foot streker consultant
Dans son podcast Libero, Stephan Streker dissèque le foot avec finesse © Laeticia Bica

Rencontre avec le consultant et cinéaste Stephan Streker : “au foot, la règle, c’est l’échec”

Anne-Françoise Moyson

A l’heure de l’Euro, Stephan Streker revient pour nous sur ses deux passions, le cinéma et le foot. Lui qui dissèque les matchs comme des tragédies grecques, prépare son cinquième long-métrage.  Portrait en creux en huit mots.

Méditation

Le foot est un art. Et on peut dire de Zidane ou de Kevin De Bruyne que ce sont des artistes, notamment dans leur capacité à créer un instant qui n’aurait pas existé si cela n’avait pas été eux. Quand je regarde un match au stade, je le vis très intensément, je suis dans un état autre, quasiment méditatif. Je ne hurle pas et ne saute pas sur mon siège, je suis concentré. Etre dans un stade en vrai est une expérience sensorielle puissante, rien à voir avec la télévision.

Ennui

L’enfance est moins intéressante que l’âge adulte. Il est plus fort, riche, varié, accidenté. Je me suis ennuyé énormément au cours quand j’étais enfant, dans des proportions que vous n’imaginez pas, tellement même que désormais adulte, je ne m’ennuie plus jamais. A l’école, j’ai battu tous les records du monde où assis en classe, tu regardes l’heure et tu te dis qu’il est au moins 3h10 et il n’est que 3h06… Je ne comprends pas qu’on puise infliger ça à ses enfants, devoir rester assis pendant des heures.

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Supporter

On ne choisit pas son club de foot. C’est le club qui vous choisit. Je supporte le Racing White Daring de Molenbeek, depuis que j’ai suivi mon père et vu des matchs sur ses genoux… J’en ai pris pour toute ma vie. Et c’est plus de souffrances et de contrariétés que de bonheur parce que, au foot, la règle, c’est l’échec. La première fois que j’ai vu le RWDM, c’était en 1975, ils étaient alors champions de Belgique, j’étais persuadé qu’ils seraient champions tous les ans mais ils ne l’ont plus jamais été. Souffrir et supporter, c’est le même mot, en vieux français.

‘Quand une star vraie entre dans une pièce, la qualité de l’air change’

Compétition

La compétition et l’expression artistique sont deux notions qui s’excluent mutuellement. Evidemment, je ne vais pas cracher dans la soupe, mon film Noces a eu des prix, a été nominé au César du meilleur film étranger aux côtés de Lalaland, Dunkerque, The Square et Faute d’amour qui a gagné. C’est une belle liste. Mais cela n’a pas de sens. Les deux pires crimes qu’on puisse faire, c’est ignorer ou comparer. Et là on compare. Pourquoi mettre en compétition Van Gogh, Vermeer, Rembrandt et Picasso?

Tragédie

Le point commun entre le cinéma et le foot, c’est la dramaturgie. Avec une différence totale: un film doit être vraisemblable là où un match est encore meilleur à vivre s’il est invraisemblable. Parce qu’il n’est pas scénarisé ni écrit par personne. Un très grand match, c’est un très grand scénario et comme il n’est pas connu à l’avance, c’est encore plus jouissif à vivre. Et cela n’a rien à voir avec les niveaux: une finale de coupe du monde peut être irregardable d’ennui et un match en deuxième division génialissime.

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Altérité

L’art, c’est porter un regard sur l’altérité. Et ce qui en fait sa valeur, c’est la valeur de ce point de vue. Réaliser des films est un processus individuel et collectif à la fois. Quand on écrit et réalise, c’est extrêmement important qu’il y ait ce point de vue, par définition individuel. Mais on dépend intégralement des gens avec qui on tourne et qui permettent de faire le film que l’on veut faire. Je travaille toujours avec des gens plus forts que moi, mon preneur de son, mon caméraman, mon cadreur sont meilleurs que moi.

Symboles

J’ai un rapport aux objets assez particulier. Je m’en fous. Sauf deux: un mégot de Gitanes de Serge Gainsbourg que j’ai piqué dans son cendrier, en le lui disant! C’était fin 1986, j’écrivais alors mon mémoire sur lui. Ce mégot a symbolisé la fin de mes études de journalisme à l’ULB. Et l’autre objet qui marque la fin de ma carrière de journaliste, c’est l’affiche du film Raging Bull dédicacé par Robert De Niro que j’ai interviewé à New York. Je les conserve avec amour, ce sont des trophées symboliques

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Spiritualité

Bouddha et Jim Carrey, c’est la même chose. Spirituellement, Jim Carrey est la personne la plus élevée que j’ai rencontrée. On dit que quand une star vraie entre dans une pièce, la qualité de l’air change, c’était le cas avec lui, je l’ai trouvé brillantissime. Je n’en reviens pas d’avoir vécu à une période où il était possible d’interviewer dans des conditions exceptionnelles des gens exceptionnels – David Lynch en tête-à-tête le jour où il gagne sa Palme d’or à Cannes, Francis Ford Coppola chez lui, Terry Gilliam sept fois, James Cameron… Mais je ne suis pas nostalgique de cette époque-là. Pas une seule seconde. J’ai plein de défauts mais je ne suis pas nostalgique.

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