En souvenir de Maeva, 13 ans, morte d’avoir été harcelée

Il y a deux ans déjà, Maeva, 13 ans, se donnait la mort. Suite à cet événement dramatique, ses parents ont découvert l’enfer du harcèlement scolaire que leur fille vivait depuis plusieurs mois. Dans le livre Maeva, une belle étoile filante paru en avril dernier, Maria Isabel Villalobos partage son témoignage de mère, commenté par le psychopédagogue Bruno Humbeeck, devenu spécialiste du harcèlement scolaire.

 

Cette histoire aurait pu être celle de n’importe qui. « Maeva était une fille très sociable, joyeuse, rigolote. C’était également une fille talentueuse : elle faisait de la gym, du chant, de la danse. On ne s’inquiétait pas du tout pour elle. Elle avait du caractère donc on n’imaginait pas du tout qu’elle pouvait être harcelée », nous explique Maria Isabel Villalobos, maman de Maeva, dont le livre Maeva, une belle étoile filante est paru en avril dernier.

A l’époque, alors âgée de 13 ans, la jeune fille semble mener le quotidien classique d’une élève de secondaire. Lorsqu’elle met fin à ses jours en janvier 2020, c’est le choc. Incompréhension, questions, la famille de Maeva n’en revient pas. Pourquoi un tel geste ? « C’est après son suicide qu’on a découvert petit à petit ce qu’il s’était passé, avec les messages de son compte Instagram, avec des histoires que d’anciens amis nous ont racontées. Ça a commencé en octobre par des disputes avec sa meilleure amie, son groupe d’amis. Ça s’est accentué durant les fêtes de fin d’année et malheureusement c’est une période où les gens sont plus fragiles. Bruno Humbeeck, qui a participé à l’écriture du livre, m’a expliqué que c’était la saison. C’est la période la plus dure, quand les groupes se solidifient et qu’on rejette ceux dont on ne veut pas. »

Un tabou encore présent

Le quotidien de Maeva, pourtant bien intégrée au départ, s’est rapidement dégradé à l’école et certains membres du corps enseignant n’ont pas aidé à arranger la situation. « On sait par exemple qu’à l’école un professeur a eu des comportements qui ont fait de ma fille une cible pour le harcèlement. Il était très très dur avec elle. Elle a dû notamment, comme punition, nettoyer l’établissement. Je ne trouvais déjà pas ça normal à l’époque, je voulais aller me plaindre à l’école mais Maeva me disait que ce n’était pas grave. Mais ça ne va pas. Tu ne vas pas à l’école pour nettoyer. Évidemment qu’on doit tous prendre soin de notre cadre de vie. Mais ça ne doit pas être une punition. »

La principale difficulté que Maeva a rencontrée, et qui concerne souvent les jeunes victimes de harcèlement, a été celle de dénoncer ses agresseurs. Dans une école où aucune structure n’existe pour prévenir le harcèlement et faciliter les démarches des victimes, il est compliqué d’oser en parler. D’autant plus que dans le cas de la jeune fille, il s’agissait d’anciens amis proches d’elle.

La situation était d’autant plus complexe que personne de son entourage familial ne se doutait du harcèlement subi par Maeva, qui ne laissait rien paraître. D’ailleurs, comme l’explique Bruno Humbeeck dans le livre, le profil que l’on se fait des victimes n’est pas toujours fidèle à la réalité. Souvent, il s’agit de jeunes beaux physiquement, à qui beaucoup de choses réussissent et qui, par extension, suscitent l’envie. Loin de l’image de l’ado renfermé, asocial ou timide. Difficile, donc, d’identifier une potentielle victime de harcèlement.

