Toute-mère

Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

(1)  » Les mères juives n’existent pas « , par Sylvie Angel, Aldo Naouri, Philippe Gutton, éd. Odile Jacob.

(2)  » L’Express « , édition du 11 avril 2005.

T rop, elle est trop. Trop attentive, trop angoissée, trop aimante, trop protectrice, trop nourrissante. Héroïque, intraitable, possessive, elle en fait trop aussi. C’est un  » drôle d’animal « , régulièrement pointé par le cinéma, la littérature, les humoristes. Pour preuve, Guy Bedos qui ne manque jamais de lui régler ses comptes à chacun de ses spectacles. La honnie  » Cruella « , à 90 printemps, nourrit même son autobiographie,  » Mémoires d’outre-mère  » (éd. Stock), toute de fiel mêlé de tendresse. Son impact émotionnel est si fort que des spécialistes se sont récemment penchés sur son cas, lui assurant ainsi une entrée fracassante dans les annales psy. Pour mieux la percer, l’ausculter, la disséquer, ils s’y sont même mis à trois (1), la scannant sous toutes les coutures pour conclure… qu’elle n’existe pas. Beaucoup de bruit donc pour rien ? Le célèbre personnage serait-il davantage virtuel que réel ? Pas sûr. Car pour nos trois psys, pas de doute possible : l’omnipuissante  » mère juive « , celle qui fait rire les salles, a bien rejoint le sacro-saint temple des archétypes. Nous effleurant ainsi toutes à l’insu de notre plein gré.

On ne compte plus, dit-on, les mères inquiètes, ultraprotectrices, frémissant au moindre danger susceptible de menacer leur chère progéniture. Quand elles ne rêvent pas carrément d’enfants surdoués : bons élèves, sages, tout entiers orientés vers une future brillante carrière. Normal. Dans une société où il s’agit de tout réussir, vie affective, professionnelle, conjugale, il faut aussi avoir des enfants parfaits.  » Le stéréotype de  » mère juive  » traduit la stigmatisation des mères qui se retrouvent souvent en première ligne dans l’éducation. Tout serait de leur faute ! (…) Une mère dévorante relève non d’une pathologie individuelle, mais d’une dynamique de groupe. Le père s’est effacé. Le lien filial prend alors la place du lien conjugal, au détriment de tout « , explique la psychiatre Sylvie Angel (2).

Et le triangle éternel, père-mère-enfant, de pointer à nouveau le bout du nez. La juste place pour chacun, voilà le challenge ! Pas simple. Car s’il y a bel et bien des mères envahissantes, on compte aussi de nombreux pères défaillants. Or l’éducation des enfants dépend directement de la dynamique globale d’une famille. Il n’y aurait donc pas en toute mère une  » mère juive  » qui sommeille. Et les regards de se tourner à nouveau vers le père, véritable pivot de cette relation à trois.

Christine Laurent

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