Comment gérer l’éco-anxiété ? « On fait croire aux gens c’est leur responsabilité »
« Il n’est pas minuit moins cinq sur l’horloge de l’apocalypse, mais bien minuit cinq. » Les informations sur le changement climatique suscitent la peur. Ce n’est pas surprenant, puisqu’il s’agit de notre survie en tant qu’espèce. Mais comment faire face à l’éco-anxiété au lieu d’y succomber ?
Le monde est en feu
Et j’aimerais l’éteindre
Mais le feu est plus grand que moi
Et j’étouffe dans le temps qui passe
Le temps continue de tourner e ttu fermes les yeux dessus
Dans sa chanson Groter dan ik, l’artiste néerlandaise Froukje chante un sentiment reconnaissable. Feux de forêt dévastateurs, fonte des calottes glaciaires, inondations meurtrières : autant de catastrophes qui brûlent nos rétines par divers canaux. Des actualités classiques aux TikToks flashy, ces images captivent autant qu’elles glacent. La planète et la société que nous connaissons n’existent plus: nous sommes confrontés à une crise climatique.
« Je ne peux plus les voir, les images de forêts en feu ou de glaciers fondus. J’évite soigneusement de lire des articles à ce sujet, car ils me donnent des cauchemars ». De plus en plus, les agréables soirées entre amis se détériorent lorsque la conversation tourne autour du changement climatique. En outre, d’autres messages apocalyptiques, tels que les images de guerre en Ukraine et en Palestine, sont également omniprésentes. En conséquence, de nombreuses personnes ont mis leur consommation d’informations en veilleuse. Trop est trop, affirment-elles.
Qui a peur du changement climatique?
Une enquête de l’American Psychological Association (APA) révèle que 56 % des adultes américains identifient le changement climatique comme le problème contemporain le plus important. Plus des deux tiers des adultes interrogés déclarent également ressentir au moins une certaine éco-anxiété. Et près de la moitié des jeunes adultes âgés de 18 à 34 ans se disent stressés par le changement climatique dans leur vie quotidienne.
En 2021, le professeur de psychologie Alexandre Heeren (UCLouvain) a mené une étude dans huit pays d’Europe et d’Afrique, qui a démontré qu’une personne sur dix est fortement affectée psychologiquement par la crise climatique, ce qui se traduit par des problèmes de sommeil, de rumination, de dépression ou de crises de larmes. Il est intéressant de noter que cette éco-anxiété se manifeste également chez des personnes qui n’ont pas (encore) été directement touchées par le changement climatique. Aucune association avec le niveau d’éducation n’a été enregistrée, et aucune différence n’a été observée entre les pays européens et africains. L’étude révèle que les personnes de moins de quarante ans et les femmes sont particulièrement touchées par l’éco-anxiété.
Parce que les enfants et les jeunes sont les plus touchés par l’anxiété climatique, Caroline Hickman, psychothérapeute britannique de renom, se concentre sur ce groupe cible. Elle est chargée de cours et chercheuse à l’université de Bath. Et elle souligne que le changement climatique n’est pas seulement un problème environnemental, mais aussi un problème psychologique qui peut avoir de graves répercussions sur la santé mentale des enfants et des jeunes. Une étude réalisée en 2021 par ses soins montre ainsi que les jeunes de plusieurs pays sont extrêmement insatisfaits de la manière dont leurs gouvernements gèrent l’urgence climatique.
Parmi les jeunes interrogés, 59 % se disent très ou extrêmement préoccupés par le changement climatique. Plus de 45 % des personnes interrogées ont déclaré que leurs sentiments à l’égard du changement climatique affectaient négativement leur vie quotidienne et leur fonctionnement. Les trois quarts des jeunes interrogés trouvent l’avenir effrayant.
