Edgar Kosma

Google me if you can: « Plus la matrice en sait sur nous, plus nos résultats sont ciblés, précis et subjectifs »

Edgar Kosma linktr.ee/edgarkosma

Au royaume des réseaux sociaux, les jours passent et ne se ressemblent pas. Entre les buzz et les likes, le vrai et le fake, Edgar Kosma scrolle le fil d’actu d’un siècle décidément étrange. Hashtag sans filtre.

Une légende digitale raconte que si vous googlez « Google » dans votre barre de recherche, cela crée un méta-bug aux conséquences insoupçonnables. Téméraire comme un geek en télétravail, j’ai testé pour vous. Pas de panique: je n’ai pas été téléporté dans une salle obscure du métavers. En revanche, cette petite expérience m’a permis de découvrir que cette opération génère pas moins de 4 900 000 000 résultats trouvés – excusez du peu – en 0,55 seconde.

Je ne vous apprends pas grand-chose: le verbe « googler » ne signifie rien d’autre que « faire une recherche sur Google ». Mais au fil du temps, son sens ne s’est-il pas réduit pour simplement signifier « rechercher »? Pour le demander autrement: existe-t-il encore un autre biais par lequel nous recherchons une info? La question est dans la réponse: tout se cherche et se trouve via Google et, à l’inverse, plus rien ne se cherche ni ne se trouve ailleurs. La matrice, cannibale, a englobé tous ses rivaux.

Question à 50 francs belges, dès lors: comment faisions-nous avant? Passions-nous nos journées dans les encyclopédies? Ou allions-nous poser nos questions à un bibliothécaire? Peu probable, car quand on voit les milliards de requêtes quotidiennes sur Google, il aurait fallu qu’un être humain sur deux fasse le job pour avoir le même rendement. Peut-être nous posions-nous moins de questions? Avoir sous la main et sans limite un outil qui répond à tout ne stimule-t-il pas notre envie de savoir des choses? Google n’a pas juste remplacé les anciens catalogues d’information mais a aussi créé des nouvelles réponses à des questions qui n’existaient pas. A l’aube du siècle dernier, on pouvait par exemple trouver aisément la capitale de la Slovénie ou le téléphone d’un resto mais nulle part on ne pouvait tomber sur le métier de la mère de Justin Bieber ou la réponse à « Les pingouins ont-ils des genoux? »

‘En ru0026#xE9;alitu0026#xE9;, il ne sait rien de plus que ce que nous savons collectivement.’

Allons plus loin avec, cette fois, une question à 5 euros: existe-t-il une question qui n’ait pas de réponse sur Google? Toujours à votre service, je google cela et… 19 700 000 de résultats trouvés en 0,62 seconde! Mais attention, ce n’est pas parce que Google a beaucoup de réponses à tout qu’il est infaillible. N’est pas l’Oracle qui veut et, en réalité, Google ne sait – rien de plus, rien de moins – que ce que nous savons collectivement. Il se fait juste que nous sommes très nombreux à l’alimenter et qu’il est très habile à tout digérer.

Dans le rayon des questions auxquelles la star des moteurs de recherche a du mal à donner une réponse univoque, il y a celles qui se posent dans des termes obscurs ou trop abstraits pour l’Intelligence Artificielle. Lors d’une nouvelle recherche, je tombe sur un article de Topito qui donne cet exemple: « A quoi correspond cette sensation bizarre d’être tout petit à l’intérieur avec des mains et des bras géants quand on s’endort? » Il est certain que Google aura plus de mal à apporter une réponse satisfaisante à ce genre d’interrogation qu’à vous donner la météo en Sibérie ou la recette du mochi. Autre rayon: celui des questions embarrassantes pour Google – qui est, ne l’oublions pas, une entreprise privée active dans presque tous les pays du monde – où l’on trouve, par exemple, ceci: « La Crimée est-elle russe ou ukrainienne? » On obtient là une réponse différente selon le côté de l’Oural où l’on se trouve, dans la mesure où Google Maps ne situe pas les frontières russes au même endroit.

Conclusion: pour le fantasme de la vérité objective, on repassera. Les résultats de recherche sont influencés selon notre région, notre historique de recherche et toutes les data que Google possède à notre égard. Et plus la matrice en sait sur nous, plus nos résultats sont ciblés, précis et subjectifs. Mais après tout, si Google peut être contradictoire, relatif, orienté, ambigu, n’est-ce pas ce qui nous le rend si humain et pourquoi nous ne pouvons passer une journée sans lui? La question est posée et, pour être sincère avec vous, je n’ai aucun résultat de réponse à vous donner.

Edgar Kosma: linktr.ee/edgarkosma

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