Love, love, love

Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

(1)  » Un merveilleux malheur « , 1999 ;  » Les Vilains Petits Canards « , 2001 ;  » Le Murmure des fantômes « , 2003, Odile Jacob.

(2)  » Parler d’amour au bord du gouffre « , Odile Jacob.

Après les enfants, les ados, le couple. Toujours en alerte, Boris Cyrulnik creuse, explore, traque nos petites et grandes fêlures, nos tourments, nos chagrins. Non pas pour s’apitoyer, se désoler, pleurer avec nous. Ce n’est pas son genre. Lui, il épingle pour mieux analyser. Et nous livrer des pistes pour y voir plus clair.

C’est lui déjà, qui, il y a quelques années, a révélé au grand public le concept de résilience (1), cette capacité qu’ont bien des enfants victimes de blessures psychiques graves (persécution, torture, maltraitance) à transformer leurs douleurs en force. Non pas qu’ils aient tout oublié. C’est juste qu’ils se sont appuyés sur un mystérieux ressort moral, refusant de se laisser abattre, réussissant là où on aurait pu les croire perdants.

Les voilà aujourd’hui devenus grands. De la résilience au premier amour. Une étape qui peut conduire à frôler un gouffre, à glisser dans un précipice (2). Car l’amour n’est pas toujours gagnant, affirme le psychiatre français. Certes, on en attend tous beaucoup. Trop peut-être. Mais davantage encore s’il s’agit de panser des blessures. Le premier amour peut alors briller comme une deuxième chance. N’est-ce pas là, dans le creux d’une affection toute nouvelle, toute belle, que l’on peut espérer lécher ses plaies ?

Pas si simple. Car si le couple peut être une source d’épanouissement, il peut aussi se révéler une véritable prison, affirme Cyrulnik. Il peut agrandir nos blessures ou les recoudre. Mais, et c’est bien là l’heureuse surprise de ses découvertes, nous ne sommes pas condamnés à reproduire avec notre partenaire les souffrances subies. Car au moment ô combien sensible de la rencontre, plane aussi l’ombre de la résilience. Maltraité enfant, on peut craquer pour un prince ou une princesse plutôt qu’un ogre ou une sorcière. Tout comme, et les études le prouvent, choyé et bien traité tout petit, on peut, aussi, plus tard se jeter sur un amoureux ou une amoureuse qui nous fera bien mal.  » Car la pléthore affective abîme un développement aussi sûrement que la carence « , souligne Cyrulnik.

Tout se joue donc dans la rencontre. Pas uniquement la première d’ailleurs. Peut-être bien la deuxième, voire la troisième. Et d’autres encore. Pour autant que de l’une à l’autre s’efface la compulsion destructrice pour laisser toute la place au mystérieux miracle de la reconstruction. Une perspective d’autant plus séduisante qu’elle nous laisse entrevoir un enchevêtrement relationnel aux antipodes de la victimisation ambiante d’aujourd’hui. Cyrulnik nous apprend, au contraire, malgré le passé difficile parfois, tout doucement, mais sûrement, à nous éloigner définitivement du gouffre pour gagner les rives de la sérénité.

Christine Laurent

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