Lisette Lombé

Chronique | Le charme des auréoles sous les bras

Les rues sont pavées d’humeurs, de rencontres, de silences ou d’aveux. Lisette Lombé s’y abandonne et s’y émerveille, humant l’air du temps de sa prose nomade.

J’écris cette chronique de rentrée encore gorgée de l’effervescence des jeux Olympiques de Paris, dans l’attente des Paralympiques. Ma définition idéale des vacances inclut le luxe de marcher non loin de la mer et de nager quotidiennement. J’ai adoré, cet été, y ajouter la vision d’autres corps en mouvements. 

J’aime le sport. J’aime la manière dont celui-ci rassemble les gens dans la joie ou dans la déception. J’aime les athlètes qui écrivent l’histoire de leur discipline. J’aime le goût de l’effort inscrit dans le temps long. J’aime retrouver l’émerveillement de mon enfance devant le petit écran, en compagnie de mes parents. J’aime bondir d’un canapé et sautiller comme si j’étais de retour sur la piste ou sur les parquets. J’aime les trêves au-dessus de la mêlée politique. J’aime les résumés de matchs lyriques en lieu et place de la rhétorique de division des campagnes électorales. J’aime les photos d’équipes colorées. J’aime comment une seule médaille peut clouer le bec à un monceau de propos polémiques ou problématiques. J’aime imaginer des milliers de personnes, galvanisées par les résultats de leurs icônes, reprenant le sport dans un élan commun. J’aime commenter les résultats de la veille avec mes enfants au petit-déjeuner. Les records du monde, les contre-performances, les images fortes. Je radote, j’évoque Séoul et Barcelone, ma jeunesse, ma pratique, mes blessures. Je tente de glisser quelques mots sur l’argent, la compétition entre les êtres, le dopage, les travailleurs ayant perdu la vie sur des chantiers. Ma parole tombe un peu à plat. Le temps de la célébration n’est pas celui des critiques. 

Avec ma fille, nous parlons aussi du look des athlètes. Nous saluons la sophistication des coiffures et l’originalité des maquillages, nous applaudissons l’élégance, nous commentons le soin apporté aux costumes des délégations nationales. Avec ma sœur, nous débattons sur d’autres sujets: les tenues genrées, le port du voile autorisé pour certaines et interdit pour d’autres, les recommandations faites aux cameramans de ne plus faire de gros plans des maillots échancrés des sportives, la gestion des règles hémorragiques pendant les épreuves d’endurance, les tests de féminité… Injonctions faites aux corps des femmes. Nos discussions à propos des vêtements disent quelque chose de l’évolution de la société. 

Je me suis souvenue que je n’avais jamais porté de maillot deux pièces lorsque je faisais de l’athlétisme. Je crois que cela m’aurait mise mal à l’aise, malgré des abdos en béton à l’époque. J’ai très peu porté de bikinis à la plage et plus jamais après mes grossesses. Ma pièce fétiche reste un maillot une pièce, noir, rouge ou blanc, style rétro, sans armatures. 

Cet été pourtant, sur les conseils de ma fille, je me suis offert plusieurs bikinis. Elle aurait préféré que j’opte pour des culottes taille basse plutôt que taille haute mais le défi était déjà grand pour un corps qui a gardé une mémoire vivace des complexes de l’adolescence et qui a porté trois enfants. J’en parle dans mes poèmes de cette nostalgie des ventres. Un diététicien m’avait dit: «On ne peut pas être et avoir été!» Je n’avais pas compris cette phrase dans ma trentaine. Je n’étais pas encore entrée en territoire de maturité et d’acceptation.

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