CÉDRIC CHARLIER LA THÉORIE DU RÊVE

Il a préféré un extérieur nuit avec nymphes et bas-reliefs pour mettre en exclusivité et en majesté la mode belge de la saison. La sienne y compris, qui a fait l’unanimité à Paris et qui donne corps  » au rêve dans la réalité « . Cédric Charlier a l’onirisme puissant.

Qu’il est compliqué de s’approprier les vêtements des autres,  » c’est même un exercice très dur « , mais c’est la règle du jeu de cette carte blanche. Cédric Charlier n’a pas reculé, il a relevé le défi et mis en scène sa vision de cette saison dessinée par lui et par les créateurs belges qui l’inspirent. Il avait quelques intuitions, elles s’avèrent magnifiques : une envie de noir, d’extérieur, de shooter en noctambule, pour le sentiment de liberté que cela lui donnait,  » sans frontières avec le jour « , comme s’ils étaient seuls au monde, lequel se serait arrêté de tourner. Il savait aussi qu’il voulait du  » mouvement  » mais  » statique  » et, tout étant toujours une histoire de désir, qu’il lui fallait tomber  » amoureux  » d’un mannequin qui incarnerait ses désirs intenses.  » Quand j’ai vu Isaac, j’ai pensé au Nuage de Léon Spilliaert, les cheveux, les courbes, une émotion. « 

Et voilà le résultat, dans une nuit d’encre, au pied des nymphes et des bas-reliefs du Palais de Tokyo, lieu  » atypique « ,  » c’est Paris mais ça ne l’est pas « , il l’aime, a défilé là deux fois déjà, s’y sent bien, parce que sa structure architecturale lui  » parle « . Le décor est parfait pour une liste non exhaustive de talents qui ont les mêmes racines. Martin Margiela,  » le maître « , Jean Paul Knott,  » l’initiateur « , avec  » ce goût du chic mais ramené à quelque chose d’extrêmement contemporain « , Dries Van Noten,  » pour son sens du voyage incarné « , Véronique Leroy,  » pour sa coupe, ses vêtements de femme faits pour les femmes « , Ann Demeulemeester,  » pour son construit déconstruit « . Des signatures,  » différentes « ,  » intemporelles à force d’obstination à approfondir une démarche très forte « . Peut-être est cela la définition exacte de  » créateur belge « .

 » C’est très étrange, lâche Cédric un peu rêveur. Je me sens profondément belge mais je ne sais pas ce que cela veut dire.  » Naître à Gerpinnes, vivre à Paris n’y change pas grand-chose. Il y a quinze ans, quand il présenta l’examen d’entrée à La Cambre mode(s), Franc’ Pairon, la directrice, lui donna le titre du  » plus français des créateurs belges « . Deux ans à peine après cette prophétie, Cédric Charlier gagnait le prix Moët et Chandon 1998, quittait l’école et filait à Paris pour faire ses classes aux côtés de Michael Kors chez Céline, Jean Paul Knott puis Alber Elbaz chez Lanvin, suivi d’un passage très remarqué chez Cacharel et cette saison, sous les applaudissements fournis du monde de la mode, lancer sa griffe, à son nom. Et sans mode d’emploi, il ne s’en impose aucun. Mais des vêtements extrêmement bien coupés, il y met un point d’honneur, des matières qui respectent le corps, des tissus masculins, une gamme de faux noirs, une idée de contrastes, de vinyle brillant, une envie de chaleur, de feu sous la glace, donc de cuivre, des chaussures comme une touche de lumière et des cols qui structurent la silhouette, la délimitent, avec en arrière-pensée Charlotte Rampling par Helmut Newton plus quelques mots –  » audace « ,  » liberté d’expression « ,  » non-compromission « .  » Je pense être parvenu à dire ce que je voulais, en tout cas, à proposer une garde-robe d’indispensables. Tout en essayant de sublimer cette silhouette.  » À regarder sa carte blanche, on frémit, on pense à Baudelaire et au premier vers de sa Beauté  » Je suis belle, ô mortels !, comme un rêve de pierre « . Quelle allure.

Direction artistique : Cédric Charlier

Photographe : Alfredo Piola

Assistant photo : Thomas Lachambre

Mannequin : Isaac (Elite)

Make-up et coiffure : Camille Arnaud

Coordination : Anne-Françoise Moyson

Carnet d’adresses en page 128.

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

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