A La Mecque, les femmes musulmanes font le pèlerinage sans homme
Drapeau tunisien sur les épaules et son mari laissé au pays, Leïla Al-Qarni effectue le pèlerinage à La Mecque, premier lieu saint de l’islam, où elle encourage les femmes à venir seules, n’étant plus obligées d’y être accompagnées par un proche masculin.
Agé de 65 ans, la limite d’âge imposée pour accomplir le hajj cette année en raison de la pandémie de Covid-19, son mari n’a pas pu être du voyage, raconte à l’AFP cette femme médecin, mère de deux enfants.
« Pourquoi les femmes devraient-elles être accompagnées d’un homme de toute façon? Pourquoi? », s’interroge cette Tunisienne de 60 ans. « J’encourage chaque femme à venir ici sans tuteur ».
En 2021, l’Arabie saoudite a levé l’obligation pour les femmes de venir avec un homme, à condition qu’elles viennent en groupe, pour effectuer le hajj, le grand pèlerinage musulman organisé chaque année dans l’ouest du pays.
Auparavant, celles âgées de moins de 45 ans devaient impérativement être accompagnées d’un « tuteur » masculin, comme un frère, un père ou un mari.
« N’ayez pas peur »
L’année dernière, les Saoudiennes avaient été les premières à en bénéficier, les pèlerins étrangers ayant été interdits à l’époque en raison des mesures anti-Covid. Cette année, la riche monarchie du Golfe a autorisé un million de fidèles, dont 850.000 venus du monde entier.
Parmi eux, se trouvent des femmes seules comme Leïla Al-Qarni et sa soeur qui l’accompagne, Hayat Abdelmalek. Cette mère de famille de 64 ans, retraitée après une longue carrière en entreprise invite les femmes arabes à être « courageuses ».
Le hajj, l’un des cinq piliers de l’islam avec les prières quotidiennes et le jeûne du ramadan notamment, s’impose à tous les musulmanes et musulmans au moins une fois dans leur vie.
« N’ayez pas peur », lance Souhaïl Mohammed à celles qui hésitent encore à faire le voyage.
« Une femme vaut 100 hommes », assure cette Egyptienne de 60 ans qui dit avoir travaillé pendant plus de trois décennies au ministère de la Défense.
« Cela m’a donné confiance en moi (…) ça m’a rendu plus forte », confie à l’AFP cette mère de trois enfants.
Les femmes du monde arabe font face à des « structures patriarcales, une insécurité et des crises à répétition », les privant de leurs droits et libertés fondamentales, souligne une étude publiée l’année dernière par le centre de réflexion Middle East Institute, basé à Washington.
La région se classe « au dernier rang mondial en terme de droits de la femme », souligne les chercheurs.
La situation n’est néanmoins pas la même dans les 22 pays de la région, le Liban ou la Tunisie octroyant par exemple davantage de libertés aux femmes.
Dans la région conservatrice du Golfe, les femmes sont de plus en plus nombreuses à entrer dans la vie active. Elles occupent désormais des postes ministériels, souvent dans les secteurs comme la santé et la culture, au Qatar ou aux Emirats arabes unis.
« Indescriptible »
En Arabie saoudite, le jeune prince héritier Mohammed ben Salmane a initié ces dernières années plusieurs réformes destinées à diversifier l’économie, ouvrir la société et moderniser l’image d’un pays perçu comme particulièrement austère.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, les femmes ont notamment été autorisées à conduire et à voyager sans « tuteur » masculin. Mais ces réformes ont été éclipsées par une répression implacable des critiques du pouvoir, dont plusieurs militantes féministes célèbres.
Dans la Grande Mosquée de La Mecque, de nombreuses femmes ont accompli seules mercredi les premiers rituels du hajj, en tournant autour de la Kaaba, la grande structure cubique noire vers laquelle les musulmans se dirigent pour prier.
Parmi elles, Faten Abdelmoneim, une retraitée venue d’Egypte, qui appelle toutes les femmes en mesure de faire le pèlerinage, accompagnée ou pas, à ne pas « rater l’occasion ».
« C’est une joie spirituelle indescriptible », dit-elle à l’AFP. « Vous êtes dans la maison de Dieu ».
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