Fan des années 80 | Dix objets culte à retenir de cette décennie qui revient en force

Voici 10 choses que les moins de 40 ans n'ont jamais connues © GETTY IMAGES
Antoine Moreno Journaliste

Les eighties ont encore et toujours la cote. Et on se demande parfois pourquoi! Les Arts Décoratifs, à Paris, reviennent sur cette décennie et ce qu’elle nous a amené, hormis son goût contestable pour le legging et la coupe mulet. Mise en appétit avec ces 10 objets que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître.

A la question «Pourquoi les années 80 connaissent-elles un retour en force?», marqué aux dernières nouvelles par la redécouverte de la chanteuse Kate Bush grâce à la série Stranger Things sur Netflix, on n’est pas sûr que le Musée des Arts Décoratifs, qui déploie à Paris une vaste rétrospective sur le sujet à partir du 13 octobre, apporte de réponse précise.

L’exposition, qui se concentre exclusivement sur ce qui s’est passé en France, est en revanche un précieux retour aux sources de la mode, du design ou du graphisme secoués par une volonté de «changer la vie» comme le promettait un slogan présidentiel.

Une référence au pouvoir qui n’est pas fortuite puisque c’est au moment de l’investiture de François Mitterrand en 1981 que le rayonnement de l’art de vivre à la française est savamment planifié. Le soutien étatique prend alors les formes les plus variées, de la mise sur pied d’un organisme pour la valorisation de l’innovation dans l’ameublement (VIA) aux fameux Grands Travaux qui vont engloutir des milliards et donner naissance à la Pyramide du Louvre ou à l’Institut du Monde Arabe conçu par Jean Nouvel.

La dynamique, heureusement, n’est pas que le fait de circulaires émanant du ministère de la Culture. En dehors des ors de la République, le bouillonnement est manifeste, contagieux même. On peut citer dans le désordre l’apparition de Canal + qui bouleverse la télé de papa, l’esthétique des photos de Pierre et Gilles, les corsets de Jean Paul Gautier, la musique de Rita Mitsouko ou l’essor du clip qui connaît à l’égal de la publicité un véritable âge d’or.

Bref, le foisonnement est indiscutable. Le tourbillon ne se limite pas à l’Hexagone puisque, à Madrid, New York, Milan ou Bruxelles, on fait bouger les lignes avec autant, sinon plus, de ferveur. Les années 80 se sont beaucoup agitées. Pour le meilleur et pour le pire. Mais avec le recul, c’est le propre de la nostalgie, on leur pardonne (presque) tout. Retour sur 10 apparitions clés de la décennie.

Années 80. Mode, design, graphisme en France, musée des Arts Décoratifs,à 75001 Paris,

Du 13 octobre au 16 avril 2023.

Les 10 choses qu’on a aimé et qu’on n’est pas prêt d’oublier

1.La raquette de Borg

5 juillet 1980, la finale de Wimbledon oppose le Suédois Björn Borg à John McEnroe. Un match de légende considéré comme un sommet tennistique. Au terme de 3 h 53 d’affrontement, le Scandinave remporte la victoire. C’est aussi le sacre de Donnay, la (défunte) marque belge de raquettes fabriquées à Couvin et sponsor officiel du vainqueur. Le modèle utilisé par le champion est un tank de 400 grammes qui s’avère très lourd à manœuvrer. Tout s’explique: la raquette est intégralement en bois, comme toute la production d’alors. Et on est en droit d’aimer ça. Car c’est beau le bois. Ça sent bon la sciure, le coup de rabot, la force tranquille de l’établi. Du brut, du solide, du palpable. Aujourd’hui, à l’ère de la totale dématérialisation, forcément, la «Borg Pro» ça émeut.

2. Le baladeur cassette

Les moins de 40 ans n’ont pas idée de ce que fut l’avènement du Walkman. Un exploit insensé, un sentiment de légèreté inédit, une preuve concrète que l’an 2000 était déjà là, à nos portes. Rien de moins. Car avant que Sony ne se lance sur le marché du baladeur cassette, en 1979, il était impossible d’écouter de la musique hors de chez soi, à moins d’avoir les épaules assez solides pour emporter dans la rue un ghetto-blaster et son budget démentiel de piles AA. Le rayonnement du Walkman fut tel que le fabricant nippon déclina son invention sur tous les tons, dont un curieux modèle avant-gardiste, sorti en 1986, avec panneau solaire intégré. L’an 2000, on vous dit…

3. Le style Memphis

Voilà une pièce en forme de bec de canard dont le chromatisme ferait passer la garde-robe de feu la reine d’Angleterre pour un dressing amish. La lampe Tahiti (1980) a été dessinée par Ettore Sottsass (1917-2007). On peut parler de risque majeur pour la cornée devant cette juxtaposition criarde de rose, de jaune et de marron couronnée par un piètement moucheté qui rappelle les pires tables en Formica. C’est que le groupe Memphis, fondé par Sottsass la même année et dissous en 1988, est un antidote au minimalisme. Et c’est là sa grandeur. Ce groupe, constitué d’une quinzaine de designers et architectes, revendique l’usage des formes élémentaires – cercle, triangle, rectangle – que l’on retrouve dans l’architecture postmoderniste. La bande refuse le recours unique aux matériaux dits nobles pour lui préférer le plastique ou les stratifiés, parfois combinés au marbre ou à la céramique dans un esprit de provocation. Kitsch? Peut-être. Poétique? Assurément.

