Les joailliers en fête

Barbara Witkowska Journaliste

En 2006, Van Cleef & Arpels fête avec éclat son 100e anniversaire, le joaillier Fred souffle ses 70 bougies, tandis que la maison Bry se réjouit des 50 ans de succès de son célèbre bracelet en poils d’éléphant. Zoom sur les trois jubilaires.

Van Cleef & Arpels est le joaillier le plus exigeant de la célèbre place Vendôme, à Paris.  » Nous ne gardons que 1 % des pierres proposées par les fournisseurs « , précise Stanislas de Quercize, PDG de la griffe. Ainsi, il a fallu trois ans pour réunir ces merveilles qui composent la collection  » Pierres de caractère  » : 100 pièces uniques réalisées pour célébrer le 100e anniversaire de la maison. En vedette, il y a ces trois émeraudes, à la nuance profonde et veloutée, dénichées dans une ancienne mine en Colombie. Simplement polies, elles ont été sublimées en trois galets, puis transformées en motifs d’oreilles et en collier, véritable ruban souple et précieux, serti de diamants taille princesse.

Un rien plus baroque, cet autre collier composé de trois rangs d’émeraudes boules s’agrémente d’un fermoir mystérieux : une rose d’or gris sertie de diamants dont le c£ur, un bouton de rose, se détache facilement. On peut dès lors porter le collier sur trois rangs avec la rose entière ou sur deux rangs, avec le bouton de rose. Le diamant, la star des pierres, est interprété avec maestria. Le somptueux solitaire, travaillé dans un esprit couture, s’accompagne d’une monture raffinée, entrelacée de rubans. Des diamants de couleur, déclinés dans un doux camaïeu de teintes chaudes pastel, dessinent des colliers d’une délicatesse exquises.

Le rubis est considéré comme la pierre la plus précieuse après le diamant. Voici un magnifique collier sur trois rangs, composé de 182 rubis cabochon et ponctué de trois motifs raffinés, trois arabesques en or gris serties de diamants. Le saphir joue les asymétries. Il est admirablement mis en scène dans ce collier plein de grâce où un simple ruban d’or gris serti de diamants passe derrière la nuque pour revenir en une chaîne de diamants et de saphirs. Les pierres fines, tels l’aigue-marine, le grenat, le spinelle, la topaze et la tourmaline rejoignent elles aussi cette superbe collection  » Pierres de caractère « .

La ligne  » Trésors Révélés « , elle, a été conçue d’après onze dessins des années 1920 et 1930.  » A l’époque, ces dessins étaient infaisables, souligne Stanislas de Quercize. Grâce à de nouvelles innovations techniques, ils ont pu, enfin, être réalisés.  » Parmi les pièces-phares, citons le clip  » Bouquet d’Orchidées « , témoignage magistral du  » Serti Mystérieux « . Mis au point par la maison en 1933, il fait appel à un système breveté de rails et de glissières qui recouvre entièrement la structure de la parure de pierres précieuses, de façon à ce qu’elle soit totalement invisible. Ou encore ce  » Collier Drapé  » tout en diamants qui s’enroule autour du cou avant de se nouer sur l’épaule. Plus ludique, le collier  » Belle de Jour « , serti de diamants navette, baguette et brillants et de cabochons en turquoise, est un bijou multifonctionnel. Selon son humeur, on peut le transformer en un choker, en deux bracelets, une paire de motifs d’oreilles ou une ceinture.

Créée en 1972 autour d’un trèfle à quatre feuilles, la collection  » Alhambra  » nous séduit avec de nouvelles versions. Dans la ligne  » Magic « , les trèfles jouent de la douceur de la nacre, blanche ou grise, et s’entourent d’une ligne de perles d’or jaune. Collier à breloques et motifs d’oreilles. Dans la ligne  » Lucky « , conçue comme un gri-gri, le trèfle s’associe au papillon, à la feuille, au c£ur et à l’étoile et opte pour des pierres aux couleurs joyeuses. Sautoir et motifs d’oreilles. Enfin, la ligne  » Byzantine  » interprète la sobriété des lignes du trèfle dans des bijoux réalisés exclusivement en or jaune, à la fois chics, élégants et faciles à porter. Bracelet, motifs d’oreilles et pendentif.

Un peu d’histoire… A la fin du xixe siècle, Lion Salomon Arpels, lapidaire néerlandais, débarque à Paris et s’associe au joaillier Alfred Van Cleef. Quelques années plus tard, Alfred épouse Estelle Arpels, la fille de son associé. La maison, née officiellement en 1906, s’installe à la Madeleine puis déménage à la place Vendôme. Des rois, des reines, des maharajas deviennent des inconditionnels, relayés plus tard par des stars et par les plus belles femmes du monde aujourd’hui, Renée Zellweger, Julia Roberts, Carole Bouquet ou Scarlett Johansson…

L’ouverture de nouvelles boutiques à travers le monde, à New York, à Pékin, à Moscou et à Shanghai, témoigne de l’éclat international de Van Cleef & Arpels, une griffe animée par un double souci de perfection et de créativité. La boutique historique de la place Vendôme, elle, s’offre un spectaculaire lifting. Redessinée par Patrick Jouin, elle rouvrira ses portes à la fin de l’année. Le décor est encore secret-défense, mais on sait déjà qu’il alliera tradition et modernité, en mixant les boiseries anciennes et l’esprit design.