Et pour la psychologue clinicienne Leslie Hodge (Strong Mind Practice) nous ne devrions pas ignorer les enfants et les adolescents souffrant d’éco-anxiété. « Beaucoup d’adultes sont plus enclins à appliquer la dissonance cognitive et à rejeter la question. Ils pensent qu’ils ne peuvent pas résoudre le problème, ce qui les rend plus distants. Ignorer les préoccupations des jeunes n’est pas une bonne idée », affirme le psychologue. Qui conseille plutôt de légitimer leurs craintes.
Anxiété, angoisse ou dépression?
Quiconque souhaite s’intéresser à l’éco-anxiété se retrouve rapidement confronté à un enchevêtrement de termes. De la dépression climatique à la solastalgie poétique, inventée par le philosophe de l’environnement Glenn Albrecht, il existe de nombreux mots pour parler des sentiments négatifs liés au changement climatique.
Leslie Hodge explique que les experts utilisent également des termes différents et ont des opinions divergentes sur la question. Dans le contexte de la recherche, l’éco-anxiété est d’ailleurs un phénomène relativement récent. Les spécialistes n’ont pas encore trouvé de consensus sur l’anxiété climatique, ni le stress et la dépression qu’elle peut provoquer. Ils définissent et traitent ces termes différemment.
Certains y voient un traumatisme, tandis que d’autres le considèrent comme un problème de deuil ou d’anxiété. Selon l’APA, l’éco-anxiété peut provoquer des symptômes allant d’un stress léger à une maladie mentale, telle que la dépression, l’anxiété ou le syndrome de stress post-traumatique.
Pour y voir plus clair, petit lexique expliqué.
-L’anxiété : Une réaction normale à un événement menaçant la vie. La lutte ou la fuite comme moyen de défense contre le danger. Elle devient un problème lorsqu’elle commence à interférer avec votre fonctionnement quotidien.
-Crise d’angoisse : Délimitée dans le temps. Beaucoup d’anxiété sur une courte période. Palpitations, transpiration, sentiment d’oppression, nausées, gêne abdominale. Vous ressentez ces symptômes de manière très intense. Un événement (présent ou passé) déclenche la crise d’angoisse, mais vous n’en êtes pas toujours conscient.
-Trouble anxieux : Plusieurs crises d’angoisse sans cause apparente, qui peuvent prendre différentes formes. Par exemple : une phobie, un trouble d’anxiété sociale ou un trouble panique (peur d’avoir une autre attaque de panique).
-Dépression : Sentiments prolongés de morosité, de tristesse, problèmes de sommeil, problèmes d’alimentation, perte de plaisir.
« Dans ma pratique, j’entends beaucoup de préoccupations concernant le climat, mais ce n’est généralement pas la raison pour laquelle les gens consultent un psychologue. Le climat est généralement un facteur de stress parmi d’autres. Les personnes souffrant de ce que l’on appelle la dépression climatique sont susceptibles d’avoir plus d’un facteur déclenchant pour cette morosité persistante », explique Leslie Hodge. Qui pointe que « c’est toujours une combinaison de facteurs biologiques, sociaux et psychologiques qui conduisent à la dépression ».
Comprendre: si vous stressez depuis un certain temps ou si vous souffrez déjà d’anxiété excessive, l’éco-anxiété pourrait bien être la goutte d’eau qui fait déborder le vase métaphorique de votre équilibre mental.
L’éco-anxiété, trop ou pas assez?
« Il est logique que le réchauffement climatique suscite de l’anxiété et du stress, car il s’agit d’un problème très concret », déclare Leslie Hodge. « Ce qu’il ne faut pas faire, c’est considérer l’éco-anxiété comme un problème ». Paul Verhaeghe, professeur émérite à l’université de Gand, psychanalyste et auteur de livres tels que Discomfort et Intimacy, fait écho à cette mise en garde. « Nous devrions faire attention à ne pas psychiatriser des réactions humaines normales, telles que la peur du changement climatique. Du point de vue de l’évolution, la peur nous aide à nous adapter. Elle devient un problème dès lors qu’elle est liée à une question qui n’a pas de fondement réel, à quelque chose dont on nous a parlé ou à une phobie » nuance-t-il toutefois.
