Embaucher des minorités pour redorer l’image  de son entreprise ? Deux femmes témoignent des effets pervers de la discrimination positive

Si la discrimination positive semble être un moyen convaincant de réduire les inégalités dans le monde professionnel, la réalité est loin d’être aussi simple. Voici le témoignage de deux jeunes femmes de couleur victimes du tokénisme : une pratique qui vise à inclure les minorités, en apparence seulement.

« « Vous aurez à peu près autant de chance de décrocher un CDI dans le domaine du journalisme que de gagner au Loto », répétaient mes professeurs. Cette remarque, ils l’adressaient à l’ensemble de mes camarades de classe (blancs), mais pas à moi. « En tant que jeune femme turque, vous trouverez certainement du travail. Les gens comme vous sont très recherchés », m’avaient-ils glissé à l’oreille. Et ils avaient raison. Je n’ai même pas eu besoin de postuler ; peu après avoir obtenu mon diplôme, j’ai reçu plusieurs propositions. 

Mais voilà, j’ai vite déchanté. J’entamais tout juste ma carrière que j’entendais déjà chuchoter dans les couloirs que j’étais la nouvelle « travailleuse immigrée » et que tout le monde était « curieux de voir combien de temps j’allais tenir ». Mon prédécesseur, le dernier « employé prétexte » en date, était décrit à l’aide de tous les clichés imaginables. « Pourquoi serait-elle différente ? Pourquoi est-elle avantagée sur nous ? »

Avec le temps, je me suis fait une place parmi « les bons éléments », sans que je ne sois jamais considérée comme leur égale. D’un côté, mes origines étaient un atout, de l’autre, ma différence était perçue comme un handicap. On murmurait que de toute façon, je n’étais pas tout à fait à ma place, que je n’étais pas tout à fait comme eux. Chacun de mes projets était examiné à la loupe, chacune de mes erreurs amplifiée et pointée de façon dramatique. Toutes les excuses étaient bonnes pour m’isoler et me dire – sans trop de mots – que j’étais inférieure à eux. 

L’enfer est pavé de bonnes intentions

Ces expériences m’ont profondément marquée. J’étais – et je suis toujours – réticente à l’idée de parler de ce qui s’est passé par crainte des représailles et de leurs répercussions sur mon avenir. Et je suis loin d’être la seule à vivre ça. » Ce phénomène a désormais un nom : le tokénisme. Le tokénisme se réfère à la pratique d’un organisme qui déploie des efforts superficiels en matière d’inclusion des minorités ethno-culturelles dans le seul but de paraître inclusif.

Les entreprises semblent intensifier leurs actions en faveur de la diversité, mais derrière ces efforts se cache souvent une réalité regrettable : la plupart d’entre elles s’intéressent avant tout à leur image, et non au bien-être de leurs employés. Maddy Janssens, professeure à la KU Leuven et experte sur la question, l’exprime avec justesse : « Les entreprises suivent généralement une organisation bien établie qu’elles considèrent comme étant la norme, mais cette dynamique repose en réalité sur les habitudes et les intérêts d’un groupe dominant. L’embauche d’une seule personne issue d’un groupe minoritaire ne résoudra pas ce problème sous-jacent. »

« De nombreuses victimes ne trouvent pas leur chemin jusqu’à nous ou craignent les représailles. Malheureusement, un signalement aggravent souvent la situation des victimes. »

Selon l’Unia, un quart des signalements de cas de racisme au travail aurait trait au recrutement. « Trouver un emploi s’avère souvent difficile lorsque que l’on a un nom à consonance étrangère, une nationalité spécifique ou une certaine couleur de peau, confie Maarten Huvenne (Unia) au magazine Puls. Ceux qui parviennent malgré tout à décrocher un emploi sont plus susceptibles d’être victimes de harcèlement au cours de leur carrière. » Et les chiffres ne montrent que la partie émergée de l’iceberg : « De nombreuses victimes ne trouvent pas leur chemin jusqu’à nous ou craignent des représailles. Malheureusement, un signalement aggrave souvent la situation des victimes.  »

Souvent considérés comme les employés idéaux, les hommes (blancs) règnent en maître sur le marché du travail. Selon Maddy Janssens, la raison est simple : ce sont eux qui fixent les normes de la vie d’entreprise ; ce qui explique également l’importance accordée à l’efficacité et la flexibilité. « Ces valeurs sont souvent associées aux jeunes hommes sans enfants. Bien que ces principes ne leur soient pas exclusivement réservés, les normes sociales et les stéréotypes peuvent toujours engendrer à des préjugés dans le monde professionnel, précise-t-elle. Par exemple, les femmes sont souvent considérées comme moins compétentes et ne sont pas soumises aux mêmes attentes. » La femme de couleur, appartient donc à deux minorités à la fois, ce qui ne lui facilite pas les choses. 

