Coaching: l’Art Thinking, pourquoi ça marche ?

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Les liens entre artistes et hommes d’affaires sont plus affirmés qu’on ne l’imagine. Des méthodes invitent d’ailleurs aujourd’hui les entrepreneurs et autres acteurs du secteur économique à réfléchir comme des créateurs. Pourquoi ça marche ?

Derrière la notion d’art, c’est avant tout le processus de création qui est recherché. Sylvain Bureau (1) est professeur à l’école de commerce ESCP Europe, directeur de l’Institut Jean-Baptsite Say et a inventé la Méthode improbable (Art Thinking) :  » Durant deux à trois jours de séminaire, les gens l’appréhendent via des conférences. Il y a un artiste et un expert en entrepreneuriat qui parlent par exemple de la pratique du détournement chez Duchamp, avec sa Fontaine, et chez Apple. Ensuite, il y a des ateliers concrets où les gens conçoivent une oeuvre improbable, qui fait sens pour eux, et qui va interroger le public qui la découvrira durant une expo.  » Ses sessions ont séduit des grands groupes comme Orange ou Les Galeries Lafayette dans différents pays. Elles prennent place dans des institutions culturelles prestigieuses tels le Centre Pompidou, à Paris, ou le Musée des beaux-arts, à Montréal.

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Olivia Lisicki est la fondatrice de Qamaqi (2), une agence de conseil en innovation. Elle utilise aussi des techniques faisant appel à la création et décrit cet exercice, inspiré du  » speed boat  » de la méthode Agile, chère aux start-up :  » Plutôt que de faire un plan d’action lourd avec Word ou PowerPoint, les collaborateurs d’une boîte de luxe ont collé des morceaux de magazines découpés dans tous les sens. Ils ont ainsi imaginé le bateau dans lequel ils étaient tous, lui ont donné un nom, ont pensé une île idéale et des rochers comme étapes intermédiaires, etc. L’intérêt était d’avoir une vision commune avec des images partagées, de raisonner différemment à partir des intuitions et des émotions.  » On vous explique l’intérêt de ces approches, en quatre points.

Intérêt 1: Appréhender l’impensable

La toile déchiquetée de Banksy, renommée
La toile déchiquetée de Banksy, renommée « Love Is in the Bin », exposée chez Sotheby’s à Londres.© ISOPIX/Ray Tang/REX/Shutterstock

Qui aurait cru que La petite fille au ballon de Banksy s’autodétruirait chez Sotheby’s, début octobre dernier ? Qui avait prévu que les taxis seraient détrônés par une application utilisant la géolocalisation ?  » Les marchés économiques sont de plus en plus percutés par des acteurs qui étaient impensables il y a quelques années, par exemple le goupe Accor qui s’est retrouvé face à Airbnb. L’improbable n’est pas prédictible, même par le big data « , explique Sylvain Bureau, qui illustre son propos en évoquant Le principe d’incertitude de Magritte. Dans l’oeuvre, on découvre l’ombre portée d’une femme qui prend la forme d’un oiseau…

Intérêt 2: Se différencier

Autrefois, la concurrence venait de profils plus qualifiés ou aux prétentions salariales inférieures. Mais un autre type d’acteurs est entré dans la course : les robots. Le monde du travail s’en trouve changé et invite à revoir sa palette de compétences. Pour le créateur de l’Art Thinking,  » si vous avez un boulot où vous ne gérez que le probable, une machine a déjà pris votre place ou pourrait le faire. Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, déclarait récemment au World Economic Forum que les formations devaient de plus en plus intégrer l’art, afin d’apprendre à fabriquer de nouvelles connaissances surprenantes, de l’ordre de l’émotion, du sensible ; ce que la machine ne fait pas très bien.  » Alors qu’autrefois les  » créatifs  » étaient minoritaires et liés à certains secteurs, leur expertise est aujourd’hui recherchée dans des domaines nouveaux.

Intérêt 3: Savoir échouer

 » Créer, c’est se planter « , affirme Sylvain Bureau, qui invite ceux qui participent à ses séminaires à oser façonner ce qu’il appelle des monstres. Une référence à Maurice Barrès, qui estimait que tout bon écrit passait par le stade du brouillon, du texte monstrueux.  » On a besoin d’être dans un processus continu de remise en question avec de petits échecs et de l’itération. C’est souvent déstabilisant pour un public de bons élèves qui veulent être performants en tout.  » Le but : s’exposer à la critique très vite plutôt que de risquer un échec important plus tard.

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Intérêt 4: S’engager

L’engagement, c’est l’un des Graal de l’époque où l’on zappe et où l’entreprise ne parvient plus facilement à mobiliser.  » Les méthodes liées à l’art permettent de se reconnecter à soi et font ressortir le côté entier et authentique de chacun qui fait qu’on est complètement impliqué dans une tâche. Ce qu’on recherche beaucoup aujourd’hui et qu’on appelle le flow, détaille Olivia Lisicki de Qamaqi. On se retrouve dans un état de concentration optimal, dans une expérience forte. Nous sommes pollués par de l’analytique, un cadre. Il faut regarder les choses comme de la pâte à modeler et toujours se demander comment on peut les détourner, les transformer. Et se dire, comme un enfant,  » pourquoi pas ?  »  »

(1) Free your Pitch, par Sylvain Bureau, Pearson. Sortie en français ce 23 novembre.

(2) www.qamaqi.com

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