Bruxisme: Quand on se prend la crise du covid dans les dents

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Aurélie Wehrlin Journaliste

Depuis un an, le covid impacte notre vie quotidienne à travers les mesures sanitaires mises en place pour contrer sa propagation. Mais les effets indirects se font aussi ressentir psychologiquement, avec des conséquences multiples, dont certaines on ne pense pas forcément. Notamment sur notre santé bucco-dentaire.

Alopécie, eczéma, lombalgie… les effets collatéraux la crise du covid sur le corps et la santé ne manquent pas. Le docteur David Guarnaccia, dentiste au sein de la Clinique Van Volxem à Forest (Bruxelles) nous en dit plus sur l’une des conséquences bucc-dentaires probables de la crise du covid, à savoir le bruxisme.

Le covid a-t-il eu des effets sur la santé bucco-dentaire ?

Étant donné que le covid existe depuis un peu plus d’un an seulement, on a encore peu de recul pour affirmer que ses effets sont significatifs sur la mâchoire des patients. Mais, ce qui est sûr c’est qu’à travers mon expérience en cabinet, j’ai constaté une multiplication de cas de bruxisme. On ne peut encore être sûrs que le covid en est la cause, mais le fait est que la pandémie a généré un stress énorme, qui peut donc en être l’origine. Mais je vous fais part ici de mon expérience professionnelle personnelle plutôt que scientifique, n’ayant pas encore trouvé des études ayant établi la corrélation entre covid et bruxisme.

Justement, pouvez-vous nous en dire plus sur le bruxisme ?

Le bruxisme est une parafonction. C’est donc une activité qu’on exerce au niveau de la mâchoire, mais qui ne sert à rien du tout en fait. En général elle se déclenche la nuit, moment où l’on ne contrôle plus rien. Comme on est inconscient, on ne peut pas gérer son arrêt. Elle se manifeste soit par un grincement de dents, mais aussi tout simplement par le serrage de la mâchoire. Il est donc difficile pour le patient de pouvoir le détecter, parce que, plongé dans le sommeil, il n’enregistre pas cette activité-là.

S’il est la conséquence d’un grincement des dents ou du fait qu’on serre les dents la nuit pendant le sommeil, comment peut-on savoir si on en est victime?

On peut le détecter quand on dort avec quelqu’un, parce que grincer des dents génère énormément de bruit. Quand on ne fait que serrer la mâchoire en revanche, c’est silencieux. Mais le patient peut toutefois s’en rendre compte parce qu’il se réveille la nuit avec la mâchoire bloquée, ou parce qu’au réveil, il éprouvé une fatigue au niveau de l’articulation. Le problème est que, comme le patient ne sait pas vraiment ce qui lui arrive, il en parle alors rarement au dentiste. C’est donc généralement le dentiste qui le détecte en questionnant son patient. Alors seulement, le patient peut évoquer ces réveils nocturnes avec la mâchoire serrée. Ce qui peut mettre la puce à l’oreille du patient et le faire soupçonner un cas de bruxisme sont les petites facettes d’usure sur les dents, au début de petites crevasses, surtout localisées sur les molaires. Il est important que les dentistes soient sensibles à cette problématique et questionnent leurs patients. Parce que, même si parfois, dans un premier temps, ceux-ci nient le faire, il est fréquent que, dans un second temps, ils conscientisent et se remémorent certains réveils nocturnes coincés et/ou ressentent une forte tension dans la mâchoire.

Certaines personnes sont-elles plus susceptible d’être touchées par le bruxisme?

En fait, chez certaines personnes, cette parafonction s’exerce aussi la journée. Alors avec l’expérience et après 15 ans de métier, j’ai pris l’habitude de poser la question à mes patients sur leur activité professionnelle. J’ai remarqué que les personnes qui effectuent des travaux physiques, comme des ouvriers du bâtiment, ou encore des déménageurs, ont tendance à serrer des dents. Un réflexe quand on soulève de lourdes charges. Je reçois ainsi dans mon cabinet beaucoup de représentants de cette profession qui ont des dents beaucoup plus petites, tout simplement parce qu’ils ont serré les mâchoires pendant de nombreuses années, sans qu’on les mette en garde. Ils ont ainsi fini par user leurs dents, parfois à un point tel qu’on ne peut plus rien faire, si ce n’est faire une réhabilitation totale. C’est un travail très long, complexe et très coûteux que l’on fait chez un gnatologue. Ce spécialiste procède à une analyse pour retrouver la manière dont le patient mordait à l’origine. Puis il fait une étude pour retrouver la hauteur des dents originelles. Alors seulement on remet des couronnes sur toutes les dents, dont des couronnes partielles sur les dents du fond, et ce afin de permettre au patient de retrouver sa mâchoire d’origine.

