Edgar Kosma

L’enfer, c’est les non-filaires: réflexion sur les porteurs d’AirPods

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Au royaume des réseaux sociaux, les jours passent et ne se ressemblent pas. Entre les buzz et les likes, le vrai et le fake, Edgar Kosma scrolle le fil d’actu d’un siècle décidément étrange. Hashtag sans filtre.

L’humanité possède cette singulière faculté de se laisser diviser en deux catégories. Ceux qui rincent la vaisselle avant de la placer dans le lave-vaisselle et ceux qui pensent que c’est inutile. Ceux qui chargent leur smartphone la nuit et ceux qui le font au travail. Ceux qui utilisent des écouteurs filaires et ceux qui utilisent des écouteurs non filaires. Pour cette dernière catégorie, vous me direz qu’il y en a qui n’utilisent ni l’un ni l’autre, et je vous répondrai que l’humanité se divise aussi entre ceux qui ont toujours quelque chose à ajouter et les autres.

Le 8 septembre 2016: cette date ne vous dit sûrement rien, et pourtant, pour bon nombre d’entre nous, elle a changé nos habitudes. Ce jour-là, du côté de la vallée siliconée, Apple organisait une keynote où fut présenté à ses adeptes un petit bout de plastique blanc qui tient entre deux doigts et que l’on enfonce dans l’oreille pour écouter de la musique ou téléphoner: les AirPods. Comme pour la plupart des évolutions technologiques des dernières années, derrière la révolution annoncée ne se cachait en fait qu’un simple passage du stade filaire au non-filaire. De plus, certains constructeurs proposaient déjà des écouteurs Bluetooth. Mais c’est Apple – toujours le premier sur l’arbre pour rendre nécessaire des produits dont on n’a pas vraiment besoin – qui a réussi à imposer sa nouveauté au monde entier. Les autres ont bien sûr suivi le mouvement: Google et ses Pixel Buds, Samsung et ses Galaxy Buds, etc.

Ellipse.

Six ans plus tard, il n’est plus possible de faire dix mètres en rue sans croiser ces petits trucs blancs implantés dans les oreilles d’un passant. Pour être dans le coup, avoir le dernier iPhone ne suffit plus, il faut aussi arborer fièrement ses AirPods. Certains fans de la marque fruitée semblent même les garder en permanence. Peut-être se les enfoncent-ils dans l’oreille, le matin, comme d’autres enfilent leur montre, ou pour les plus âgés, leur dentier? Un problème quasi sociétal: quand on veut s’adresser à quelqu’un qui en a, on ne sait jamais s’il nous entend. Peut-être faudrait-il ajouter un petit signal rouge ou vert pour nous signifier la disponibilité de la personne?

Quand on veut s’adresser à quelqu’un, on ne sait jamais s’il nous entend.

Perso, quand je marche en rue, je suis plutôt filaire. J’aime ce côté rebelle de ne pas faire comme tout le monde et, en plus, je n’ai jamais eu confiance dans le fait d’avoir deux petits outils connectés qui peuvent communiquer l’un avec l’autre à travers mon cerveau… où s’entrecroisent déjà suffisamment de perturbations comme ça. Après, pour être de bon compte, je dois admettre que mes écouteurs filaires sont mal foutus: les fils s’emmêlent sans cesse, ils tombent parfois de mes oreilles, le micro est assez loin de la bouche, je n’arrive pas toujours à trouver le bouton pour décrocher un appel… Bref, pas le genre de technologie qu’on attend au tournant du premier quart du XXIe siècle. Mais ils ont un gros avantage: en plus d’être gratuits (ils étaient fournis avec mon smartphone), ils ne doivent pas être constamment rechargés et sont donc bénéfiques tant pour ma facture d’électricité que pour ma conscience écologique.

N’empêche, quand je suis assis dans le métro en face d’un non-filaire, je ne peux m’empêcher de me sentir ringard, le genre de gars qui utilise encore une ancienne technologie alors qu’il en existe une nouvelle, plus efficace, plus stylée, plus «in the wind». Heureusement, je ne suis pas seul à porter ce poids. Nous, les filaires, ne sommes pas encore en voie d’extinction. Quand on se croise, on ne se jette pas un regard complice comme des motards à un feu rouge, mais on sait qu’on est encore là, qu’on ne résistera sans doute pas éternellement, mais qu’on tiendra le temps qu’on pourra. Puis, crise de l’énergie aidant, qui sait si l’avenir ne nous donnera pas raison? Prochaine tendance, le téléphone fixe? Les paris sont ouverts.

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