En chair et en os

Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Visages d’ange, jambes fuselées, démarche ondulante, elles arpentaient les catwalks glamour avec le brin de nonchalance qui sied aux vrais tops. Elles se voyaient déjà… Plus haut, toujours plus haut, bientôt, peut-être, l’égérie des tout grands. Hélas, hélas, le rêve s’est brisé tout net. Il y a quelques mois à peine, Luisel Ramos et Ana Carolina Reston, deux mannequins sud-américains, lâchaient la rampe. L’anorexie avait eu raison d’elles. Elles pesaient à peine 40 kilos.

De Londres à New York, en passant par Paris et Milan, dans les milieux cousus de soie et de dentelle, on versa quelques larmes, certes, mais très vite le ton monta. Et les uns de dénoncer ouvertement les diktats d’un milieu qui, au nom de la sacro-sainte création, engage sans état d’âme des filles de plus en plus jeunes pour arpenter les podiums. Réduites, de plus, à picorer quelques miettes à peine pour éviter de prendre un gramme et mieux se couler encore dans le moule. La peau sur les os. Les plus touchées ? Celles qui, selon le médecin spécialiste français des troubles du comportement alimentaire Sylvie Rouer-Saporta (*), affichent des petites joues de hamster, conséquence de l’hypertrophie de leurs glandes sous-maxillaires, et des fissurations aux commissures de leurs lèvres, signes de vomissements à répétition. Des oiseaux pour le chat. Mais autant d’exceptions, selon le camp adverse mené par le Kaiser Karl Lagerfeld. Et aussitôt relayé par la styliste Nathalie Rykiel, favorable, au nom de la créativité, à une vraie liberté dans le choix des tops.

Tempête dans les backstages. Si la querelle aujourd’hui est loin d’être vidée, elle a le mérite de brocarder les excès, l’inacceptable. Car plus rien ne sera pareil désormais. En septembre de l’année dernière, Madrid bannissait les filles trop maigres des podiums, suivie par la São Paulo Fashionweek, et Milan. Jusqu’ici, Londres, New York et Paris se montrent nettement plus réservées. La capitale britannique a rallié Big Apple en refusant de promulguer un indice de masse corporelle minimal pour les top-modèles. Mais le Council of Fashion Designers of America (l’instance officielle de la mode aux Etats-Unis), s’est fendu de quelques conseils, recommandant ainsi aux griffes de prendre soin des filles tant sur le plan médical qu’alimentaire.

Un message qu’avaient intégré depuis belle lurette les vraies agences de pros de notre modeste pays. Elles s’enorgueillissent de respecter scrupuleusement une vraie déontologie. Exclues les brindilles, les ados de moins de 16 ans, les fluettes plus minces qu’un fil. C’est avec ces agences-là que Weekend Le Vif/L’Express a choisi de travailler. Oui à la minceur, non à la maigreur borderline. Non aux victimes de la mode !

(*)  » L’Express « , édition du 18 janvier 2007.

Christine Laurent

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