L’art peut-il aussi guérir?

. © SDP
Stagiaire

Alors que l’art est parfois considéré comme une activité non-essentielle, on apprend qu’il pourrait soigner. Il serait même vital. C’est ce que l’on découvre dans le livre du neurologue Pierre Lemarquis L’art qui guérit. Pour Oriane Blondiaux, art-thérapeute, il est important de prendre un peu de recul sur ces propos. Mais ce qui est certain, c’est que l’art est fondamental dans nos vies.

En novembre 2019, l’Organisation mondiale de la Santé publie un rapport basé sur 900 articles scientifiques. Les chercheurs y ont réparti l’art en 5 catégories : les arts visuels, de la scène, numériques, la culture, et la littérature. Et dans chacune d’elles, les résultats sont positifs par rapport à l’impact qu’aurait cette discipline sur notre santé. Face à une oeuvre, à la lecture d’un livre, à l’écoute d’une musique, nous stimulons deux facultés dans notre cerveau : le plaisir et la connaissance. C’est ce que nous démontre Pierre Lemarquis dans son ouvrage (*).

L’art-médicament

Le neurologue explique que face à l’art,  » nous interagissons « . Comme si nous étions, de manière inconsciente, devant un être humain, quelque chose de biologique. Nous élargissons dès lors notre champ de vision, et par conséquent,  » nous sculptons notre cerveau « , dit-il. Sans oublier qu’en parallèle,  » l’art le caresse en stimulant le système du plaisir « , rappelle-t-il. En effet, d’un point de vue des neurosciences, l’observation d’une oeuvre provoque des réactions chimiques dans notre corps, des hormones étant sécrétées à la vue de cette création. Parmi ces substances, on retrouve la dopamine, qui va nous donner un élan vital, l’envie de faire quelque chose. Elle est, notamment, impliquée dans la motricité. C’est par exemple cette substance qui manque aux personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Il y a également la sécrétion de sérotonine, que l’on trouve dans tous les antidépresseurs. La morphine endogène, aussi, qui calme les douleurs, et diminue notre anxiété. C’est elle qui donne des frissons. L’art agit enfin sur l’ocytocine, qui est l’hormone de l’amour, de l’attachement. Ce qui explique que l’on peut, de manière involontaire, tomber amoureux d’une oeuvre, ou écouter une chanson en boucle.

L’art aiderait, par ailleurs, les patients diabétiques, et augmenterait les taux de cortisone. Il permettrait également d’atténuer les effets de la chimiothérapie pour les personnes atteintes d’un cancer. La musique, lors d’opérations chirurgicales, est d’ailleurs préconisée par l’OMS.  » Il y a donc un côté biochimique, qui peut expliquer le côté art-médicament « , résume le spécialiste. Et d’insister sur le réconfort psychologique, physiologique, social, et comportemental que la créativité dans son ensemble peut apporter, notamment dans les hôpitaux.

L'art peut-il aussi guérir?
© SDP

Au Canada, l’art-thérapie semble mieux reconnu également. A Montréal par exemple, il existe ce que l’on appelle des  » prescriptions muséales « , soit des ordonnances pour aller visiter un musée avec un proche ou un aide-soignant, notamment pour les personnes atteintes de maladies chroniques comme le diabète ou pour les patients en soins palliatifs. Lors d’un de ses voyages là-bas, Oriane a d’ailleurs constaté avec surprise qu’un étage complet d’un musée était réservé aux séances d’art-thérapie de groupe.  » Dans ce pays, il y a vraiment cette idée d’accompagner la personne dans sa globalité. On vous prend par la main, et on vous propose de rentrer dans le processus corporel, créatif, et sensoriel « , observe la spécialiste belge qui adore elle-même aller au musée.  » Ce sont des endroits qui me déstabilisent fortement. Si j’y reste plus d’une heure, je suis à ramasser à la petite cuillère.  » Mais elle en a besoin et s’en nourrit:  » C’est vital. Ce que j’aime aussi, c’est juste y passer 30 minutes. Juste m’imprégner de l’ambiance, des couleurs, des textures… »

L'art peut-il aussi guérir?
© SDP

Ce qui l’a poussée à faire ce métier, c’est de remettre cette créativité au centre de sa vie, et de celle des autres.  » Il est important d’apprendre à prendre le temps, et à observer, insiste-t-elle. Car dans notre société, on ne regarde plus.  » Durant ses sessions d’art-thérapie, l’experte utilise beaucoup la communication non-verbale, qui offre une plus grande place à la créativité et à l’empreinte picturale laissée sur le support… sans pour autant être obligé d’interpréter ce qu’elle représente.  » Après l’observation, je passe parfois à une phase de jeu, qui permet de développer plein de compétences, et de détecter les différentes manières de fonctionner de la personne. J’arrive avec ma boîte à outils, ma boîte créative. Et on découvre, on chipote, on essaye, on se trompe. Et c’est ensuite qu’on va pouvoir mettre en place quelle technique, quelles couleurs, quelle tonalité vont pouvoir aider un tel patient à s’exprimer. En bref, c’est une façon d redécouvrir et de reprendre le temps. « 

L’art qui accompagne

Avec un de ses patients autistes notamment, dont la communication était non fonctionnelle, la thérapeute a ainsi pu entrer en relation grâce à ses techniques artistiques.  » Il se tapait la tête contre le mur. J’ai commencé à l’observer. Et ça a désamorcé pas mal de choses. On a ensuite pu plonger dans sa créativité. Mon travail, c’était de l’accompagner vers un apaisement qui a commencé par un apaisement corporel. Aujourd’hui, il est beaucoup plus épanoui. Il y a une réelle évolution. Des sons sortent de sa bouche. Il me dit bonjour avec un sourire et une joie.  »

 » L’art-thérapie, c’est ça, conclut notre interlocutrice. C’est accompagner quelqu’un vers un apaisement. Le laisser s’exprimer librement, et pas uniquement par la parole. C’est proposer des portes de sortie, accessibles à tout le monde. Il ne faut pas être créatif ou aimer l’art avant de se lancer.  » Alors est-ce que l’art guérit ?  » En tous cas, l’art accompagne. Il soutient. Il peut panser les plaies, car il permet de déposer les maux. Et c’est aussi un moyen de cerner et d’apaiser ce qui nous fait peur « , répond-t-elle.