« Les gens n’ont pas toujours conscience d’être anxieux ou associent ce sentiment à de mauvaises choses. Ce n’est pas un hasard si j’ai écrit un livre intitulé L’agitation« , explique-t-il encore. « L’agitation est en fait la forme la plus basique de l’anxiété. Selon Freud, l’affect (l’émotion, le sentiment) est toujours correct, mais il est souvent lié au mauvais sujet. Le malaise que les gens ressentent a donc certainement ses raisons, mais il est canalisé par les groupes populistes vers les mauvais sujets. Au lieu de s’inquiéter du changement climatique et des inégalités socio-économiques, les gens cherchent la raison de leur malaise dans des choses comme la migration. Je pense qu’il n’y a pas trop, mais plutôt pas assez d’éco-anxiété. Bien que le changement climatique soit une menace existentielle pour l’espèce humaine, la majorité de la population ne s’en inquiète pas. C’est pourquoi je trouve très inquiétant qu’il n’ait pratiquement pas été abordé lors des dernières élections ».
« Ceux qui font partie des 10 % de la population qui s’inquiète peuvent se demander ce qu’ils doivent faire. En tant qu’être humain, vous devrez apprendre à accepter que vous ne savez pas ce que l’avenir vous réserve », affirme Leslie Hodge. Cependant, le sentiment d’impuissance est également source d’anxiété. En plus d’accepter que vous n’avez pas de boule de cristal, vous pouvez donc réfléchir à la manière dont vous pouvez apporter votre contribution et agir. Même si vous ne pouvez pas contrôler l’avenir, de petites actions durables peuvent vous aider à combattre l’anxiété et le stress. « La paralysie dûe à la peur et à la tristesse est quelque chose que nous voulons absolument éviter dans le contexte du climat », ajoute Paul Verhaeghe. « Après la peur, c’est la panique qui vient, et elle n’est plus utile. Lorsque nous paniquons, nous réagissons de manière très irrationnelle et nous faisons souvent des choses stupides ».
La faute à qui? Pas la vôtre!
Selon les experts, il faut aussi garder à l’esprit que la question du climat est un problème systémique, et non un problème individuel. « Beaucoup de gens ont été amenés à croire que 90% de la responsabilité leur incombait. L’idée que nous devons, en tant qu’individus, réduire notre empreinte écologique pour résoudre le problème nous a été inculquée depuis les années 1980 par le secteur industriel, qui fait tout son possible pour rejeter les questions environnementales et climatiques sur les personnes. En conséquence, les citoyens conscients se sentent non seulement anxieux, mais aussi coupables », dénonce ainsi Paul Verhaeghe.
« Pour être clair, je pense que c’est une bonne chose que chacun d’entre nous, surtout en Occident, essaie d’adapter son mode de vie autant que possible. Il est également judicieux d’élever nos enfants de manière consciente », ajoute-t-il. « Mais la sensibilisation du public ne suffit pas. L’industrie et les gouvernements doivent agir de toute urgence. Nous ne pouvons pas résoudre ce problème tout seuls ».
De l’importance du dialogue
C’est nul, mais espérons-le
Que l’on s’en sorte par à-coups
Et que l’on commence à se parler surtout
Parce que la crise est là
Un peu plus loin dans sa chanson, Froukje suggère de (se) parler. Une bonne idée, selon la psychologue clinicienne Leslie Hodge. « En en parlant, en vous unissant et en recherchant le soutien des autres, vous vous sentirez moins seul et moins impuissant. Le fait de se sentir seul face à cette anxiété écologique la rend encore plus solitaire et difficile à supporter », affirme-t-elle.
