Edgar Kosma

Chronique d’un éthylisme annoncé

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Au royaume des réseaux sociaux, les jours passent et ne se ressemblent pas. Entre les buzz et les likes, le vrai et le fake, Edgar Kosma scrolle le fil d’actu d’un siècle décidément étrange. Hashtag sans filtre.

Si je faisais partie des privilégiés à qui l’on demande leur top 3 de l’année, je répondrais sans hésiter: la guerre en Ukraine et sa corollaire crise mondiale de l’énergie, l’été caniculaire en Europe et l’extrême sécheresse dans nos contrées autrefois réputées pour leur pluviosité, et enfin la Coupe du monde au Qatar jouée dans huit stades-cimetières climatisés construits sur un désert moins vaste que la Wallonie.

Nul besoin de vous faire un dessin: si 2021 n’était déjà pas des plus joyeuses, avec la fin de la pandémie et les inondations meurtrières, 2022 augmente encore le niveau d’un cran. N’est-ce d’ailleurs pas inquiétant que chaque année semble pire que la précédente? Vous me direz peut-être qu’on s’habitue au pire, certes, mais il faudrait quand même que l’escalade s’arrête un jour, sinon la chute risque d’être brutale.

Comme dirait mon tonton, entre une gorgée de crémant et une saucisse Zwan: «L’avenir, c’est bien, mais il ne faudrait pas non plus qu’il nous fasse oublier l’ici et maintenant.» An de grâce 2022, dernière ligne droite avant la fin. Et qui dit «fin» ne dit pas toujours «fin du monde» mais parfois tout simplement «fin d’année». Comme chaque année depuis que les jours, les semaines et les mois existent, l’humanité s’apprête à fêter dans la plus pure tradition la naissance d’un fils à papa chevelu dont personne ne sait s’il est né en 0 ou en -6 avant l’année de sa propre naissance. Vu l’approximation de cette histoire, j’ai du mal à croire qu’il soit justement né le soir de Noël, et je me dis que ça ferait quand même beaucoup de coïncidences pour un seul homme.

Entre un gin-tonic et un gin-avatar, les mammifères névrosés que nous sommes ont vite choisi.

Je ne sais pas comment Noël a réussi à s’imposer comme la fête number one du calendrier grégorien, mais il est sûr que celui qui voudrait boycotter cette fête perçue comme «trop commerciale» passerait pour un sacré rabat-joie aux yeux de ses proches dont certains préparent leurs meilleures blagues depuis septembre. Dans la plupart des foyers occidentaux et quelle que soit la classe sociale, le plaisir de se retrouver sera galvanisé par l’absorption massive d’alcool. Car c’est comme ça que nous célébrons les grandes occasions: en buvant plutôt que d’aller à la messe et en priant notre mère au moment du coucher pour que le lendemain de veille soit clément avec notre crâne.

Tel un pèlerin du XXIe siècle, je le rabâche souvent dans ces pages: la plupart des secteurs de la société ont été digitalisés ou sont en passe de l’être. Tous? Non, le secteur de l’alcool résiste encore et toujours à l’envahisseur. La cigarette a bien son pendant électronique, mais le business de l’ivresse, lui, n’a pas tellement évolué: on boit aujourd’hui comme on le fait depuis des siècles, et les lendemains de veille existent depuis qu’il y a des jours qui succèdent aux précédents.

Mais vu les métamorphoses sociétales que nous connaissons, qui sait si l’alcool ne sera pas le prochain digitalisé de la liste? A quoi ça pourrait ressembler, d’ailleurs? Une expérience sensorielle avec un casque de réalité virtuelle? Une puce dans le cerveau qui désactiverait notre inhibition à la demande? Un liquide biotechnologique qui reproduirait les effets joyeux sans les dégâts collatéraux? Il est grisant d’écrire des scénarios d’anticipation, mais quand on constate le peu d’engouement pour le Métavers, malgré les milliards investis, j’ai l’impression que l’industrie de l’alcool n’a, pour le moment, pas trop de souci à se faire. Car entre un gin-tonic et un gin-avatar, les mammifères névrosés que nous sommes ont vite choisi, même si la gueule de bois est à coup sûr au rendez-vous.

Je me trompe souvent dans mes pronostics, mais si je devais tenter un coup pour 2023, je dirais qu’il y a plus de probabilités que nous passions les fêtes de fin d’année 2023 dans le jardin avec 20 degrés que dans une réalité virtuelle. Ceci étant posé, «Noyeux Joël», comme dirait mon tonton Gaston, à son énième coupe de crémant. Et n’oubliez pas que l’avenir passera par la sobriété. Ou ne sera pas.

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