Chirurgie de l’obésité, et après? Témoignages de 3 Belges passés sous le scalpel

chirurgie de l'obésité
La chirurgie de l'obésité n'est pas une solution miracle - Getty Images

Que faire lorsque l’obésité vous semble être une lutte sans fin ? Eva, Thomas et Eveline ont décidé de recourir à la chirurgie bariatrique, autrement dit, la chirurgie de l’obésité.

Mais attention, contrairement à ce que veut l’imaginaire populaire, qui y voit une « solution de facilité », la chirurgie n’est pas un remède miracle à l’obésité. Au contraire, même: « nul ne peut prédire avec certitude l’impact réel que cette opération aura sur vous ».

L’année dernière, Eveline Jonck (35 ans) a décidé de franchir le pas et de se tourner vers la chirurgie de l’obésité, non sans avoir longuement hésité.

Elle raconte qu’elle a toujours été « grande et grosse ». Adolescente, elle subissait les moqueries de son entourage.

Quelques années plus tard, alors jeune mère célibataire, elle se retrouve à lutter contre les dettes, le chagrin et les mauvaises habitudes alimentaires. «Je n’ai jamais révélé mon poids à personne, mais je suis montée jusqu’à 136 kg. Parfois, je ne mangeais rien de la journée, puis je me gavais de pizzas, de frites ou de chips le soir. J’avais conscience que les choses devaient changer. De temps en temps, je commençais un régime, je perdais du poids, puis je craquais de nouveau et les kilos perdus revenaient en double. J’ai plusieurs fois envisagé de me faire opérer, mais j’appréhendais cette procédure.»

Il y a trois ans, Eveline passait la journée à Plopsaland avec ses enfants quand elle a dû descendre d’une attraction, sous les yeux de toute une file d’attente. La faute à une barrière de sécurité qu’elle ne pouvait pas refermer sur elle. Un déclic qui l’a conduite à discuter avec son médecin traitant et à se rendre au centre de l’obésité de Pelt.

«J’étais prête à entamer un nouveau chapitre de ma vie. Une fois la date fixée, je trépignais d’impatience à l’idée de subir l’opération, qui s’est d’ailleurs déroulée sans encombre. J’en suis ressortie surmotivée et mes kilos se sont envolés… Si vite que mon corps ne l’a pas supporté. J’étais épuisée, physiquement et mentalement, je ne parvenais plus à suivre tous ces changements et je n’arrivais pas à croire que j’étais bien cette femme que je voyais dans le miroir. Avant l’opération, vous devez obligatoirement vous entretenir avec un psychologue afin d’aborder les conséquences de l’intervention, mais nul ne peut prédire avec certitude l’impact réel qu’elle aura sur vous.»

Ce qui l’a le plus choquée, c’est le regard que le monde extérieur porte sur la «nouvelle» Eveline. «À la caisse du supermarché, les autres clients me laissent passer lorsque je n’ai que quelques courses sur moi, ce qui n’arrivait jamais avant mon opération. À la sortie de l’école, les autres parents m’adressent spontanément la parole et je n’ai plus à patienter de longues minutes avant qu’une voiture ne s’arrête au passage piéton. C’est déstabilisant de constater à quel point les gens me traitent différemment.»

Se sent-elle plus belle ? Elle est incapable de se prononcer. «Je ne sais pas si, un jour, je serai capable de le dire. Je me sens surtout mieux, et c’est le principal. Parce qu’une perte de poids rapide entraîne généralement un excédent de peau, j’ai ensuite choisi de subir une abdominoplastie. Cette opération s’est malheureusement accompagnée d’effets secondaires douloureux, mais je ne regrette rien. Le seul regret que je pourrais avoir est celui de ne pas avoir été opérée plus tôt.»

Eva Van Dyck (54 ans) a opté pour la chirurgie bariatrique il y a 12 ans. Malgré de nombreuses complications, elle se réjouit chaque jour de cette décision.

«Obèse». Ce mot a changé sa vie, confie-t-elle. «Un jour, un étudiant de la friterie dans laquelle je travaillais m’a qualifiée ainsi. C’était la première fois qu’on me l’a dit en face. Je l’ai mal pris, mais il avait raison.»

Quelques mois plus tard, Eva était sur la table d’opération. «Pendant des années, j’ai essayé de perdre du poids, seule ou avec l’aide de diététiciens, mais je retombais systématiquement dans mes mauvaises habitudes. Mon rapport à l’alimentation a toujours été faussé. J’ai d’abord grandi dans une grande privation, puis, à l’âge de 10 ans, j’ai été adoptée par un couple qui vouait un véritable culte à la nourriture. L’enfant maigre que j’étais est rapidement devenue une jeune femme obèse. Plus tard, mes problèmes conjugaux et le stress n’ont fait qu’aggraver mes troubles alimentaires.»