Les bons éléments

Nos témoins racontent combien il leur a été difficile de se défendre au début. Elles estimaient devoir être reconnaissantes des opportunités qui leur étaient offertes et n’osaient pas s’élever contre le sexisme, le racisme, le harcèlement, et la surcharge de travail. Lorsqu’elles élevaient enfin la voix pour défendre leur cas ou celui d’autrui, on leur a répétait que cette attitude leur coûterait cher. « Pour beaucoup, ce serait trop demander que de s’attendre à de l’antiracisme. » déplorent-elles.

Aicha*, une jeune femme d’origine algérienne, préfère témoigner anonymement. Elle souhaite partager son expérience en tant qu’employée issue de la diversité au sein d’une grande entreprise, sans pour autant réduire à néant ses chances dans le monde de la communication.

« En tant que stagiaire, je pouvais intégrer des entreprises prestigieuse avec une facilité déconcertante. Cependant, en découvrant les autres candidats, j’ai vite compris les recruteurs ne cherchaient pas seulement des jeunes, mais surtout des personnes issues de groupes minoritaires. » Rapidement, elle réalise que sa différence est perçue comme une faiblesse, et non comme une force. « Mon maître de stage a décidé qu’il serait préférable que je suive un cours de néerlandais en parallèle. Au début, je pensais qu’il s’agissait d’une marque d’attention. J’appréciais le fait qu’il croit en moi et je faisais tout mon possible pour accomplir au mieux les tâches qui m’étaient confiées. Mais au fur et à mesure que mon stage avançait, je commençais à douter de mes compétences linguistiques… Ce qui me paraît aujourd’hui complètement absurde, car j’ai toujours été passionnée par les langues. »

« Généralement, on suppose que l’entreprise pour laquelle nous travaillons est neutre, mais ce n’est pas du tout le cas, souligne Maddy Janssens. Les décisions prises dans le monde professionnel, comme l’embauche, la promotion ou le licenciement, sont fondées sur des normes qui ne sont ni neutres ni objectives. » Autrement dit, qui est raciste dans la vie, le sera aussi au travail.

« En tant qu’individu issu de la diversité, vous aurez beau faire partie des « bons éléments », rien n’y fera. C’est un véritable défi de convaincre les autres que vous valez autant qu’eux. »

L’inégalité structurelle existe aussi bien dans les entreprises que dans notre société en général. « En tant qu’individu issu de la diversité, vous aurez beau faire partie des « bons éléments », rien n’y fera. C’est un véritable défi de convaincre les autres que vous valez autant qu’eux. Dans leur tête, c’est comme si le monde était divisé en deux pôles, avec les gens comme vous d’un côté, et eux, de l’autre. Les personnes de couleur subissent une pression considérable et doivent sans cesse prouver que les stéréotypes qui existent à leur sujet sont infondés. »

Sauver les apparences

Hanna*, une jeune femme belgo-chinoise diplômée d’une école d’art, a déjà fait ses premiers pas dans le monde de la culture. Après ses études, son école lui a proposé le poste de consultante en diversité.

« Je n’avais pas encore fini mon master qu’on m’avait déjà proposé ce job. Je m’étais portée volontaire pour effectuer un stage en lien avec la diversité à l’école, mais à la place, on m’a offert l’opportunité de coordonner le groupe de travail. C’est un exemple typique de tokénisme : on vous pousse à occuper un poste pour lequel vous n’êtes pas vraiment qualifié, simplement parce que vous appartenez au bon groupe minoritaire. Au final, ça ne vous apporte rien, car vous êtes toujours limité dans vos actions. Je n’ai pas eu grand-chose à dire sur la mise en œuvre du projet, car les autres experts avaient été choisis avant que je n’intervienne. 

