ca reste des vacances familiales, selon les études des entreprises du secteur. Dans les campings, il y a des couples de trentenaires et quadragénaires avec leurs enfants, et les générations au-dessus, des quinquagénaires ou des retraités qui peuvent passer beaucoup plus de temps dans leur véhicule.

Ce ne sont plus des vacances économiques: un véhicule de loisirs est extrêmement cher à l’achat! Mes interlocuteurs ont dépensé jusqu’à 80.000 euros dans leur caravane. Et on peut aussi beaucoup dépenser dans les campings, équipés de restaurants, de piscines ».

La pandémie a-t-elle changé les choses?

« Il y a une sorte de connexion entre les crises et le phénomène du camping-car. Les caravanes ont pu servir d’abri temporaire après la guerre au Royaume-Uni ou après l’ouragan Katrina aux Etats-Unis.

Le caravaning peut également se développer quand il est plus difficile de se rendre à l’étranger. Après la crise économique de 2008, les campings étaient pleins, mais les ventes de caravanes et de camping-cars avaient baissé. Le secteur est touché de façon inégale ».

Avec AFP /BELGA

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