Après la procédure, tout s’est bien passé. Ce n’est qu’un an plus tard que les problèmes ont commencé. «Ils ont découvert que l’opération avait été mal exécutée, il y avait une fuite. J’ai passé deux ans à l’hôpital à lutter contre toutes les complications possibles et imaginables. J’étais, par moments, incapable de manger ou de boire. Mon mari, que je venais de rencontrer à l’époque, en rit encore parfois, mais il ne m’a pratiquement que connue malade pendant cette période.»

Aujourd’hui, Eva est une femme en forme et en bonne santé, mais elle ne se fait pas d’illusions : son rapport à la nourriture ne sera jamais simple. «Cette opération est un coup de pouce, pas un remède miracle et le risque de prendre du poids demeure. C’est pourquoi je suis très stricte avec moi-même, je me tiens notamment à l’écart des graisses et du sucre. Au début, j’ai eu l’impression de faire des sacrifices, mais aujourd’hui, cela me demande peu d’efforts. J’ai déjà eu des épisodes de dumpings (effet secondaire du bypass qui survient lorsque les aliments se déplacent trop rapidement de l’estomac à l’intestin, NDLR) parce que je refusais de faire l’impasse sur le dessert. Je garde des souvenirs affreux des heures que j’ai passé à me tortiller de douleur sur le canapé et à ressentir des palpitations.»

Elle souligne l’importance de consacrer du temps et des efforts à l’achat de bons produits, à l’examen de leur composition et à la préparation de plats maison. «On m’avait prévenue, mais je n’imaginais pas que le changement serait aussi radical. J’ai gravement sous-estimé les conséquences de l’opération, mais je ne regrette rien. Je peux désormais me rendre au travail à vélo et promener mon chien sur des kilomètres : des activités qui m’étaient inaccessibles avant. J’ai retrouvé la joie de vivre et je suis moins irritable. À ceux qui doutent encore, je ne peux dire qu’une chose : si vous pouvez vous faire opérer, foncez ! Ne vous refusez pas cette seconde vie !»

Pour Thomas Van de Voorde (31 ans), la chirurgie a marqué la fin d’une longue lutte contre l’obésité.

Les personnes qui le rencontrent pour la première fois aujourd’hui auront du mal à le croire, mais Thomas pesait autrefois 125 kilos. «Je le répète souvent, mais j’ai eu de la chance. J’ai eu très peu d’excès de peau suite à l’opération, car les graisses étaient réparties de manière relativement uniforme sur mon corps. Tout le monde me dit que je suis beau, et peu à peu, je commence moi-même à le croire. Récemment, j’ai pris mes mensurations pour mon costume de mariage, c’est la première fois que j’ai osé me qualifier de mince.»

Pour lui, cette opération représente un choix drastique mais réfléchi. Son médecin généraliste a tout de suite compris sa volonté d’être dirigé vers un centre de traitement de l’obésité. C’était il y a maintenant un an et demi. «Elle m’a vu lutter contre les kilos pendant des années. Personne n’est obèse dans ma famille, mais ma mère a toujours été très préoccupée par son poids. Je me souviens d’un après-midi au zoo, à l’âge de 8 ans, où j’avais choisi une glace à l’eau plutôt qu’une crème glacée, car je la savais plus faible en calories. Quel enfant se préoccupe de ce genre de choses ? Dès l’adolescence, j’ai été victime de l’effet yo-yo. Je perdais parfois du poids, jusqu’à septante kilos, puis j’en reprenais trente. Je ne me nourrissais pas forcément mal, je n’enchaînais pas non plus les fast-food, j’appréciais simplement le fait de manger, et en grande quantité. J’étais en quelque sorte dépendent à la nourriture, une addiction difficile à gérer, car contrairement au tabac ou à la drogue, il est impossible de s’en sevrer complètement .»

Cette chirurgie l’a aidé à maîtriser son poids. «Je ressens rarement la faim, parfois, je dois même me rappeler de manger. Je m’autorise à consommer n’importe quel aliment, pourvu que ce soit en petite quantité. C’est pourquoi, je me sers habituellement dans une petite assiette. Il m’arrive encore de faire des écarts, mais je ne dépasse jamais mes limites. Une dizaine de chips, un morceau de chocolat et je m’arrête.»

