Féministe et engagée | Géraldine Doignon: « Le plus grave, c’est qu’on ferme la porte à presque tous les récits de femmes » (2/8)

Aurélie Wehrlin Journaliste

Cette réalisatrice et professeur à l’IAD transpire la passion du cinéma, celle de raconter les gens. Et depuis cinq ans, de rendre ce milieu plus juste pour les femmes, qui n’ont toujours pas leur place sur la photo. Une place pourtant légitime, dans la lumière et en sécurité.

« Ça a été un véritable choc pour moi. » Il aura suffi d’une photo, en juin 2017, pour que Géraldine Doignon se mobilise pour plus d’égalité dans le monde du cinéma. Un cliché qui rassemblait pour les 50 ans du cinéma belge ses représentants, soit 41 hommes et… 6 femmes.

Le fameux cliché des 50 ans du cinéma belge à l’origine de l’engagement de Géraldine

Cette violence symbolique, elle ne l’avait pas vue venir, n’ayant jamais été confrontée au sexisme de son milieu. « Avant cela, je travaillais dans mon coin, l’envie de faire des films et la volonté farouche d’y arriver chevillées au corps », dit-elle. Indignée, elle se coordonne avec d’autres réalisatrices belges et elles publient leur propre photo de famille ainsi qu’une tribune, « un droit de réponse qu’on s’est octroyé pour que ne soient pas oubliées celles qu’ils n’avaient pas voulu mettre en lumière (….) L’idée était vraiment de dire : on ne veut plus de cette situation. »

Miser sur le collectif

Depuis, elle joue collectif, avec pour objectif de sécuriser son monde professionnel et faire tomber les obstacles. « Trop de femmes quittent ce milieu pour se protéger. Parce que ce milieu est sexiste et les conditions de tournage fragilisent les femmes et augmentent les facteurs de risques. Aussi parce que la maternité donne un sérieux coup de frein aux carrières. Les films de femmes trouvent aussi moins facilement de producteurs, de diffuseurs », dénonce Géraldine. Qui confie comme ambition « de mettre en place une sorte de code de la route, un cadre, qui établirait ce qui est acceptable – ou pas – sur le lieu de travail. Et de cette manière, évacuer les abus ».

« On est parvenues à se rendre indispensables. Et désormais, on ne peut plus nous ignorer. »

géraldine doignon

Formations, études, statistiques : tels sont les chantiers qu’elle coordonne avec ses pairs avec Elles Font Des Films, en y consacrant en moyenne une journée par semaine. Pas rien quand on est mère de deux enfants, également investie dans leur école pour former au regard critique. Mais ce combat est aussi devenu source d’inspiration : « Toutes ces histoires sur des situations qu’on ne dit pas ou trop peu sont devenues le terreau de mes propres projets cinématographiques. » Car finalement, « le plus grave, c’est qu’on ferme la porte à presque tous les récits de femmes ». Et de pointer un manque cruel de diversité dans le monde du cinéma, peu représentatif de la société, ni même des écoles d’art.

Même si elle se réjouit du chemin parcouru, des collaborations avec les ASBL, du soutien des pouvoirs publics, mais aussi des acteurs privés. « On est parvenues à se rendre indispensables. Et désormais, on ne peut plus nous ignorer. » Et, même si la route est encore longue, elle se félicite du bilan : le monde du cinéma est en train de changer et cette grande famille de s’affranchir de ses démons.

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