Edgar Kosma

Homo smartphonus

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Au royaume des réseaux sociaux, les jours passent et ne se ressemblent pas. Entre les buzz et les likes, le vrai et le fake, Edgar Kosma scrolle le fil d’actu d’un siècle décidément étrange. Hashtag sans filtre.

Cela fait pile-poil un demi-siècle que le premier téléphone portable a fait irruption dans notre société. Dès 1973 et durant les vingt premières années, ce gadget à prix exorbitant n’était l’apanage que des puissants, des hommes d’affaires et des médecins pour les urgences. Et jusqu’à la fin du XXe siècle, personne n’était en passe d’imaginer que quelques décennies plus tard, cet outil de communication prendrait une telle place dans nos existences. Il est bien sûr relativement aisé de se tourner vers les cinquante dernières années pour en observer les évolutions, mais il est nettement plus complexe de répondre à cette question: que nous apporteront les cinquante prochaines?

Martin Cooper est un homme peu connu du grand public mais qui a eu une influence considérable sur nos vies, puisque cet ingénieur américain, aujourd’hui âgé de 94 ans, considéré comme l’inventeur du téléphone portable, est la première personne à avoir passé un appel sur un téléphone portatif en 1973. Je l’imagine appeler sa femme ce jour-là et lui lancer fièrement «Tu devineras jamais d’où je t’appelle, chérie!»

Selon ce nonagénaire averti, les smartphones, tels que nous les connaissons aujourd’hui, disparaîtront prochainement et seront remplacés par des implants directement intégrés dans le corps des utilisateurs, à la manière des capteurs qui mesurent notre niveau de santé à tout moment.

Question triviale mais légitime de ma part: comment seront-ils rechargés? Pour Martin Cooper, qui semble avoir réponse à tout, ces implants fonctionneront grâce à l’énergie produite par le corps: «Vous ingérez de la nourriture, vous créez de l’énergie. Pourquoi ne pas avoir ce récepteur pour votre oreille intégré sous votre peau, alimenté par votre corps?»

‘Un outil avec lequel nous ne ferons plus qu’un.’

Mais bien sûr, comment n’y avais-je pas pensé tout seul? Cette idée – ou fantasme – de toujours miniaturiser, voire d’intégrer les technologies dans le corps n’est pas neuve et on la retrouve dans bon nombre de récits futuristes du XXe siècle. Et si la plupart de ces outils ne voient jamais le jour, certains d’entre eux finissent parfois par être popularisés, comme les montres connectées ou les airpods.

Summum du progrès ?

Le progrès est au cœur de notre société de consommation et on n’imaginerait pas une grande entreprise de la tech se reposer sur ses lauriers en annonçant fièrement: «Le dernier iPhone 15 est top, c’est bon, on ne va pas essayer de le développer au-delà!»

Et si progrès il y a, flops aussi il y a: on se souvient par exemple des Google Glass, qui étaient censées inonder le monde et dont le projet a été avorté par Google faute de clients ; ou du fameux casque de réalité augmentée de Meta qui, malgré les milliards d’investissements, est toujours très loin de déchaîner les foules.

Plus loin dans la miniaturisation et plus proche de la science-fiction, Neuralink (une société d’Elon Musk) a confectionné un implant cérébral informatique afin de permettre à des personnes de contrôler des équipements à distance par la pensée.

Futur flop ou pas? Nul doute que les ingénieurs de la Silicon Valley seront toujours prêts à aller plus loin dans le plus petit. Mais les principaux intéressés – en l’occurence: nous – sont-ils disposés à intégrer de la tech dans leur corps et leurs pensées? Si dans un récit de S-F (ou en Chine), la population semble soumise aux désirs des décideurs, notre réalité démocratico-libérale est plus complexe et j’ai envie de croire que nous pouvons avoir le dernier mot à travers nos actes d’achat… ou pas.

Personnellement, je ne suis pas trop chaud pour cette nouvelle évolution de notre espèce. Car il faut bien comprendre que dans la course à toujours plus de connexion, un smartphone intégré dans ce que nous avons de plus intime ne sera plus un objet extérieur que l’on pourra éteindre quand on le souhaite, mais un outil avec lequel nous ne ferons plus qu’un, avec des applications et notifications qui se confondront H24 avec nos pensées. Au risque de vous paraître vieux jeu, j’ai d’autres ambitions pour mon corps vieillissant que d’être une simple station de recharge.

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