Même si parfois, dans un premier temps, ceux-ci nient le faire, il est fréquent que, dans un second temps, ils conscientisent et se remémorent certains réveils nocturnes coincés et/ou ressentent une forte tension dans la mâchoire.

Outre les ouvriers, et les cas complexes auxquels ils doivent faire face, les personnes qui travaillent sur ordinateur ont-elles aussi tendance à serrer les dents sans s’en rendre vraiment compte, tout simplement parce qu’elles sont concentrées sur un écran. Ces deux profils sont grosso modo les deux principaux concernés par le serrage de dents diurne. Mais les personnes qui souffrent de bruxisme la nuit n’ont pas forcément ce type de métiers.

L'usure des dents, une des conséquences du bruxisme
L’usure des dents, une des conséquences du bruxisme© Getty Images

Parce que la nuit, le stress qui est répercuté sur la mâchoire, et qui n’a rien à voir avec l’activité de la journée. Certaines personnes peuvent même être particulièrement cool dans la vie, le jour, mais au fond, elles souffrent d’un stress inconscient qui est répercuté sur les dents la nuit.

Ce stress de la mâchoire peut d’ailleurs aussi être rencontré chez les enfants, qui est d’ailleurs très impressionnant au niveau du bruit et fait souvent l’objet de plainte des parents. Mais ce grincement chez les enfants ne signifie pas forcément qu’ils vont souffrir de bruxisme une fois adulte. Il ne s’agit souvent que d’une phase dans le développement de l’enfant, comme un moyen de décharger. À l’instar des pleurs chez nouveau-nés.

Comment cela évolue-t-il si on n’agit pas ?

Le bruxisme a tendance à créer des douleurs au niveau de l’articulation temporo- mandibulaire, cette articulation à l’avant de l’oreille. On sent qu’il y a une fatigue, une douleur même, parfois des claquements chez certaines personnes. Cela peut aussi occasionner des migraines ou des névralgies au niveau du visage.

Au stade plus avancé, on constate comme je l’évoquais plus haut, que les dents perdent en hauteur. On remarque parfois des personnes au sourire totalement aligné, où les dents sont parfaitement à la même hauteur. C’est terrible, mais c’est généralement le signe qu’ils sont concernés par le bruxisme. Certains patients se retrouvent au final avec de toutes petites dents, toutes droites.

La gouttière, moyen de contrecarrer les effets du bruxisme
La gouttière, moyen de contrecarrer les effets du bruxisme© Getty Images

Peut-on éviter d’être vicitme de bruxime?

Il est quasiment impossible d’éviter le bruxisme. Peut-être que la pratique d’activité visant à se relaxer (yoga, médiation, etc) peut-elle le réduire. Mais quand on vit dans une capitale européenne, ou occidentale, on est fatalement soumis à un stress important. Et je remarque depuis quelques années et particulièrement l’année passée avec la crise du covid qui a accéléré le phénomène, que de de plus en plus de personnes en souffrent. Même presque la totalité en fait, mais à des stades différents.

Donc, pour la prévention, à part dire il faut se déstresser, difficile à dire vu l’origine psychologique des causes. Souvent profondes, il est bien difficile de s’en défaire. La question est donc plus de savoir comment y remédier quand on en souffre.

Quels sont les moyens d’y remédier alors?

Il existe pour cela une technique efficace, à savoir la gouttière. Faite en laboratoire, elle est semi-rigide, ce qui permet à la fois, grâce à sa souplesse, d’être agréable à porter. Et de par sa rigidité, de supporter la puissance exercée par la mâchoire. La seule réserve est de pouvoir supporter le port de cette gouttière. Pour certaines personnes, il est impossible d’avoir un objet en bouche la nuit. Tandis que d’autres, très vite, ne savent même plus dormir sans.

Autre option, mise en oeuvre par un chirurgien plasticien dans ce cas-là, à savoir l’injection de botox dans les masséters (muscle au niveau de la mâchoire qui permet son ouverture et sa fermeture). Ce muscle est trop puissant pour l’usage qu’on en a au quotidien et le botox, qui est en fait une toxine, va permettre de limiter cette puissance. Et par conséquent de permettre à se muscle de se relâcher en partie. Cette technique présente tout de même un inconvénient : cette toxine disparaissant petit à petit disparait, l’injection est à réitérer tous les 6 à 12 mois.

La gouttière elle est beaucoup moins onéreuse (entre 3 et 4 fois) peut durer jusqu’à 4 ans.

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