Comme le disait le peintre George Braque:  » L’art est une blessure qui devient lumière.  » Grâce à lui, il peut y avoir une transformation de cette blessure en quelque chose de positif. Dès lors, l’art nous aide sûrement à vivre mieux, et plus longtemps…

(*) L’art qui guérit, par Pierre Lemarquis, éditions Hazan.

Par Pauline Lemaire

.
.© SDP

L’art, pour mieux observer

Cette piste médicale reste cependant largement sous-exploitée pour le moment.  » En Belgique, il y a une ouverture sur la créativité qu’on a tous, au fond de nous « , estime l’art-thérapeute Oriane Blondiaux. En effet, certains hôpitaux commencent à engager des professionnelles comme elle, notamment dans les services psychiatriques. Mais malheureusement, chez nous, l’art-thérapie reste un cursus de spécialisation, qui s’ajoute en support à une formation initiale, ce qui n’est pas le cas en France, par exemple.

L'art peut-il aussi guérir?
© SDP

Au Canada, l’art-thérapie semble mieux reconnu également. A Montréal par exemple, il existe ce que l’on appelle des  » prescriptions muséales « , soit des ordonnances pour aller visiter un musée avec un proche ou un aide-soignant, notamment pour les personnes atteintes de maladies chroniques comme le diabète ou pour les patients en soins palliatifs. Lors d’un de ses voyages là-bas, Oriane a d’ailleurs constaté avec surprise qu’un étage complet d’un musée était réservé aux séances d’art-thérapie de groupe.  » Dans ce pays, il y a vraiment cette idée d’accompagner la personne dans sa globalité. On vous prend par la main, et on vous propose de rentrer dans le processus corporel, créatif, et sensoriel « , observe la spécialiste belge qui adore elle-même aller au musée.  » Ce sont des endroits qui me déstabilisent fortement. Si j’y reste plus d’une heure, je suis à ramasser à la petite cuillère.  » Mais elle en a besoin et s’en nourrit:  » C’est vital. Ce que j’aime aussi, c’est juste y passer 30 minutes. Juste m’imprégner de l’ambiance, des couleurs, des textures… »

L'art peut-il aussi guérir?
© SDP

Ce qui l’a poussée à faire ce métier, c’est de remettre cette créativité au centre de sa vie, et de celle des autres.  » Il est important d’apprendre à prendre le temps, et à observer, insiste-t-elle. Car dans notre société, on ne regarde plus.  » Durant ses sessions d’art-thérapie, l’experte utilise beaucoup la communication non-verbale, qui offre une plus grande place à la créativité et à l’empreinte picturale laissée sur le support… sans pour autant être obligé d’interpréter ce qu’elle représente.  » Après l’observation, je passe parfois à une phase de jeu, qui permet de développer plein de compétences, et de détecter les différentes manières de fonctionner de la personne. J’arrive avec ma boîte à outils, ma boîte créative. Et on découvre, on chipote, on essaye, on se trompe. Et c’est ensuite qu’on va pouvoir mettre en place quelle technique, quelles couleurs, quelle tonalité vont pouvoir aider un tel patient à s’exprimer. En bref, c’est une façon d redécouvrir et de reprendre le temps. « 

L’art qui accompagne

Avec un de ses patients autistes notamment, dont la communication était non fonctionnelle, la thérapeute a ainsi pu entrer en relation grâce à ses techniques artistiques.  » Il se tapait la tête contre le mur. J’ai commencé à l’observer. Et ça a désamorcé pas mal de choses. On a ensuite pu plonger dans sa créativité. Mon travail, c’était de l’accompagner vers un apaisement qui a commencé par un apaisement corporel. Aujourd’hui, il est beaucoup plus épanoui. Il y a une réelle évolution. Des sons sortent de sa bouche. Il me dit bonjour avec un sourire et une joie.  »

 » L’art-thérapie, c’est ça, conclut notre interlocutrice. C’est accompagner quelqu’un vers un apaisement. Le laisser s’exprimer librement, et pas uniquement par la parole. C’est proposer des portes de sortie, accessibles à tout le monde. Il ne faut pas être créatif ou aimer l’art avant de se lancer.  » Alors est-ce que l’art guérit ?  » En tous cas, l’art accompagne. Il soutient. Il peut panser les plaies, car il permet de déposer les maux. Et c’est aussi un moyen de cerner et d’apaiser ce qui nous fait peur « , répond-t-elle.

Comme le disait le peintre George Braque:  » L’art est une blessure qui devient lumière.  » Grâce à lui, il peut y avoir une transformation de cette blessure en quelque chose de positif. Dès lors, l’art nous aide sûrement à vivre mieux, et plus longtemps…

(*) L’art qui guérit, par Pierre Lemarquis, éditions Hazan.

Par Pauline Lemaire

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content