Au travail, les vacances des uns sont la pénitence des autres
Que l’on soit juillettiste ou aoûtien, on le sait, l’été est une drôle de période au bureau, à la fois plutôt calme et passablement éreintante. C’est qu’au travail, les vacances des uns ne sont pas de tout repos pour les autres. Au contraire, même.
Et s’il ne vous a pas fallu d’étude sur le sujet pour constater que quand vos collègues profitent d’un peu de repos bien mérité, votre liste de tâches, elle, semble soudain insurmontable, le fait est que votre ressenti est étayé par des chiffres. Des analystes du bureau de gestion du temps et du personnel Protime se sont en effet intéressés à la question et ont interrogés un panel de 1.000 employés belges francophones.
Verdict? « Si on considère souvent les mois d’été comme une période plus calme au niveau du travail, tous ne le ressentent pas ainsi. Pire: quand leurs collègues profitent de leurs vacances, 4 Belges sur 10 ressentent une charge de travail supplémentaire » révèle Protime, qui pointe que « pour 11% d’entre eux, elle est même beaucoup plus importante ». Ce qui, sans véritable surprise, se traduit pour 41% de nos compatriotes par un stress accru durant les vacances de leurs collègues.
Pas de repos pour les femmes
Pas vraiment surprenant non plus, au vu des nombreuses études relatives à la répartition inégale de la charge mentale, les femmes sont plus susceptibles d’éponger le surplus de travail et de stress. Elles sont ainsi 43%, contre 37% de leurs homologues masculins, à confier avoir « beaucoup plus à faire » durant les congés de leurs collègues.
Un déséquilibre que Lode Godderis, professeur de médecine du travail à la KU Leuven, explique notamment par les responsabilités invisibles que les femmes assument souvent au travail. Ainsi qu’il l’explique en commentaire de l’étude de Protime, ces dernières sont en effet plus souvent sollicitées pour prendre en charge des tâches administratives (l’organisation de réunions, par exemple) même si celles-ci ne figurent pas explicitement dans la description de leur poste, ni même les tâches que celui-ci implique.
« En outre, on attend souvent d’elles, de façon implicite, qu’elles restent disponibles pour soutenir et accompagner leurs collègues, avance encore Lode Godderis, ce qui demande du temps et de l’énergie supplémentaires. Ces attentes subtiles, mais omniprésentes, peuvent accroître la charge de travail, en particulier pendant les périodes de congé quand le volume de travail est déjà plus important ».
Gare à bien passer le témoin
La solution pour éviter que le repos des uns ne signifie l’épuisement des autres? L’enquête montre qu’un bon passage de témoin – qui passe par un briefing complet avant chaque départ en vacances – contribue à limiter le stress de ceux qui restent au bureau. C’est qu’en 2e place des sources de stress principales lors des vacances des collègues, on retrouve en effet la reprise de dossiers que l’on ne maîtrise pas suffisamment, la raison primaire étant « les collègues qui partent en vacances en même temps, ce qui entraîne une charge de travail plus élevée », tandis que 16% des personnes interrogées pointent également « l’absence totale de « passage de témoin » avant le départ en vacances d’un collègue ». D’où l’importance du briefing pré-activation des réponses automatiques aux mails, donc.
Ceci étant, « à la question de savoir s’ils reprennent facilement les tâches de leurs collègues quand ceux-ci sont en congé, pas moins de 84% des répondants indiquent le faire sans problème. Seuls 12% s’y refusent parce qu’ils sont eux-mêmes trop occupés et, dans 4% des cas, parce que leurs collègues ne le font pas non plus pour eux » pointe-t-on du côté de chez Protime.
Et Lode Godderis de souligner pour sa part l’importance « de créer un environnement de travail favorable qui permette aux employés de convenir clairement sur ce qui doit et ce qui ne doit pas être fait pendant leurs vacances. Il faut se fixer des priorités: est-ce vraiment urgent ou cela peut-il attendre votre retour?” Même si, à trop opter pour la seconde option, on court évidemment le risque de voir les bénéfices de ses vacances balayés dès le retour au boulot…
Vacances plus courtes et plaisir pour tous
Et si une piste bénéficiaire tant pour ceux qui partent que pour ceux qui restent était tout simplement de partir moins longtemps, afin de limiter la quantité de tâches (et de mails) en suspens?
Dans une enquête menée en collaboration avec la professeure Anja Van den Broeck, experte en motivation au travail à la KU Leuven, le prestataire de services RH Tempo-Team s’est intéressé à la durée des congés de nos compatriotes. Et si quatre Belges sur dix (39,9%) prennent au moins trois semaines de congé d’affilée, il ressort toutefois de leur analyse que plusieurs congés courts valent mieux qu’un long.
En effet, alors qu’une personne interrogée sur cinq (20,9%) ne réussit pas à partir en vacances l’esprit serein parce qu’elle constate que le travail ne fait que s’accumuler en son absence, « les personnes qui prennent plusieurs petits ‘breaks’ partent en congé en étant plus détendues que leurs collègues qui privilégient une seule longue période de vacances durant l’été. Il reste moins de dossiers ouverts, elles ont encore de belles perspectives de congé et, à leur retour au bureau, y trouvent moins de travail” explique Anja Van den Broeck.
Et cette approche des vacances serait également bénéfique à celles et ceux qui restent au bureau. « En ayant profité de congés, nous revenons au travail avec davantage de créativité et de plaisir. La condition, c’est une bonne collaboration avec des collègues qui s’entraident. Elle facilite une prise en charge des dossiers des vacanciers, ce qui permet à ces derniers de partir en congé l’esprit serein et de réellement profiter de leur break” déclare Sébastien Cosentino, porte-parole de Tempo-Team.
« Pour ceux qui prennent plusieurs congés de plus courte durée, le travail est mieux suivi par leurs collègues (72%) que pour ceux qui prennent au moins trois semaines de vacances consécutives (68%). À leur retour, ‘seuls’ 46% d’entre eux sont confrontés à une charge de travail élevée contre 52% chez ceux qui cumulent leurs jours de détente pour une seule longue période de vacances » révèlent encore les données recueillies par le prestataire de services. De quoi envisager différemment votre prochaine période de pause?
“Croire qu’on ne recharge ses batteries qu’avec de longues vacances et qu’on peut ensuite profiter de cette énergie au cours des semaines ou mois à venir est un mythe. Voilà pourquoi il est préférable de planifier plusieurs courtes périodes de congé plutôt que de prendre une longue période de vacances en continu. Cela permet de profiter plus souvent d’occasions de détente. Même une agréable soirée estivale ou un bon week-end peut ‘booster’ votre bien-être, à condition de pouvoir vraiment déconnecter du travail… » indique encore Anja Van den Broeck. À bons entendeurs…
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