Vu de l’extérieur, l’école semblait faire de réels progrès. Elle diffusait fièrement ses plans d’intégration sur son site web, et y avait inclus les photos de ses élèves de couleurs. Mais tout ça n’était que façade. Rien n’a jamais été fait de nos recherches, elles n’ont même pas été lues et toutes nos propositions ont été ignorées. J’avais l’impression d’avoir été engagée uniquement en raison de mon appartenance ethnique. Ils ont profité de ma jeunesse et de mon manque d’expérience pour redorer leur image.

Finalement, j’ai décidé de démissionner. Nos recherches ont montré que les politiques de l’école en matière d’intégration n’étaient d’aucune efficacité, ce qu’ils ont évidemment nié. Je suis partie, malgré tout le travail que j’avais accompli sur des dossiers que j’estimais essentiels à la sécurité des élèves. »

« Dès l’instant où une entreprise emploie un individu issu d’une minorité, ses efforts en matière d’intégration ont tendance à s’essouffler, déclare Hanan Challouki, experte en communication inclusive. Les programmes de mentorat ou de diversité peuvent être efficaces, dès lors qu’ils ne sont pas mis en place uniquement pour la forme. Il est du devoir de l’entreprise d’investir dans les talents qu’elle recrute. Elle doit non seulement être prête à accueillir une main-d’œuvre plus diversifiée, mais aussi ouverte à une plus grande intégration. Il est important d’être préparé à cet accueil et de s’assurer que l’ensemble du personnel soit d’accord avec cette démarche. »

« La diversité ne devrait pas être reléguée en arrière-plan, mais devrait être visible sur l’ensemble du lieu de travail. »

Hanan Challouki a fondé sa propre entreprise, Inclusified, et anime le podcast All Things Inclusive. Récemment, elle est également devenue la force motrice de Hijabis at Work, une plateforme de recherche d’emplois où les femmes portant le voile peuvent entrer en contact avec des employeurs ouverts sur la question. Les entreprises qui souhaitent publier des offres d’emploi sur Hijabis at Work doivent autoriser le port du voile sans conditions. « Malheureusement, je ne peux pas garantir que les entreprises soient inclusives à 100 %, mais je peux bannir celles qui bloquent certaines positions aux employées de confession musulmane. Par exemple, certains employeurs s’amusent à sélectionner minutieusement les travailleurs qui se montrent à la clientèle. Nous ne tolérons pas de telles pratiques. La diversité ne devrait pas être reléguée en arrière-plan, mais devrait être visible sur l’ensemble du lieu de travail. »

Burn-out

Entre burn-out et dépression, le tokénisme laisse des traces. Pour cause, les personnes qui en sont victimes se sentent souvent surchargées, dépassées et ignorées

A plusieurs reprises, Aicha, submergée par l’émotion, est forcée d’interrompre son témoignage. « Je n’aurais jamais pensé que cela me toucherait autant, s’excuse-t-elle. Maintenant que j’en parle, je me rends compte du nombre de micro-agressions que j’ai dû subir. Je repense à tous ces commentaires négatifs, à la manière dont j’étais traitée. Je ne me sentais jamais à ma place, comme si je n’étais pas à la hauteur. J’ai fait de mon mieux pour tenir bon et me défendre, mais plus je me battais, plus on m’enfonçait. »

Après seulement quelques mois, Aicha est arrivée à bout. « Je partais de chez moi tôt le matin et ne rentrais que vers 22 heures. Toute ma journée tournait autour du travail. Je faisais tout mon possible pour faire valoir mon potentiel. Par ailleurs, j’ai beaucoup échangé avec les RH et mes supérieurs au sujet de mes inquiétudes, mais je n’ai reçu aucun soutien. Leur réponse ? “Nous ne vous avons pas engagée pour que vous soyez à l’aise”. Au fond, je savais que quelque chose clochait. La barre était moins haute pour mes collègues et cette situation me rongeait. 

J’ai atteint un point de rupture et j’ai décidé de faire une pause de laquelle je ne suis finalement jamais revenue. Plus tard, j’ai entendu les rumeurs qui circulaient au sujet de mon départ – apparemment, je ne travaillais pas assez dur et je n’étais pas assez compétente. Cela me brise le cœur de m’investir corps et âme dans quelque chose et d’entendre des rumeurs de ce genre par la suite. »

« Le tokénisme doit disparaître, car il conduit à l’isolement et l’épuisement des personnes appartenant à des minorités, déclare notre experte. Nous devons considérer la diversité non seulement comme un avantage pratique, mais aussi comme une fin en soi »

Des études révèlent que les « tokens » sont victimes d’une surveillance accrue sur leur lieu de travail, ce qui les expose à une pression supplémentaire. De plus, leur statut d’employé prétexte les isole des autres travailleurs et les plonge dans une profonde solitude.