C’est précisément pour cette raison que Jeroen Lapeere a fondé l’organisation KlimaatContact avec d’autres personnes partageant les mêmes idées. « Il y a cinq ans, j’ai voulu m’impliquer activement dans les questions climatiques. Je me sentais impuissant et je me demandais comment je pouvais apporter une contribution positive. Tout d’abord, nous avons lancé un podcast, en interviewant des personnes sur le sujet. Nous avons également interrogé des psychologues, car nous nous demandions comment parler de la question sans moraliser ni pointer du doigt ».
Une recherche qui les a conduits à un atelier de coaching climatique organisé par l’organisation Klimaatgesprekken in Nederland. « Au départ, nous étions sceptiques, mais les conversations sur le climat se sont révélées être un excellent moyen de dépasser la polarisation et de trouver un lien avec nos interlocuteurs ». Et le cours a tellement inspiré Jeroen et ses compagnons qu’ils ont décidé de lancer un concept similaire en Belgique, baptisé KlimaatContact.
« Le premier conseil que nous donnons toujours pendant l’atelier est le suivant : apprenez à écouter. Vous devez apprendre à vous mettre à la place de votre interlocuteur. Si vous êtes vous-même alarmé par la crise climatique et que vous avez des pensées anxieuses, il peut être difficile d’avoir une conversation avec quelqu’un qui n’est absolument pas concerné par ce problème. L’exercice d’écoute dans notre cours est toujours un défi. Les gens communiquent principalement à partir de leur propre point de vue. Ils ont les meilleures intentions, mais attendent souvent de faire valoir leur opinion. Se mettre à la place de quelqu’un d’autre est la condition sine qua non pour surmonter la polarisation. Ce n’est qu’ainsi que votre interlocuteur abandonnera de lui-même sa résistance. Prouvez à votre interlocuteur que vous entendez vraiment ce qu’il dit », conseille M. Lapeere.
« Le sentiment de faire quelque chose vous empêche de sombrer dans une peur paralysante. Le fait d’aligner son comportement sur ses émotions et ses valeurs est une aide et une source d’inspiration pour les autres », observe-t-il encore. « Il est important de rendre le sujet de l’éco-anxiété abordable, dans un environnement sûr. En groupe, vous voyez des gens qui sont à des niveaux différents en termes de peur ou d’acceptation. De plus, il est plus facile de trouver des solutions ensemble que seul ».
Paul Verhaeghe estime également qu’il est utile de parler et de s’organiser ensemble. « L’impuissance peut très vite se traduire par une forme de peur panique, ce qui n’aide personne. C’est pourquoi des ateliers comme ceux organisés par KlimaatContact sont une bonne idée. Ils sensibilisent, offrent un soutien et peuvent constituer la base d’une action concrète à mener ensemble ». Attention toutefois à ne pas oublier que « le changement de système prend du temps. Comptez 10 ou 15 ans. »
Et le psychologue et psychanalyste de faire la comparaison avec la lutte pour l’émancipation. « À la fin des années 1960, la deuxième vague d’émancipation a eu lieu. Là aussi, nous avons été confrontés à un échec systémique, à savoir l’oppression de la moitié de la population. Même à cette époque, la prise de conscience s’est faite à partir de la base, par le biais d’assemblées, d’ateliers et de manifestations. L’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas encore totale, mais l’approche collective a déjà permis de changer beaucoup de choses. Cela aussi sera nécessaire dans la lutte pour le climat ».
Trouver l’équilibre (et le sien aussi)
Selon Jeroen Lapeere, le modèle du chercheur finlandais Panu Pihkala, professeur de technologie environnementale à l’université d’Helsinki, est une manière intéressante d’aborder la question de l’éco-anxiété. Son objectif était de développer un modèle simple mais nuancé pour aider à gérer l’anxiété climatique et la loyauté. Le chercheur finlandais décrit la première phase comme « l’ignorance et la semi-conscience ». Dans cette phase, les gens ne sont pas (encore) très concernés par le climat et ne sont donc pas encore pleinement conscients des problèmes posés par la crise climatique.
