Anne-Françoise Moyson

Édito | Je suis descendue dans mon jardin

On est toute sa vie à la recherche de son jardin d’enfance. Intouché, il flotte quelque part dans la mémoire. Le mien était un parfait terrain de jeu, immense et sauvage et bien entendu il y faisaient toujours soleil. Les marguerites sauvages qui mouchetaient le gazon étaient autant de perles fragiles pour couronnes éphémères. Un vieux lilas blanc y toisait un tout jeune qui avait choisi son camp et préférait le mauve tendre. Tout au fond, le poulailler grillagé enserrait une petite vie de basse-cour où la campagne s’invitait, rognant la ville comme par défi. Un coq qui n’avait pas de nom cocoriquait scrupuleusement à l’aube, c’est vous dire si les voisins étaient ravis. Les deux poules, baptisées Cirage et Marguerite, rapport à leur couleur, faisaient leur office et chaque jour pondaient leur œuf sur la paille fraîche. Puis j’ai grandi, je suis partie, je suis revenue. Et il a bien fallu se rendre à l’évidence : le jardin avait rétréci, le ciel était gris, la pluie mouillée et les poules enterrées après le carnage – un renard citadin plus hardi que les autres était passé par là. Depuis, comme on reconstitue un puzzle, je collectionne des bouts de jardins.

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