Hanna : « Souvent, on nous promet un lieu de travail sécurisant, mais la réalité est tout autre. Je me souviens d’un projet de collaboration pendant lequel des désaccords ont émergé au sujet de la lutte contre le racisme. Un collègue plus âgé, que les discussions sur le racisme et l’identité ne servaient pas, nous a crié dessus et a attrapé l’une de mes amies par le cou. Nous avons été très choquées, mais les autres se sont contentés de rire.

Emotionnellement, c’était trop lourd à supporter. Entre stress et crises de panique, je ne fermais plus l’œil de la nuit. Le problème, c’est qu’on finit nous-mêmes par intérioriser le racisme, et une fois ce mécanisme enclenché, il est très difficile de s’en défaire. J’ai commencé à consulter un psychologue spécialisé dans les traumatismes. C’est cher, mais j’en ai besoin. J’ai le privilège de pouvoir me le permettre.

J’ai également fait une dépression et mon médecin m’a arrêtée pour quelques mois. Le monde du travail m’avait complètement usée. Le milieu de l’art est intransigeant, il faut se battre pour réussir. Si vous n’entrez pas dans le moule, alors c’est encore pire, vous devrez constamment faire vos preuves et vous justifier. » 

Pas qu’une question de quotas

Il est grand temps que le monde professionnel évolue. « Pour créer un environnement de travail réellement inclusif, il faudra plus que quelques actions isolées, affirme Maddy Janssens. C’est toute l’organisation de l’entreprise qu’il faudra repenser, ce qui ne pourra se faire sans le soutien des plus hauts placés. Les cadres supérieurs doivent être conscients des défis auxquels sont confrontées les minorités. »

Une entreprise ne deviendra pas inclusive du jour au lendemain. « Nous devons mettre fin à cette stigmatisation et changer les normes pour que chaque employé se sente à l’aise et valorisé, signale Maddy Janssens. Nous devons cultiver ce sentiment d’appartenance, sans pour autant exiger de chacun qu’il comprenne la culture de l’autre. C’est ainsi que nous créerons une atmosphère de travail plus inclusive. »

Hanna a souvent eu l’impression qu’elle était surtout là pour des questions de formalités : « Parfois, les entreprises adoptent une politique de quotas simplement parce qu’elles estiment que l’inclusion est à la mode. Si les quotas vont de pair avec une politique d’intégration, les résultats peuvent être très concluants, mais si ce n’est pas le cas, les quotas s’avèrent souvent contre-productifs. En effet, certains recruteurs embauchent des personnes parce qu’elles collent à une liste de critères sans se demander si ces candidats se sentiront en sécurité dans un environnement qui n’a été créé ni par eux, ni pour eux. Certains managers se sentent menacés, dans leur possession du pouvoir. Leur objectif n’est pas de vous intégrer, mais de vous faire comprendre que vous êtes inférieurs à eux.

Ces supérieurs semblent souvent ne pas être conscients de leur comportement. Ils refusent de reconnaître qu’en tant que jeunes de couleurs notre situation diffère quelque peu de la leur et ferment les yeux sur leurs privilèges. Dans de telles circonstances, il est difficile de se sentir vraiment le bienvenu. L’entreprise entame tout juste son travail sur l’inclusivité, mais pense déjà en avoir atteint le bout. Et ça, c’est sans parler du fait qu’il n’y ait pas de place pour la critique. »

Pour Hanan Challouki, il ne faut pas abuser des quotas : « Embaucher une femme, c’est bien, mais encore faut-il embaucher une femme dont le profil répond à vos exigences. Ce n’est que lorsque vous trouvez la bonne personne pour le bon poste que votre employé sera capable d’exceller dans son travail. C’est pourquoi le processus de recrutement doit être pris très au sérieux. Un recrutement motivé par des quotas de diversité n’est bénéfique pour personne.

Ne partez pas du principe que c’est un honneur pour un employé d’origine étrangère de travailler pour votre entreprise ou votre projet. En tant qu’employeur, vous devez examiner ce que les candidats ont à offrir et les sélectionner pour cette raison. Donner l’impression aux employés qu’ils ont été embauchés en raison de leur appartenance ethnique est donc une grave erreur. 