Il pratique à nouveau la marche et la natation, se sent moins fatigué et dort beaucoup mieux. «Je souffrais d’une apnée du sommeil sévère et je ronflais énormément, ce qui est fréquent chez les personnes en surpoids. Depuis mon opération, mes nuits se passent mieux, et ce à tous les niveaux. (rires). Mon partenaire ne s’est jamais vraiment soucié de mon poids, mais il m’a toujours soutenu dans mes choix. Cela fait maintenant un an que je me suis fait opérer, et mon parcours est exemplaire, mais je sais qu’à long terme, certaines personnes reprennent du poids. Il est facile de se laisser tenter par des portions de plus en plus grandes pour finalement retomber dans ses anciennes habitudes alimentaires. C’est pourquoi je tiens à être suivi de très près au centre de l’obésité. Je ne veux pas suivre ce schéma. »

La chirurgie de l’obésité: un coup de pouce, pas un remède miracle

Les chiffres ne mentent pas : le surpoids et l’obésité prennent de l’ampleur dans notre pays, comme presque partout ailleurs dans le monde. Selon l’Enquête nationale de santé menée en 2018 par l’Institut scientifique de la Santé publique, en Belgique, près d’un adulte sur deux serait en surpoids (49,3%) tandis que 15% de la population souffriraient même d’obésité. Cette évolution va de paire avec une augmentation du nombre d’opérations de l’estomac. Environ un Belge sur cent a déjà subi une chirurgie bariatrique.

En quoi consiste exactement une telle opération ?

Le Dr Bruno Dillemans, chef du Centre pour la chirurgie de l’obésité à l’AZ Sint-Jan à Bruges et président de la BeSOMS (section belge de la chirurgie de l’obésité et métabolique) explique : «En Belgique, le bypass gastrique est la technique la plus populaire pour le traitement de l’obésité. L’opération consiste à diminuer le calibre de l’estomac grâce à des agrafes, et à dériver les aliments afin que ceux-ci ne passent plus par cet organe. Le tout permet de réduire considérablement la sensation de faim et limite l’absorption des graisses et des sucres chez le patient. D’autres chirurgies constituent des solutions à l’obésité. La sleeve gastrique est une intervention en trou de serrure qui vise à détruire une grande partie de l’estomac et à faire chuter le taux de ghréline, l’hormone qui stimule l’appétit. Ses effets sont similaires à ceux produits par le bypass. Actuellement, la sleeve gastrique est la chirurgie bariatrique la plus pratiquée dans le monde, mais chez les patients déjà âgés, très lourds et diabétiques, le bypass gastrique offre de meilleurs résultats. »

La chirurgie gastrique est-elle sûre ?

« Toute intervention chirurgicale comporte des risques, mais l’avènement de la chirurgie en trou de serrure les a considérablement réduits. Non seulement, les spécialistes de l’obésité accumulent de l’expérience, mais les avancées en matière de chirurgie permettent aussi de réduire les effets indésirables dus à l’opération. Certains patients peuvent, par la suite, rencontrer des difficultés à digérer certains aliments, mais la majorité d’entre-eux continue à se nourrir tout à fait normalement. Il reste néanmoins important de se contenter de petites portions. Après un bypass, évitez autant que possible les sucres rapides si vous ne voulez pas souffrir de dumpings (syndrome qui peut se manifester par des nausées, des diarrhées et des malaises). Il est préférable d’adapter certaines habitudes alimentaires et de consommation et de les conserver à vie pour éviter les problèmes. »

La chirurgie gastrique est de moins en moins tabou, mais souvent encore, elle est encore considérée comme une solution de facilité pour lutter contre l’obésité.

« Je trouve presque scandaleux que cette idée soit toujours d’actualité, car elle est totalement erronée. L’obésité est un problème multifactoriel complexe, influencé non seulement par l’alimentation, mais également par des prédispositions génétiques et par l’environnement. Pour les enfants nés de parents obèses, la lutte contre le surpoids peut s’avérer difficile. La plupart des patients qui cherchent de l’aide ont souvent une vie de régimes yo-yo derrière eux. Leur obésité est pour ainsi dire « incurable ». Pour beaucoup, la chirurgie représente leur unique chance de prolonger leur espérance de vie et d’améliorer leur état de santé. En perdant du poids, ils réduisent également leur risque de décès lié au diabète, au cancer ou aux maladies cardiovasculaires. »

Que peut-on attendre de médicaments tels qu’Ozempic dans le traitement de l’obésité ?

« Les traitements médicamenteux sont en pleine évolution. Un médicament comme l’Ozempic inhibe l’appétit, ce qui favorise la perte de poids. La méthode semble convaincante, mais nous devons rester critiques. L’Ozempic provoque des effets secondaires tels que des troubles gastro-intestinaux et on ignore encore beaucoup de ses conséquences à long terme. Une choses est déjà sûre : à l’arrêt du traitement, la reprise de poids est presque toujours totale. Alors, est-il vraiment envisageable de prescrire un médicament à vie à un patient obèse âgé de seulement 20 ans ? Il est clair qu’il ne s’agit pas encore d’une solution de traitement durable. »

Texte: Lien Lammar / Photos: Siska Vandecasteele

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