Le corail Aka en vedette

Pour la première fois, un joaillier de la place Vendôme dédie toute une collection au seul corail. Le corail Aka est une variété rarissime, issue des tréfonds de l’océan Pacifique nord et teinté d’un rouge sanguin, intense et profond. Les spécialistes sont unanimes pour désigner cette variété comme la plus belle au monde. Fred Samuel, le fondateur de la maison Fred, a pu acquérir, dans les années 1970, un stock unique de ces petites merveilles, taillées et polies. Ce trésor de la mer a été soigneusement caché dans les coffres de la maison, en attendant le moment idéal pour être révélé au public.

Pour le 70e anniversaire, le créateur Yan Sicard a imaginé la collection  » Corail « , dont la pièce maîtresse est un collier qui a nécessité 1 000 heures de travail ! Les perles de corail Aka y voisinent avec 59 perles d’eau douce et 1 632 diamants. Dans un autre genre, mais tout aussi spectaculaire, voici ce collier composé de plusieurs rubans entièrement pavés de diamants et terminé par cette volumineuse poire corail. A porter au quotidien, la bague ornée d’une belle boule de corail et d’une perle blanche sur or gris serti de diamants séduit par son design audacieux de grande pureté. Ce modèle innovant se décline aussi en or jaune et or rose et s’agrémente de superbes perles d’eau douce de couleurs assorties.

Dans les années 1930, Fred Samuel fut l’un des premiers à utiliser (et à imposer) les perles de culture qui venaient tout juste de faire leur apparition. Les élégantes se précipitaient chez lui pour trouver la plus belle nuance, dite la  » couleur Fred « , un blanc rosé. Créatif et inventif, Fred Samuel n’hésite pas à associer des matériaux insolites. Ainsi, il lance des miniatures ou des breloques en or et émail représentant les monuments de Paris. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la griffe devient Fred, tout court. Fred Samuel continue à s’impliquer dans la création. En 1966, il  » invente  » le bracelet Force 10 en acier tressé, fermé par un mousqueton en or. En 1996, à 84 ans, Fred Samuel prend sa retraite. La maison est acquise par le groupe de luxe LVMH et s’offre une belle vitrine à la place Vendôme où la ligne  » Success « , notamment, aux lignes épurées et très modernes, connaît un fabuleux succès commercial.

Le bracelet porte-bonheur

Le célèbre bracelet en poils d’éléphantde Bry fête ses 50 ans. Best-seller absolu, il est toujours en vente, mais l’histoire touche à sa fin. Le stock des poils d’éléphant n’est pas inépuisable et, aujourd’hui, il n’est plus renouvelable.

Fondée en 1936, la maison Bry se fait connaître par la qualité de son travail et de son artisanat de haut niveau. En 1944, elle s’installe au 15 rue de la Paix, à deux pas de la place Vendôme et propose ses propres créations. Dans les années 1950, les élégantes s’arrachent les broches en  » tamis « , une résille très fine, comparable au tulle en or. Le motif  » gerbe de blé « , décliné de mille façons en saphirs et rubis, est une autre pièce-phare. A la même époque, Claude et René Bry se font fabriquer dans leur atelier, en rentrant d’un safari, les premiers bracelets en poils d’éléphant. Le bijou de chasse sera ensuite décliné en d’autres créations. Les dents ou les griffes des grands fauves, apportées par des chasseurs, sont montées en bracelets, en trophées ou en pendentifs.

Confidentiels, ces bijoux  » niches  » sont toujours réalisés sur demande et sur mesure. La maison est dirigée aujourd’hui par les frères Jean-Marc et Frédéric Bry. Le premier est ami de longue date de Philippe Airaud. Créateur de bijoux aux talents multiples et éclectiques, il a imaginé la collection  » Bird « , inspirée de la force des serres des oiseaux de proie et réalisée en or blanc, onyx et agate blanche. Puisant dans le patrimoine de la maison, Philippe Airaud a aussi conçu la collection  » Wild « . Des dents de phacochère, de requin, de lion, des griffes de panthère ou des cornes de dick-dick ( NDLR : antilope pygmée d’Afrique) sont montés en bracelets, pendentifs et bagues et agrémentés de godrons en or jaune.

Carnet d’adresses en page 84.

Barbara Witkowska

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