De même, n’utilisez pas vos « employés quota » comme un un appât pour en embaucher d’autres. Tous les individus d’origine étrangère ne sont pas automatiquement en faveur de l’inclusion, souligne l’experte. Il est absurde de considérer qu’une personne de couleur puisse parler au nom de toutes les personnes de couleur ou d’estimer qu’elle soit consciente des sensibilités liées à chaque culture. »

Hanna : « J’ai souvent été sollicitée pour participer à des projets en raison de mes origines chinoises. Les gens attendaient souvent de moi que je représente l’ensemble de la culture asiatique, comme si l’Asie n’était qu’un gros bloc monochrome. C’est à la fois insultant et fatigant. »

Le respect est un droit fondamental

Aujourd’hui, la situation semble presque désespérée pour les chercheurs d’emploi issus de la diversité. Elle ne l’est pourtant pas tant que ça. Hanna et Aicha, ont trouvé un moyen de garder espoir.

Aicha : « Après mon départ, j’ai reçu un autre appel de l’entreprise pour laquelle je travaillais : ils voulaient que je participe à leur campagne publicitaire sur la diversité. Ironiquement, je n’ai pas été autorisée à occuper le poste pour lequel j’avais postulé, mais j’ai pu figurer sur les images de leur campagne. Sans grandes convictions, j’ai quand même accepté leur proposition. 

Je n’ai toujours pas réussi à passer outre l’idée que, pour eux, je n’étais qu’un token”. Aujourd’hui, je travaille dans le secteur social, mais je n’ai pas renoncé à mes rêves. Je pense encore souvent à la façon dont j’ai été traitée. Même si mes blessures ne sont pas encore guéries, je pense que raconter mon histoire est une manière de me racheter et de défendre ma propre dignité. »

Hanna : « En tant que jeune femme de couleur, on a souvent l’impression qu’il faut saisir toutes les opportunités, même si elles ne ne nous inspirent pas confiance. Aujourd’hui, c’est fini. Si j’ai le pressentiment qu’un job n’est pas pour moi, alors je ne l’accepte pas. Si cela se traduit par des périodes creuses, ainsi soit-il. Je me dois de fixer des limites pour préserver ma santé mentale. 

Refuser d’entrer dans le moule ne compromettra pas vos chances de réussite. Peut-être aurez-vous les poches moins remplies pendant un temps, mais vous apprendrez aussi à vous organiser autrement. Pour moi, le sens du mot succès a changé. Je m’applique à m’entourer de personnes intéressantes, et à découvrir des entreprises réellement inclusives. J’aspire désormais à un succès qui place l’accent sur l’humain. 

Ce qui pourrait être perçu par certains comme un caprice est, pour moi, un droit fondamental d’exister. Il s’agit d’avoir le droit d’être moi-même. Ce problème concerne les personnes qui ne se sentent pas bien au sein d’une entreprise ou d’une organisation en raison du racisme, ou de la discrimination. Cette problématique est bien réelle. Pour moi, il ne s’agit pas d’un simple débat conceptuel, il s’agit de ma vie et de celle de beaucoup d’autres. »

La lutte est encore loin d’être finie. La responsabilité n’incombe pas aux victimes, car être traité avec respect au travail ne devrait pas être considéré comme un luxe. Hanan Challouki encourage les demandeurs d’emploi à adopter quelques réflexes. « Informez-vous au préalable sur les politiques de l’entreprise pour laquelle vous postulez. A l’heure actuelle, de nombreuses entreprises sont à la recherche de nouveaux talents. Lorsque vous vous lancez dans cette arène, gardez à l’esprit que les recruteurs ne sont pas omnipotents ; en tant que demandeur d’emploi, vous possédez aussi une part du pouvoir. Si le site web de l’ entreprise mentionne une politique de diversité, n’hésitez pas à posez des questions à ce sujet lorsque vous postulez, c’est votre droit le plus légitime. Vous êtes déjà employé et vous faites l’expérience d’une discrimination symbolique ? Alors osez l’exprimer. Si une tâche ne fait pas partie de vos attributions, vous n’êtes pas obligé de l’exécuter. Un employeur n’a pas le droit de vous exploiter. »

* Les prénoms ont été modifiés.

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