Monsieur je sais tout
Désormais, l’information se cueille partout, vite et bien. Bienvenue dans la génération » tout, tout de suite « où chacun devient incollable !
Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).
La scène se passe en Grande-Bretagne, dans un de ces pubs qui fleurent bon la Guinness. Accoudé au bar de cet établissement » so british « , vous frissonnez soudainement à l’écoute de la musique ambiante. Vous interrogez le serveur, puis le maître des lieux pour connaître le nom de cette étrange mélopée, mais la seule réponse valable se résume à : » N’sais pas moi, c’est la radio ! » Résigné, vous replongez tristement dans votre bière en vous disant que vous ne connaîtrez plus jamais une pareille extase musicale, lorsque votre voisin de comptoir vient subitement à votre secours. » Appelez le 2580 « , dit-il d’un ton monocorde. Le 2580 ? » Ben, oui ! Chez nous, il suffit d’appeler ce numéro et de tendre le haut-parleur du téléphone vers n’importe quelle chanson diffusée pour en connaître le titre et le nom de l’interprète. » Ah bon ? Vous croyez à une mauvaise blague britannique, mais après tout, vous n’avez rien à perdre. Vous passez donc ce coup de fil singulier et reposez ensuite votre GSM sans trop de conviction. Surprise : quelques minutes plus tard, vous recevez l’information inespérée par SMS pour moins d’un euro et vous trinquez à la santé de ce service génial qui vous permettra de retrouver plus tard le disque en magasin (www.shazam.com). A priori anecdotique, l’histoire est révélatrice de cette nouvelle société qui se met doucement en place. Portée par la génération » tout, tout de suite « , le monde moderne se transforme petit à petit en un espace privilégié où l’information se doit d’être immédiate et satisfaisante. C’est le » réflexe Google » porté à l’extrême : aujourd’hui, lorsque l’on souhaite obtenir un renseignement, on tape le mot-clé dans un moteur de recherche sur le Net et on attend un dixième de seconde pour être satisfait (deux dixièmes, ça devient long). Bref, on ne prend même plus la peine de chercher l’information vers d’autres sources plus conventionnelles comme, par exemple, une bibliothèque. L’air du temps est donc à la rapidité et, surtout, à la facilité dans la recherche de l’information. De cet état de fait découle évidemment une série de réflexes commerciaux : désormais, il convient de satisfaire le client vite et bien par la multiplication de services inédits sur le Net et sur les réseaux de téléphonie mobile. D’où cette idée de renseignement musical instantané via le 2580 en Grande-Bretagne. D’où û autre exemple û ce service d’information immobilière par SMS aux Pays-Bas où le candidat acheteur peut recevoir rapidement, sur son GSM, toute une série de renseignements sur une maison à vendre qu’il vient d’apercevoir en rue (www.smseenhuis.nl). Pas mal, non ? Même si nous ne sommes qu’au tout début de cette douce révolution sociologico-informatique, il faut reconnaître que se profile déjà un nouveau type de consommateur, surinformé et exigeant. La panoplie d’armes technologiques qu’il a à portée de main le place en effet dans une position de force par rapport au vendeur qui se retrouve désormais face à des interlocuteurs redoutables. En terre anglo-saxonne, les individus de cette nouvelle génération d’acheteurs portent d’ailleurs déjà le titre de » prosumer « , un mot-valise qui mixe habilement les mots » professional » et » consumer « . Difficile de traduire cette subtilité linguistique en français. Sauf, peut-être, si l’on se risque à transformer le mot consommateur en un néologisme du genre » malinsommateur »
Frédéric Brébant
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