Edgar Kosma

Vous avez un nouveau vocal

Edgar Kosma linktr.ee/edgarkosma

Au royaume des réseaux sociaux, les jours passent et ne se ressemblent pas. Entre les buzz et les likes, le vrai et le fake, Edgar Kosma scrolle le fil d’actu d’un siècle décidément étrange. Hashtag sans filtre.

Ils nous ont envahis sans crier gare et inondent aujourd’hui nos boîtes de réception. Non, je ne parle pas de photos d’organes génitaux non sollicitées, mais bien des messages vocaux. Depuis environ un an, il m’est arrivé plusieurs fois de me retrouver dans un wagon de train ou de métro aux côtés de personnes qui passaient le voyage à envoyer d’interminables messages vocaux. Moi qui suis plutôt un adepte du «suis là», du «OK» et du petit pouce levé, j’avoue avoir un peu de mal à comprendre ce nouveau phénomène. Et dans mes différentes messageries privées, j’ai aussi remarqué la montée en puissance de ces vocaux qui ont peu à peu commencé à remplacer certains messages écrits.

‘Et si cela s’expliquait simplement par la flemme d’écrire, quel que soit l’âge?’

Jusqu’à ce soir de mars où, dans ma boîte Instagram, est tombé un vocal en réponse à l’un de mes messages. Je clique sur play pour l’écouter et n’entends qu’un simple «OK». Je le réécoute pour voir si je n’ai pas raté un bout, mais non, rien d’autre que ce «OK». L’absurdité de ce type de messages avait pour moi atteint son paroxysme: il avait fallu plus de micro-secondes à mon interlocuteur pour appuyer sur le petit micro, enregistrer son «OK» et l’envoyer plutôt que d’avoir simplement écrit ces 2 lettres.

J’ai interrogé mes proches sur cette nouvelle habitude, et ce qui ressort de manière plus ou moins unanime, c’est que «les notes vocales, c’est génial pour celui ou celle qui les envoie et chiant pour celui ou celle qui les reçoit». Mes proches ont le mérite d’être clairs et je les en remercie.

Force est de constater que s’il y a bien un truc asymétrique par excellence, mis à part mes amourettes adolescentes, ce sont bien ces messages vocaux. Super pratique pour celui qui les envoie, en marchant, en conduisant ou en cuisinant… et super contraignant pour celui qui les reçoit, obligé de sortir ses écouteurs, d’écouter tout du début à la fin et qui, s’il veut en retenir quelque chose, doit lui-même le noter, car aucun écouter-coller n’a encore été inventé. Parfois, ils sont tellement longs que certains les écoutent en accéléré depuis que WhatsApp a introduit cette fonction.

En écrivant cette chronique, le hasard me fait tomber sur un post Instagram du Gorafi avec une photo de deux jeunes accompagnée de ce texte: «Ils s’envoient 40 messages vocaux mais refusent de s’appeler.» Derrière la blague, le tableau de la génération Z qui n’a pas été habituée aux conversations téléphoniques et qui découvre aujourd’hui une nouvelle forme de communication orale mais sans réciprocité, où l’on peut dire ce que l’on veut et aussi longtemps qu’on le veut. Proche, intime, mais avec une distance et un certain contrôle.

Sous le post, @corbeaumignon commente: «Le vocal, ça te permet de raconter un truc sans qu’on te coupe. Le problème, c’est qu’après, t’es tellement conforté, tu répètes les vocaux en digressant toujours plus. L’autre aussi.»

Si les plus jeunes y ont recours par confort ou angoisse sociale, les plus vieux les utiliseraient quant à eux pour éviter cette tâche laborieuse d’écrire sur leur smartphone, parfois avec un seul doigt. Et si le succès des notes vocales, après tout, s’expliquait tout simplement par la flemme d’écrire, quel que soit l’âge?

A titre purement personnel, ces messages vocaux, où l’on peut se vider sans peur d’être coupé ou contredit, ne sont pas sans me rappeler les longs «dialogues» que j’entretiens avec mon psychanalyste qui m’écoute parfois longtemps sans réaction ni jugement. Mais attention: nos amis ne sont pas nos psys et il n’est peut-être pas toujours judicieux de les bombarder avec nos états d’âme. De plus, nos proches ne sont pas tenus au secret professionnel, ne l’oublions pas au moment d’appuyer sur le petit micro et de leur envoyer tous ces mots qui nous encombrent le ventre. Enfin, si vous utilisez les notes vocales comme un podcast ou un one-(wo)man-show, n’oubliez pas de remercier votre auditeur à la fin. Voilà, c’est tout pour moi, merci de m’avoir lu jusqu’ici.

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