Vaccarello, recto verso

En janvier prochain, il défilera pour la première fois à Paris. En exclusivité, Anthony Vaccarello nous livre les clés de sa collection… et de son appartement bruxellois. Bienvenue dans son double univers.

Commencer sa carrière chez Fendi, et par la même occasion avoir Karl Lagerfeld pour premier mentor, c’est ce qu’on appelle entrer dans la mode par la grande porte. Pour cela, Anthony Vaccarello, 28 ans, n’a pas eu besoin de postuler : sa collection a parlé pour lui. En 2006, alors qu’il termine sa formation en stylisme à La Cambre, le jeune Bruxellois remporte le Grand Prix du Festival international de Mode et de Photographie à Hyères. Un concours prestigieux – Viktor & Rolf et Gaspard Yurkievich sont passés par là -, mettant en compétition de jeunes talents parmi les plus prometteurs, et dont le compte rendu dans la presse italienne lui servira de sésame.  » La directrice générale du studio de création et Michaël Burke, CEO de la griffe, ont découvert mon travail via un magazine. On s’est rencontrés et, un mois après, j’étais à Rome « , se souvient Anthony. Il restera un peu plus d’un an au Palazzo Fendi, centre névralgique du prestigieux label italien, en tant que styliste fourrure. Une expérience des plus enrichissantes, mais  » pas mon premier choix, reconnaît-il. J’ai donc préféré ne pas m’éterniser « .

Retour à Bruxelles, donc. Dans son atelier, au premier étage d’une maison de maître, s’amoncellent aujourd’hui sequins, rubans, échantillons de tissu. Une ébauche de robe attend sur un buste posé dans un coin, des croquis s’étalent sur les murs blancs et le sol est jonché de patrons découpés. Ce joli fatras a une raison d’être : Anthony Vaccarello se lance dans la réalisation d’une collection personnelle, qu’il présentera à Paris en janvier prochain, durant la semaine de la haute couture. Une envie qui le titillait déjà au sortir de La Cambre, mais mise entre parenthèses par son aventure romaine.  » C’est aussi une manière de me présenter et de faire découvrir mon univers, peut-être pour trouver une maison qui me corresponde vraiment et dans laquelle je puisse me « poser » un temps pour évoluer « , ajoute-t-il. Son rêve ? Travailler pour une griffe un peu poussiéreuse et lui donner un second souffle.  » Azzaro ou Scherrer, par exemple, pour leur ancrage dans la couture et le vêtement du soir. « 

Détails de taille

La source d’inspiration du styliste, pour cette collection en devenir :  » une jeune fille en fleurs, obligée de se défendre par rapport à notre monde agressif, qui devient à son tour un peu dure « . Sa muse : Léonor Scherrer – la fille du fameux couturier français -, réalisatrice, auteur et jet-setteuse.  » De manière générale, j’aime l’idée de la demoiselle de bonne famille qui casse les codes de son milieu. Pour Hyères, c’était la Cicciolina qui avait nourri mon imaginaire.  » Précision utile : chez Vaccarello, tout se joue dans la subtilité. La transparence n’est pas vaporeuse, le noir –  » la couleur la plus élégante selon moi  » – n’a rien de gothique et si chaque détail est ciselé comme un bijou, la silhouette ne vire jamais au baroque. Quant au cuir, que le styliste affectionne depuis toujours, il est travaillé de manière technique, teinté, tressé ou découpé au laser pour un effet dentelle.  » Je vais essayer de me limiter à deux pièces « , prévient Anthony, qui n’a pas envie de se laisser enfermer trop vite dans la catégorie  » leather and fur designer « .

 » En ce moment, j’explore encore. Je me donne la liberté de tester des choses, quitte à les jeter « , explique-t-il en montrant les centaines de strass qu’il a méticuleusement passés à la bombe de couleur avant de décider que finalement, ils n’ajoutaient rien au vêtement. Les voilà donc relégués dans un tiroir du meuble de mercerie qui occupe un des murs de l’atelier. Boutons, perles ou écheveaux de fil, Anthony Vaccarello thésaurise. Parce que tout cela pourrait inspirer, un jour, cet obsessionnel du détail.

A l’étage en dessous, trois grandes pièces en enfilade et une petite cuisine font office d’appartement privé.  » Avoir son atelier et son logement si proches tout en étant bien distincts, c’est très confortable « , concède le styliste. Ici, l’ambiance, est clean et zen, sans être froide : du noir, du blanc, une touche d’argent vieilli et les effluves discrets de la bougie Diptyque qui se consume…  » Pour me sentir relaxé, j’ai besoin de pouvoir poser mon regard sur de belles choses. Et que tout soit en ordre « , s’amuse Anthony.

Carrie, 4 ans, trottine sur le plancher sombre, toute fière d’arborer un collier exclusif, pièce unique mêlant ruban noir et strass. Porter le même prénom que l’héroïne de Sex And The City et avoir pour maîtres deux talentueux créateurs belges – Anthony et Arnaud Michaux, assistant d’Alber Elbaz chez Lanvin, se sont rencontrés à La Cambre – implique une certaine fashion attitude.  » Nous avons plutôt choisi son prénom en pensant à l’héroïne de Brian de Palma ( NDLR : Carrie (au bal du Diable), 1977), un réalisateur très inspirant. Mais depuis toujours, elle aime qu’on lui dise qu’elle est belle, confirme Anthony dans un sourire. Elle a grandi dans notre atelier, et a même appris à ne pas piétiner les patrons qu’on étale par terre.  »

Carrie se retrouve aussi parmi les centaines de Polas alignés sur le plus grand mur de l’appartement, où elle côtoie Raquel Zimmermann, Sasha Pivovarova et Lily Donaldson, it-girls du moment. Des clichés qu’Anthony a pris dans les coulisses des défilés, et qui sont venus compléter une collection regroupant, pêle-mêle, portraits de petites nièces ou de copines – époque La Cambre -, souvenirs de Hyères ou photos de films.

Chez la plupart des gens, cela virerait kitsch. Pas chez lui : Vaccarello a le sens du beau. Un don qu’il a affuté lors de ses études aux Beaux-Arts à Tournai, orientation création textile, puis à La Cambre, en stylisme.  » Cinq années vraiment magnifiques, se souvient-il. J’aurais dû me lancer tout de suite et passer l’examen d’entrée mais travailler dans la mode était tellement un rêve depuis toujours que cela me semblait tout simplement inaccessible.  » N’étant pas du tout issu du milieu de la mode – son père est restaurateur -, Anthony craignait aussi que l’idée paraisse saugrenue à ses parents.  » Alors qu’en fait, cela s’est très bien passé. Ils me soutiennent depuis toujours, sont venus à Hyères et seront à Paris en janvier pour le lancement de ma première collection « . Weekend aussi !

Delphine Kindermans Photos : Alexis Haulot

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