4. La montre pop

L’idée lui est venue des modèles à quartz bon marché asiatiques qui dominent alors le marché européen. Nicolas George Hayek, un redoutable homme d’affaires spécialisé dans le conseil, se met en tête de produire une montre accessible à tous mais − et c’est l’idée géniale du bonhomme − associée au légendaire savoir-faire helvétique en matière d’horlogerie. La Swatch, contraction des mots anglais «Suisse» et «montre», est lancée en 1983 au prix de 50 francs suisses. Déclinée en d’innombrables collections, la petite tocante en plastique devient un accessoire de mode pop, ludique et sans prétention. S’il fallait n’en retenir qu’une? La très bariolée Sir Swatch qui date de 1986, récemment rééditée par la firme. Il n’y a pas que la suite de Top Gun pour entretenir la petite flamme…

5. Le phénomène Nintendo

Le monde d’avant c’était les jeux vidéo d’arcade qui colonisent les centres commerciaux. Une aubaine car à défaut de posséder son propre matériel informatique – une utopie en 1980! –, on glisse quelques pièces dans un monolithe pour s’adonner aux joies éphémères de Pac Man. Et puis vint la première console de jeu portable conçue par Nintendo, la Game & Watch, équipée pour l’occasion du jeu Donkey Kong. Pour être sûr que le gamer ne soit pas paumé, le constructeur prend soin d’imprimer en toutes lettres sur le boîtier le mot «controller» sous la croix directionnelle et «jump» à côté du bouton-pressoir. Edifiant.

6. L’exotisme au bout du goulot

Le Spritz n’était pas né quand le Malibu a débarqué. C’était avant que Tom Cruise ne joue les bartenders (Cocktail, 1988) et que Mitch Buchannon ne sévisse sur le petit écran en 4/3 et bermuda rouge (Alerte à Malibu, 1989). Alors à quoi faut-il attribuer la percée fulgurante, dès le début des années 80, de cette marque de rhum au goût noix de coco? Probablement au triomphe concomitant de la Piña Colada, cet infâme cocktail parfumé comme un lait après-soleil, chéri par Tony Montana (Al Pacino dans Scarface, 1983), plus cruel qu’un baptême étudiant ou qu’une pizza hawaïenne. Et pourtant… Dans les rayonnages des supermarchés, on se rue sur le curaçao bleu de Marie Brizard et le bain moussant Obao senteur monoï est en rupture de stock. Les «eighties» ont un goût de paradis, artificiel.

7. La bouilloire oiseau

Michael Graves, disparu en 2015, était un homme a priori tout ce qu’il y a de plus sérieux. Enseignant en architecture à Princeton, on lui doit musées et gratte-ciel dans les grandes villes américaines. Mais il faut croire qu’un autre «moi» sommeillait en lui. En 1986, il convainc Alessi de produire sa bouilloire en Inox dotée d’un sifflet en forme d’oiseau qui se met à chanter quand l’eau arrive à ébullition. Et c’est là que, nous, on déchante, car en devenant un best-seller, le remix du samovar ouvre la voie au design régressif des années 90 peuplées d’objets de table grimaçants qui se croient obligés d’être drôles. D’où la nostalgie qui nous étreint devant le clin d’œil finalement très subtil de Graves…

8. L’univers United Colors of Goude

Le bicentenaire de la Révolution française est un événement colossal, qui réunit près d’un milliard de téléspectateurs, un score à faire pâlir la famille Kardashian! Le gouvernement de Mitterrand en profite pour inaugurer l’Opéra Bastille et redorer son image. Le 14 juillet 1989, un million de badauds assistent en direct sur les Champs-Elysées à la féerie universaliste de Jean-Paul Goude. Le Français a peaufiné dans les moindres détails sa «grande parade des tribus planétaires». L’imagination débridée du publicitaire qui gravite autour du métissage des cultures et des populations est un joyeux maelström. Mais son «emploi tendre des stéréotypes», comme il dit, ne manque pas de faire (discrètement) débat au lendemain des festivités. Comme ce passage, impensable aujourd’hui, où 450 soldats africains défilent en costume colonial. So far, so Goude.

9. L’affiche de Act Up

La décennie n’a pas été que fun. C’est en 1987, dans les rues de Manhattan, que l’affiche apparaît pour la première fois. L’accroche intrigue. Deux mots martelés en lettres blanches sur fond noir et un triangle rose. Les plus érudits saisissent la référence au Rosa Winkel, le funeste sigle qui identifiait les homosexuels dans les camps de concentration nazis. Le coup de poing graphique est double: dénoncer l’inaction de la société face aux ravages du SIDA, refuser la stigmatisation de la communauté gay accusée de semer la mort. Quelques semaines après l’apparition sauvage de ce brillant coup de com’, Larry Kramer fonde à New York l’association Act Up (Aids Coalition to Unleash Power) qui va s’avérer décisive dans la lutte contre les ravages du VIH.

10. La chaise longue Pi

On prétend qu’elle est à l’origine de nombreuses visites chez le kiné. On ne va pas se mentir: la chaise longue Pi (1983), c’est l’exact contraire des créations moelleuses de Pierre Paulin qui symbolisaient le confort marshmallow des années 70. On la doit à Martin Szekely, l’anti Philippe Starck. Accueillant comme la table de négociations de Vladimir Poutine, le meuble tourne le dos aux tons pastel en vogue. Derrière l’esthétique, c’est aussi une nouvelle logique marchande car la pièce est éditée à quelques exemplaires dans le but de séduire la jeune génération de collectionneurs d’art contemporain. Un véritable tournant dans l’histoire du design.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content