Nicolas Balmet

Chronique: Le Rubik’s Cube a été inventé il y a 50 ans par un professeur d’architecture

Nicolas Balmet Journaliste

Dans cette chronique, rien n’est en toc. Chaque vérité, cocasse ou sidérante, est décortiquée par un journaliste fouineur et (très) tatillon qui voit la curiosité comme un précieux défaut.

L’air de rien, il existe pas mal de cubes célèbres, à l’instar du cube bouillon, de l’Apéricube ou du cubitus. Mais s’il y en a bien un qui dépasse tous les autres en termes de popularité, c’est le Rubik’s Cube, ce fascinant objet bariolé qui voyait le jour il y a tout juste un demi-siècle. Son concepteur : Ernö Rubik, professeur d’architecture et de design. Un beau matin de 1974, dans sa Hongrie natale, le gaillard se réveille avec l’idée de mettre ses élèves à l’épreuve et d’observer leur manière de relever un challenge corsé. Il crée ainsi un ingénieux puzzle en 3D composé de 26 petits blocs, en demandant à ses étudiants de rassembler chacune de ses six couleurs sur une même face. Au passage, il précise que le casse-tête peut être résolu d’innombrables façons, mais qu’une seule forme de logique mène à la solution…

Simple d’apparence, mais complexe dans son mécanisme, l’objet fait appel à notre mémoire spatiale et tridimensionnelle. Il teste également notre patience et nos limites en matière de… frustration, et pour cause: on estime qu’à peine 1% de la population est capable de résoudre le cube sans aide ni explication. Ernö Rubik lui-même avouera plus tard que, la première fois, il lui a fallu un mois entier de cogitation et de sueurs pour y parvenir. Exactement le même temps qui fut (probablement) nécessaire à l’inventeur de la pizza hawaïenne pour venir à bout de sa terrifiante création.

Face à l’enthousiasme de ses étudiants, le professeur Rubik flaire le bon coup et décide de déposer un brevet dès 1975. Son invention s’appelle alors Magic Cube, mais disons que dans la Hongrie communiste, les restrictions de fabrication sont sévères, empêchant l’homme de conquérir un quelconque marché. Aussi, ce sont surtout les designers, les architectes et autres mathématiciens qui se procurent une copie du cube afin de se creuser joyeusement les méninges. A la fin de la décennie, sa présentation au Salon du jouet de Nuremberg va néanmoins tout changer : le cube tape dans l’œil de l’entreprise américaine de jouets Ideal (depuis lors rachetée par Mattel), qui achète le concept, le rebaptise Rubik’s Cube afin de célébrer le génie de son créateur, puis se met à le distribuer partout sur le globe…

Ce qui n’était qu’un outil pédagogique va alors se transformer en véritable star ludique de la pop culture. Dès les années 80, le Rubik’s Cube se met à intéresser les artistes, qui s’amusent à lui faire – littéralement – une tête au carré. Le Français répondant au pseudonyme d’Invader, par exemple, ornera des pans entiers de murs sous la forme de petites ou de grandes mosaïques qui, aujourd’hui, sont visibles dans plus de 80 villes du monde. Le gaillard autobaptisera même sa technique le «Rubikubisme». Lors de l’été 2022, le MIMA de Bruxelles lui consacrait une exposition riche de 150 tableaux pixellisés, cela peu de temps après que l’une des créations d’Invader – le Rubik Mona Lisa pour la citer – ait été adjugée à 480.200 euros lors d’une vente aux enchères parisienne dédiée au street art. 

Côté fiction, le Rubik’s Cube s’offrira des rôles secondaires dans le film Wall-E ou dans le vidéoclip Forever des Spice Girls, tandis qu’il prendra la forme d’une cultissime boîte à mouchoirs dans la série geek The Big Bang Theory. Sur Netflix, il existe également un documentaire intitulé The Speed Cubers racontant la belle histoire d’amitié entre deux… concurrents qui se battent lors de compétitions de «cubing», cette discipline consistant à résoudre des Rubik’s Cube à la vitesse de l’éclair et qui font le buzz (un jeu de mots se cache dans cette phrase, sauras-tu le trouver?). J’en oublierais presque de vous livrer deux chiffres carrément fous. Le premier: le cube possède 43 252 003 274 489 856 000 configurations possibles (soit plus de 43 trillions). Le second, d’autant plus fascinant: le record du monde actuel de résolution, établi l’été dernier par l’Américain Max Park, est de 3,13 secondes. Si vous ne me croyez pas, allez donc voir la vidéo sur YouTube et vous comprendrez que c’est le résultat d’un entraînement digne des plus grands sportifs: vous pensez bien qu’on n’arrive pas à un tel niveau en ayant juste le cube bordé de nouilles.

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