Comment affronter un deuil sans que cela ne tue votre couple

comment affronter deuil en couple pas perdre partenaire tristesse
Le deuil, plus grande menace pour le couple? Getty Images
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Le deuil a beau être une expérience universelle, il est incroyablement isolant, et même quand plusieurs personnes pleurent le même disparu, leur tristesse les sépare. Une situation compliquée à naviguer quand cette distance s’immisce au sein du couple.

On a beau le craindre, marchander pour qu’il n’arrive jamais et tenter par tous les moyens de le repousser, devoir affronter le deuil est inévitable. Ce qui n’est pas une fatalité, par contre? Que cette épreuve signe la fin de votre couple. Même si, pour éviter que le deuil d’un amour ne s’ajoute à celui de l’être aimé, il s’agit de bien baliser le terrain. C’est que par définition, et malgré son universalité, l’expérience de pleurer une personne disparue, même si on est plusieurs (proches) à la traverser, est extrêmement isolante. Tout comme chacun et chacun a un ou plusieurs langages de l’amour qui lui sont propres (offrir des cadeaux, dire des mots d’amour, effectuer des actes de service…) il y a autant de manières de vivre son deuil qu’il existe de personnes. Là où l’un le manifestera peut-être de manière très expressive, l’autre aura plutôt tendance au repli sur soi, tandis que certains l’extérioriseront sous forme de colère ou encore d’une fureur de vivre renouvelée. Problème: la plupart de ces langages sont incompatibles, et si on n’y prend pas garde, la période de deuil peut creuser une distante parfois difficile à combler au sein du couple.

La bonne nouvelle: cet éloignement n’est pas inévitable – mais gare à ne pas faire pis que bien en voulant traverser le deuil en couple.

Lire aussi: L’un·e va chez le psy, l’autre pas: comment surmonter l’écart thérapeutique

De l’importance du dialogue

Ainsi que le rappelle la psychologue Erin Leyba, le deuil peut avoir une série d’implications difficiles à vivre au sein du couple, entre dépression, irritabilité, épuisement, mais aussi pertes de mémoire et incapacité à s’organiser. Résultat: s’il n’est pas pris en compte, le deuil peut faire des ravages sur le lien amoureux et détruire l’intimité émotionnelle qui unit les deux partenaires. Et la psychologue de suggérer d’instaurer un moment de partage quotidien pour y remédier, chacun demandant à tour de rôle à l’autre comment il se sent et prenant le temps de vraiment écouter sa réponse. « Quand quelqu’un peut mettre des mots sur sa douleur et s’exprimer sur la tristesse qu’il ressent, cela facilite le processus de guérison en inversant la spirale de la perte » explique encore Erin Leyba. Autrement dit, plutôt que de s’enfoncer dans un mécanisme de tristesse et de manque, on en sort progressivement en s’autorisant à exprimer ce qu’on ressent, aussi difficile et négatif cela soit-il sur le moment.

Mais attention: ainsi que le rappelle la psychothérapeute Megan Devine, par définition, il est impossible de libérer son partenaire de cette douleur. Partager, oui, mais gare à ne pas tomber dans une dynamique destructrice. Quand une personne qu’on aime nous fait part de sa tristesse et de sa douleur, il y a un réflexe qui fait qu’on a envie de l’alléger. Par exemple, en lui disant que la personne disparue n’aurait pas voulu qu’il ou elle soit triste, ou bien en l’enjoignant à plutôt se rappeler les bons moments partagés. Et si cela part d’un bon sentiment, le sous-entendu, lui, est tout sauf positif puisqu’il s’agit d’une variation autour de « alors arrête d’être triste ». « La chose la plus importante que les gens doivent se rappeler est que ce n’est pas votre travail d’enlever la douleur de quelqu’un. C’est votre travail de les accompagner. Et ce à quoi cela ressemble va être différent pour chacun » explique la psychothérapeute.

Impossible à réparer

Même s’il existe des manières de tenter d’apporter un peu de baume au coeur sans pour autant rejeter les sentiments que ressent l’autre. Ainsi, alors qu’elle traversait une période particulièrement difficile, la journaliste américaine Joanna Goddard a pu compter sur le soutien de son ex-mari, lequel lui a demandé chaque soir au moment du coucher de lui raconter trois jolis moments de sa journée. Quand la douleur est tellement vive qu’on la ressent physiquement, la joliesse peut être aussi triviale et passagère que de croquer dans un toast parfaitement beurré, mais qu’importe: l’acte de devoir se concentrer sur les petits bonheurs qui persistent malgré la souffrance permet de se rappeler que la vie ne sera pas toujours aussi pénible. Et ce, sans nier le fait qu’elle l’est particulièrement sur le moment.

« Le deuil est une réaction naturelle à une expérience douloureuse. Il peut être très désagréable de voir un être cher traverser cette épreuve, mais même si vous aimeriez pouvoir soulager sa douleur, il est important de se rappeler que le deuil n’est pas quelque chose que l’on peut « réparer ». Il faut le laisser suivre son cours naturel. Votre rôle dans l’accompagnement de votre partenaire est de lui apporter amour, compassion, patience et soutien aussi longtemps qu’il le faudra » précisent les experts du centre de formation au soin Care Business.

Affronter la tempête

Et d’ajouter que « quelle que soit la façon dont votre partenaire vit le deuil, il est important de ne pas porter de jugement sur ses sentiments ou ses actions et de ne pas les comparer à vos propres expériences. Chacun vit le deuil différemment et la façon dont une personne réagit à l’extérieur peut ne pas refléter ce qu’elle ressent à l’intérieur. D’autres préfèrent s’entourer d’amis et de membres de leur famille pour se sentir soutenus ou se consacrer à leur travail pour retrouver un semblant de normalité. Il est important de se rappeler que le deuil n’est pas non plus linéaire. Votre partenaire peut avoir de bonnes journées ou semaines suivies de mauvaises, le deuil peut être imprévisible et c’est tout à fait normal ».

Le plus important? « Essayez de vous rappeler qu’il n’y a rien que vous puissiez dire pour remédier à ce que ressent votre partenaire. La meilleure chose que vous puissiez faire est de lui faire savoir que vous êtes là pour l’écouter lorsqu’il veut parler » conseille-t-on encore du côté de chez Care Business. Où on précise que « bien que cela puisse vous mettre mal à l’aise au début et que vous puissiez craindre de blesser davantage votre partenaire en parlant de la personne décédée, n’évitez pas d’en parler et ne changez pas de sujet si elle est évoquée dans la conversation. Certaines personnes trouvent que le fait de parler de la personne qu’elles ont perdue ou de ce qui lui est arrivé peut les aider à l’accepter et à guérir. Il est préférable de laisser à la personne en deuil le soin de décider quand et dans quelle mesure elle souhaite parler de la personne décédée ».

On l’aura compris, qu’il soit lié au deuil ou bien à la traversée de celui-ci en couple, le plus compliqué (mais aussi le plus crucial) est d’arriver à une forme d’acceptance. Celle que la personne disparue n’est plus là que dans nos coeurs et nos esprits, et celle que la personne qu’on aime y fait face à sa manière. Bien que le deuil isole, c’est un peu comme s’il jetait le couple dans la tempête: les flots sont déchaînés, cela tangue et ça secoue, mais tant qu’on se rappelle qu’on est dans le même bateau et que la mer se calmera bien un jour, il n’y a pas de risque de naufrage.

Lire aussi:
« Cercueils totems » et bijoux funéraires, les néo-manières d’honorer les morts
Comment parler de la mort à un enfant?
« On ne nomme pas assez la mort »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content