Après une carrière à l’Opéra de Paris, l’ex-étoile Aurélie Dupont révèle les coulisses du ballet
L’ancienne étoile et directrice de la danse à l’Opéra de Paris signe une autobiographie aux accents cathartiques. De ses premiers pas de petit rat à son salut d’adieu sur la scène de Garnier, Aurélie Dupont raconte les enchantements d’une vie qui ressemble à un rêve éveillé. Mais aussi les humiliations et les souffrances qu’il lui a fallu endurer.
Un livre sans tabous, qui n’est jamais impudique pour autant, mais plutôt, à l’image d’Aurélie Dupont, élégant et fascinant. Rencontre avec une danseuse étoile qui a effectué un grand écart réussi vers le milieu des lettres, après des pirouettes dans la mode, entre autres.
La vocation
La danse est venue à moi presque par hasard. Ma passion, c’était la musique, le piano, en particulier. C’est ma professeure de gymnastique qui m’a aiguillée vers la classe de Liane Daydé, une ancienne danseuse étoile. Dès mon premier cours, elle a proposé de me préparer pour l’examen d’entrée des petits rats qui avait lieu trois mois plus tard. Sur 2.000 candidats, nous ne serions que 10 à intégrer l’école.
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J’ai appris très jeune à serrer les dents. Je suis fille de médecin, j’ai reçu une éducation plutôt stricte dont le motto était toujours «quoi que tu fasses, tu le fais bien ou tu ne le fais pas». Cette discipline m’a permis de tenir mes engagements, de me dépasser. Elle ne m’a jamais empêchée d’avoir aussi soif de liberté. Ce cadre me protégeait.
Le rapport au corps
Le corps du danseur ne lui appartient pas. C’est un peu comme un Rubik’s Cube au service d’une cause qui le dépasse. La discipline est impitoyable. La répétition, constante. Au risque d’oublier le plaisir que procure la sensation même de danser. C’est un athlète de haut niveau qui ne peut montrer l’effort. Pour mieux laisser place à la grâce.
La société se pâme encore toujours devant la maigreur. Mon entrée dans le corps de ballet de l’Opéra de Paris en 1989 était conditionnée noir sur blanc au fait que je ne prenne pas de poids. Il fallait entrer dans un moule établi. Cela m’a beaucoup abîmée mais je ne suis heureusement jamais tombée dans l’anorexie. Si ce genre de remarque n’est pas pensable aujourd’hui, je constate avec regret que l’extrême minceur est à nouveau plébiscitée, sur les réseaux sociaux et dans la mode notamment.
La pression
Réaliser que vous pouvez tout perdre donne de la valeur à ce que vous faites. Juste après ma nomination comme étoile, mon genou droit m’a complètement lâché, ma rotule était en miettes, le médecin m’a dit que je ne danserais plus jamais. Je n’ai pas voulu l’accepter. J’ai refusé de devenir aigrie, jalouse de ceux et celles qui «pouvaient» encore, sans danger. Et je me suis réinventée. J’ai dû accepter ma fragilité. Ce que j’ai donné en retour au public était à coup sûr plus profond et plus essentiel que s’il ne m’était rien arrivé.
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La passion
La maternité, c’est le rôle de ma vie. J’ai su très jeune que je voulais des enfants. Je n’ai jamais vécu cela comme un sacrifice. Si j’avais pu, j’en aurais même fait plus. Mes deux fils, je les aime à la folie. Quand je regarde en arrière, bien sûr j’ai des souvenirs magnifiques de créations, d’émotions sur scène. Mais maintenant que ma carrière est derrière moi, je peux passer du temps avec eux tous les jours. Et les regarder grandir.
L’évasion
Le Japon vous transforme à jamais. C’est là que j’ai été repérée par le public et la presse, que l’on a commencé à croire en moi. Je m’y suis toujours sentie apaisée, recentrée. L’élégance et le respect dont font preuve les Japonais vous font un bien fou. Je me suis jurée d’y retourner, incognito, avec mes enfants et de quitter les villes et l’entrée des artistes des théâtres que je connais trop bien.
La reconversion
J’écris pour vaincre ma pudeur. J’ai toujours été timide: danser me convenait très bien car je pouvais raconter tant d’histoires juste avec mon corps. Lorsque l’on est réservé et que l’on est aussi quelqu’un d’exposé, les autres parlent à votre place. On a souvent dit que j’étais froide, intouchable. Les gens qui me connaissent savent bien que ce n’est pas vrai. Avec ce livre, je me donne le droit de raconter ma propre histoire.
Reconnaître ses qualités, cela s’apprend. Lorsque je suis devenue directrice de la danse à l’Opéra de Paris, j’ai mis en place des entretiens individuels avec les 153 danseurs de la compagnie. Je leur demandais de venir avec une liste de défauts mais aussi de qualités. Certains n’arrivaient même pas à m’en citer une! Bien sûr, il est important de travailler sa technique, de se corriger. Mais il ne faut pas toujours chercher à se punir. S’appuyer sur ses points forts, les accepter, cela permet de se rassurer, et d’être plus heureux.
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N’oublie pas pourquoi tu danses, par Aurélie Dupont, Albin Michel.
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