Ils réalisent alors ce qui se passe, ce qui provoque un choc, voire un traumatisme. Ensuite, il faut chercher comment gérer la crise et adapter son comportement. Pihkala voit trois aspects principaux dans cette phase :
Action (diverses actions respectueuses du climat)
Deuil (y compris d’autres émotions)
Distanciation par rapport au problème (y compris la prise en charge de soi et le déni du problème)
La possibilité d’une forte anxiété écologique est toujours présente, tout comme le risque d’épuisement professionnel. Pour réduire ce risque, deux choses doivent changer. Vous restez impliqué émotionnellement, mais vous n’êtes plus accablé par le chagrin et la douleur, et vous prenez vos distances de manière consciente et équilibrée : en agissant (diverses actions respectueuses du climat) en vous impliquan émotionnellement (y compris par le biais du deuil et du chagrin) et en prenant soin de vous (y compris à travers la distanciation).
« Il est important que les trois composantes soient bien équilibrées les unes par rapport aux autres », explique Jeroen Lapeere. « Si l’une des facettes est complètement dépassée, il y a un déséquilibre. En tant que coaches climatiques, nous sommes très souvent en contact avec des personnes qui sont au-delà du choc, c’est-à-dire qui sont bien conscientes du problème, mais qui se perdent dans l’une des trois facettes. Par exemple, elles s’enlisent dans le chagrin ou la tristesse, ou vont très loin dans l’action, sans prêter attention à leurs propres sentiments. Elles participent à toutes les manifestations, ne se douchent qu’une minute, ne mangent jamais de produits d’origine animale, ne prennent plus l’avion, ramassent les ordures chaque semaine, etc. Si elles ne sont pas en équilibre, cela peut avoir un impact extrêmement profond sur leur vie. Il est important de se rappeler qu’il n’est pas nécessaire de porter tous les fardeaux sur ses épaules ».
On peut également observer des différences dans la manière dont les gens prennent leurs distances. « Si quelque chose vous frappe de plein fouet, vous pouvez le repousser parce que vous ne voulez pas le savoir ou le ressentir. Dans ce cas, vous n’agissez pas. Une autre approche consiste à prendre ses distances, mais à reconnaître le problème parce que l’on sait et que l’on ressent bien ce qui se passe. Au lieu de continuer à se plonger dans les rapports et les vidéos de catastrophes, il faut s’autoriser à prendre un peu de distance », ajoute M. Lapeere.
Prendre soin de soi et de la planète
Selon Leslie Hodge, prendre un peu de distance par rapport au flot incessant d’informations négatives sur le climat peut s’avérer une bonne approche. « Dans le cas des phobies, la thérapie d’exposition est une procédure bien connue, qui consiste à exposer progressivement la personne phobique à ce qu’elle craint. La peur du changement climatique n’est pas une phobie et il n’est donc pas possible de l’aborder de cette manière », explique Leslie Hodge.
« Ce que vous pouvez faire, c’est apprendre à gérer les choses qui échappent à votre contrôle en travaillant votre résilience et en vous abordant avec douceur. Il n’est pas nécessaire de lire toutes les études et de vivre de manière parfaitement durable, car le perfectionnisme ne fait qu’accroître le stress. Outre les contacts avec les gens, il est également bon de se rapprocher de la nature. Promenez-vous dans la verdure, faites du jardinage ou engagez-vous en faveur de la biodiversité ».
Si l’on en croit la culture du bien-être, prendre soin de soi consiste à suivre des cours sur la pleine conscience, à s’abonner au yoga ou à faire une retraite en silence dans la nature. Paul Verhaeghe estime que la façon dont ces activités sont organisées détermine si elles constituent des solutions à vos sentiments de stress ou d’anxiété. Les cours de yoga et de pleine conscience peuvent être très utiles, mais ne fonctionnent pas comme des tranquillisants.
