BEST OFF
Le Belge Eric Pringels a jeté l’ancre à Marseille en tant qu’agitateur d’idées. Alors que la ville s’impose comme Capitale européenne de la culture jusqu’à la fin de l’année, elle lui doit le OFF, riche contre-programmation de l’événement, et Yes We Camp !, un camping alternatif, culturel et décalé.
Bouillonnant, capable de générer plus de 1000 idées à la minute. Voilà sans doute les qualificatifs qui collent le mieux à la personnalité d’Eric Pringels. Y ajouter ceux de doux rêveur, utopique mais obstiné, n’est sans doute pas mensonger. Marseille, entité pour le moins singulière où il a posé ses valises en 2004, n’est pourtant pas la ville la plus propice à accueillir ce genre d’individu : laxisme ambiant et mentalité sournoisement fermée sur elle-même n’y rivalisent que trop bien avec le potentiel qu’elle renferme. Autant dire que ce Belge de 41 ans n’y laisse personne indifférent, suscitant tantôt le soutien, tantôt le rejet. Bouleversant les conventions en semant le chaos. Un thème de prédilection autour duquel il articula son mémoire à la Faculté d’architecture La Cambre-Horta, à Bruxelles, où il a étudié avant de rejoindre City Mine(d), » un réseau international d’individus engagés dans l’urbanisme urbain » et de rouler sa bosse comme graphiste dans diverses agences de la ville. L’une d’elles décroche alors le marché de Lille, Capitale européenne de la culture en 2004. Suit l’appui de Bruxelles 2000 pour l’un de ses projets, qui le propulse au coeur des autres villes européennes de la culture de l’année, Reykjavik et Helsinki.
2004 l’amarre à Marseille, mégapole chaotique par excellence. » Il faut être costaud pour vivre dans ce bateau perpétuellement exposé aux vents et tempêtes. Mais y être belge est un atout, car on a cette capacité à s’inscrire dans des projets à l’identité bigarrée. » Le Belge, réputé aussi pour son sens de l’autodérision. Celui-là même par lequel Eric Pringels se distinguera, initiant Les Belges du 13, un groupe pseudo-communautaire rassemblant des expatriés du département. Quand le gouvernement du plat pays appelle ses sujets à soutenir la rénovation de l’Atomium, mettant en vente les grands pans triangulaires qui habillent ses atomes pour 1 000 euros, les membres se cotisent et rapatrient l’un d’eux dans le Sud. Le Mibam, Musée international du bout d’Atomium à Marseille est né. Initiative loufoque qui fait sourire la cité de La Bonne-Mère.
L’intrusion souhaitée par Eric Pringels et ses acolytes dans la programmation officielle de Marseille 2013 sera beaucoup moins bien perçue. L’ambition a beau être noble, » replacer l’artiste au coeur de la manifestation « , elle ne suscite pas l’adhésion. La fine équipe ne désarme pas et se jette seule dans l’arène, créant sa contre-programmation : le OFF. Une première dans l’histoire des Capitales européennes de la culture. » Marseille, c’est une ville où il faut s’imposer sans avoir forcément l’appui de ses gouvernants. » Le OFF s’impose, donc, générant succès et sentiments fédérateurs, passant ainsi du statut » dissident » à » complémentaire » du programme officiel.
Parce qu’il est » plus talentueux dans l’innovation et que l’exploitation l’intéresse moins « , cet agitateur d’idées quitte le navire, un autre projet créatif sous le coude : un camping alternatif, écolo et culturel en plein Marseille. Yes We Camp ! sera éphémère et conçu de matériel de récup’. Encensé par la presse nationale qui voit en lui » un des projets incontournables de Marseille 2013 « . En 150 jours, il brasse quelque 15 000 visiteurs et 5 000 campeurs. » L’idée est de pérenniser sa philosophie, de révéler le potentiel d’un lieu à travers des projets mêlant art, social, économie et politique. » Mons 2015 pourrait se dessiner dans ce sens, ses organisateurs se disant séduits par l’idée. A l’instar de certaines entités de Bourgogne ou de Suède. L’activiste urbain qu’est Eric Pringels devrait donc encore s’agiter dans les années à venir.
PAR FRÉDÉRIQUE JACQUEMIN
Bouleverser les conventions en semant le chaos.
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