Un cri dans le vide

Suite au suicide de Maeva, Maria Isabel Villalobos et son mari ont entamé des procédures judiciaires qui n’ont malheureusement pas abouti. « On n’a vraiment pas été bien reçus. Actuellement, nous sommes au point mort. La police et les tribunaux nous bloquent dans notre démarche avec l’excuse que ce sont des mineurs. » Car à l’heure actuelle, la législation est encore très floue, voire inexistante, concernant le harcèlement entre mineurs dans un cadre scolaire. Les instances officielles ont refusé d’imposer une quelconque sanction aux jeunes ayant harcelé Maeva, tandis que l’école refusait également d’endosser ce rôle. Une situation très compliquée à accepter pour la famille. « Il faut que la justice change. On ne demande pas d’envoyer ces jeunes en prison, mais de leur faire comprendre et réaliser qu’ils ont fait quelque chose de grave. A mes yeux, l’école doit également s’en mêler. C’est en son sein que Maeva a été harcelée, que certains élèves lui ont dit d’aller se jeter d’un pont. Ce n’est pas normal que des choses pareilles se passent et qu’il n’y ait pas de conséquences. »

La naissance du livre

L’une des rencontres qui a permis à la maman de l’adolescente de partager son histoire à plus grande échelle, c’est celle de Bruno Humbeeck. Aux funérailles de Maeva, Maria Isabel décide de lire devant les nombreuses personnes présentes un texte qu’elle a elle-même écrit en l’honneur de sa fille. Ce premier contact avec l’écriture lui donne envie de continuer. Elle choisit donc de rédiger dans un journal ses doutes, ses questionnements, l’avancée de son deuil et les évènements qui suivent le décès de la jeune fille. « Ça me permettait d’évacuer. Je n’osais pas forcément me confier à mes proches, parce que je ne voulais pas leur faire du mal. J’avais peur qu’on me pose des questions auxquelles je n’avais pas les réponses. Du coup j’ai écrit. »

Et alors que Maria Isabel commence une thérapie, sa psychologue, Chantal Pihart, est frappée par son histoire. Elle lui parle de son mari, Bruno Humbeeck, qui est engagé dans la lutte contre le harcèlement depuis longtemps. « A l’époque, lui et sa femme m’ont encouragée à continuer à écrire et on a commencé à penser en faire un livre. Bruno m’a dit qu’il voulait en signer la préface et me trouver un éditeur. C’est là que l’aventure a commencé. »

Depuis la parution, Maria Isabel Villalobos et Bruno Humbeeck parcourent la Belgique et les différents médias pour parler du bouquin et de la gravité du harcèlement scolaire. Ils souhaitent faire bouger les choses et faire comprendre que le harcèlement est une vraie question de santé publique. Leurs principaux objectifs pour les mois à venir est de faire en sorte que des dispositifs soient mis en place au sein des écoles pour prévenir et dénoncer le harcèlement, mais aussi que les politiques imposent des mesures claires pour régler cette problématique. « Je le fais non seulement pour mes enfants, mais aussi pour tous les autres. Je ne veux pas que ça arrive à nouveau. Je veux qu’il y ait une prise de conscience, que les écoles prennent leurs responsabilités, que de vraies mesures soient prises. »

Maeva, une belle étoile filante, par Maria Isabel Villalobos et Bruno Humbeeck, Editions Mols.

© SDP

Par Shirine Ghaemmaghami

Trouver de l’aide

L’application CyberHelp a été développée à Mons et permet de dénoncer des faits de harcèlement en ligne. Celle-ci prend des captures d’écran qui peuvent ensuite être envoyées à un référent de l’école. Il est possible de dénoncer un cas qui nous concerne personnellement, ou celui de quelqu’un d’autre, et de le faire anonymement ou non.

Le numéro vert Ecoute-Enfants (103) peut également être utilisé par les jeunes afin d’être écouté et soutenu anonymement dans les cas de harcèlement scolaire. Il est accessible partout en Belgique et peut également être utilisé par des adultes ayant besoin de conseils.

Les mots de Tom

Désormais très investie dans son combat pour faire avancer les législations concernant le harcèlement, Maria Isabel a rejoint l’association Les mots de Tom. Cette ASBL lutte depuis plusieurs années contre le harcèlement et réunit plusieurs parents dont les enfants en ont été victimes. Une partie des droits d’auteur du livre lui seront d’ailleurs reversés. A l’heure actuelle, pour Maria Isabel, se regrouper au sein d’associations est l’une des seules manières de réellement faire entendre sa voix. « Cela fait un petit temps qu’elle existe et donc ils ont déjà des contacts avec des politiciens, ils ont des mesures précises à proposer, etc. Faire partie de cette association, ça me permet de ne pas mener ce combat seule et de pouvoir faire plus de choses. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content