« En tant que moyens de consommation dans l’industrie du bien-être, ils s’inscrivent tout particulièrement dans la tendance à l’individualisation. Cette forme d’autosoins est en contradiction avec l’interprétation classique, dont les fondements ont déjà été posés par Aristote. L’autosoin est une relation de soins. Il s’agit d’une relation avec soi-même, son propre corps et les personnes qui nous entourent. Cela peut également se faire dans un contexte professionnel, en frappant à la porte des prestataires de soins de santé. Qu’est-ce qui nous rend heureux en tant qu’êtres humains ? Pouvoir aider les autres. Prendre soin de soi, c’est aussi prendre soin des autres et vice versa. On n’est pas séparé des autres », déclare le Dr Verhaeghe, qui a consacré son livre Intimité à ce sujet.
« Vous pouvez prendre soin de votre hygiène mentale en dormant suffisamment, en faisant de l’exercice, en mangeant sainement, en trouvant des moyens de vous rapprocher des autres et de la nature, mais ce n’est pas grave si vous avez l’impression de ne pas y arriver tout seul », conseille également Leslie Hodge. « Demandez de l’aide à un professionnel si vous sentez que l’anxiété se transforme en panique ou en dépression. Un bon professionnel de la santé examinera ce qui se passe avec vous, l’origine exacte de l’anxiété et la façon dont vous pouvez la gérer ».
Les raisons de la colère
Parfois, ce n’est pas de la tristesse ou de la peur que vous ressentez lorsque vous pensez au climat, mais presque de la vapeur qui vous sort par les oreilles. Ce n’est pas votre faute si la terre se réchauffe. Le fait que les entreprises et les gouvernements ne prennent pas suffisamment de mesures peut être rageant. Et ces sentiments négatifs peuvent aussi avoir du bon.
Pour une étude récente de l’UCL, plus d’une centaine de Belges ont été suivis pendant deux mois. Le groupe test était composé de personnes issues de différents milieux socio-économiques, toutes âgées de dix-huit à soixante-neuf ans. Soixante-dix pour cent des membres du groupe étaient des femmes. Chaque jour, les participants ont répondu à des questions en ligne sur leurs émotions et leur comportement. Une deuxième série de questions portait sur leurs actions écologiques. Les chercheurs ont ainsi pu établir des liens entre le comportement des sujets et les émotions liées au climat. Il en ressort que les émotions climatiques ont leur utilité.
Les sentiments négatifs peuvent être considérés comme un avertissement de problèmes urgents, mais aussi comme une force motrice. Par exemple, la colère est un puissant catalyseur qui peut influencer positivement la transition écologique. L’étude a montré que la peur et la tristesse liées au climat ne paralysaient pas nécessairement les personnes interrogées, mais que c’était surtout la colère liée au climat qui les incitait à agir. Parmi les actions entreprises par les sujets après s’être sentis en colère, citons le fait de prendre plus souvent le vélo, de réserver des vacances en train plutôt qu’en avion ou de commander un menu végétarien au restaurant.
Éco-anxiété, et après?
Êtes-vous normal si vous ressentez de la peur et même de la colère face au changement climatique ? La réponse est un « oui » retentissant.
Les experts affirment qu’il s’agit d’un problème préoccupant et que les mesures prises sont insuffisantes. Lorsque vous vous sentez glisser vers un trouble anxieux ou une dépression, il est temps d’intervenir, mais les émotions liées au climat n’ont pas besoin d’être inquiétantes pour autant. Tant que l’anxiété et la tristesse ne sont pas paralysantes, elles peuvent être constructives.
En fait, la colère climatique s’avère être le moteur idéal du changement écologique.
En résumé : ne mettez pas vos émotions de côté lorsqu’il s’agit du climat, mais parlez-en et utilisez-les à bon escient.
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