Super crash
Cela commence souvent par des batteries à plat. Perte d’énergie, fatigue récurrente, sentiment d’incompétence, trous de mémoire, vague culpabilité, pointes d’agressivité, migraine tenace, maux de dos. Rien de bien alarmant… jusqu’au jour où c’est l’explosion en plein vol, un véritable crash mental ou physique qui laisse complètement groggy. Le diagnostic est alors sans appel : le burn out (un véritable incendie intérieur) a encore sévi.
Inconnu jusqu’il y a peu dans nos contrées (on l’avait surtout identifié aux Etats-Unis et dans le nord de l’Europe), le voilà qui se faufile désormais avec insistance dans le monde du travail, contaminant la crème des travailleurs. Car c’est avant tout l’élite qui est frappée de plein fouet. Ceux qui veulent trop bien faire, les perfectionnistes, les scrupuleux, les enthousiastes, les dévoués, les motivés, bref, ceux dont le métier colle à la peau. Infirmières, enseignants, cadres supérieurs, managers, policiers, médecins, le virus traverse toutes les couches socioprofessionnelles, sans distinction aucune. Tous égaux ! Tous raplapla face à cette déflagration, cette souffrance extrême qui oblige à tout arrêter, à s’échouer pour faire le point.
Mondialisation, fusions, restructurations, changements permanents, insécurité, on le sait bien, le climat économique est anxiogène. Mais les plus exposés sont précisément ceux qui veulent le plus donner. Comme l’explique le neuropsychiatre belge Patrick Mesters, qui, dans un ouvrage clair et particulièrement bien documenté, nous propose toutes les clés pour comprendre cette maladie d’un genre nouveau et qui déstabilise » les meilleurs d’entre nous » (*).
On le sait bien, le lieu de travail est le théâtre de tant d’émotions. A fleur de peau, les affects, et ce au quotidien ! Difficile de prendre de la distance, de respirer, de remettre chaque chose à sa juste place. Quand l’heure est au flirt avec les limites, aux défis multiples. Comment moduler raison et sentiments, ambitions et contingences, objectifs et réalités ? Comment éviter, quel que soit l’âge d’ailleurs, de surinvestir son rôle, comment dire non, comment éviter de se noyer dans trop de dévouement ?
L’ouvrage de Patrick Mesters veut allumer des balises et nous accompagner dans le tunnel de la réconciliation. Car on peut guérir de cette maladie professionnelle, de cet épuisement dû à un travail mal vécu. Le burn out, en effet, peut être un vrai coup de patte salvateur qui oblige à tout remettre à plat. Pour repartir d’un meilleur pied.
Mais pas besoin d’aller jusqu’à la déflagration extrême pour agir. Le syndrome clairement identifié, place à la prévention. Avec pour corollaire un véritable changement organisationnel, une vraie maturation de la conscience collective qui seule est susceptible de toucher les c£urs et les esprits. Un processus qui exige, on s’en doute, une réelle prise de conscience et bien de l’énergie. Mais la sauvegarde de la part magique qui fait la particularité et la richesse de l’individu au travail ne le mérite-t-elle pas ?
(*) » Vaincre l’épuisement professionnel « , avec Suzanne Peters, éd. Réponses/Robert Laffont.
Christine Laurent
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