« Les gens attendent longtemps avant d’aborder un problème »… Mais pourquoi est-ce si difficile de s’affirmer?

Pourquoi c'est si compliqué de s'affirmer - Getty Images
Pourquoi c'est si compliqué de s'affirmer - Getty Images
Nathalie Le Blanc Journaliste

S’affirmer: pour certains, c’est naturel, alors que pour d’autres, c’est une bonne résolution difficile à tenir. Pourquoi est-ce parfois si compliqué? Nous avons demandé l’avis de Lieven Buyse, coach en communication de l’Expertacademy, qui nous explique aussi comment mettre l’affirmation de soi en pratique.

Mais d’abord, commençons par le commencement…

« S’affirmer », qu’est-ce que ça veut dire?

« Se défendre », explique M. Buyse. « Exprimer son opinion ou fixer ses limites, tout en respectant celles des autres. Ce respect est important, car sinon votre message risque d’être perçu comme agressif. Si quelque chose se passe, si vous voulez prendre position, si vous voulez soulever un problème ou si quelque chose vous met mal à l’aise, vous pouvez réagir de différentes manières. Vous pouvez vous mettre en colère ou devenir agressif et commencer à claquer des portes, par exemple. Ce genre d’explosion est parfois le résultat d’une trop longue attente et d’une répression des frustrations, des craintes ou des griefs. »

« Certaines personnes fuient ou restent passives, balayant les problèmes sous le tapis et acceptant tout ce qui leur arrive. Une troisième option tient de la manipulation : les gens réagissent souvent de manière passive-agressive, c’est-à-dire qu’ils ne font apparemment rien, mais essaient, dans le dos ou de manière quelque peu cachée, de mettre une forme de solution en route. Enfin, vous pouvez aborder le problème avec assurance, en choisissant très consciemment de soulever ce qui ne va pas, de fixer vos limites ou de poser une question. Ce choix conscient est important, car il signifie que vous abordez le problème de manière appropriée et surtout respectueuse. »

Est-ce que ça s’apprend?

« Oui, cela dépend évidemment de votre personnalité », explique M. Buyse. « Certaines personnes sont naturellement sûres d’elles, mais celles qui ont une faible estime d’elles-mêmes, qui évitent les risques ou qui ressentent le besoin de plaire aux gens, par exemple, trouvent cela moins naturel. Ces personnes s’attardent sur les effets et les conséquences, elles se demandent ce que les autres vont penser d’elles, comment elles vont réagir, s’il y aura des discussions… Mais s’affirmer s’apprend, et je le sais d’autant mieux que je l’ai fait moi-même. Le plus grand gain que vous ferez en apprenant à vous affirmer davantage est une meilleure image de vous-même. Vous restez qui vous êtes, bien sûr, mais lorsque vous apprenez à vous affirmer et à dire ce que vous pensez et ce que vous jugez important, votre confiance en vous s’accroît. Ignorer ses émotions et laisser tourner les rouages ne résout souvent pas le problème, bien au contraire. S’affirmer, c’est donc aussi une bonne chose pour la tranquillité d’esprit. »

L’assertivité est-elle la clé du succès?

« Non, ce n’est pas parce que vous donnez votre avis ou que vous posez votre question qu’on y répondra forcément positivement », pointe Lieven Buyse. « L’autre personne ne sera pas nécessairement d’accord. Il est important d’en tenir compte, d’anticiper ce qui pourrait se produire et de disposer d’une alternative pour le cas où les choses se retournent contre soi. À ce stade, l’empathie est également importante. Essayez de comprendre pourquoi l’autre personne réagit comme elle le fait, car les gens sont incroyablement différents les uns des autres. Supposons que vous soyez très ambitieux et que les personnes avec lesquelles vous travaillez le soient moins. Cela peut créer des tensions. Mais si vous partez du principe que vous ne connaissez pas nécessairement bien l’autre personne et que vous ne savez donc pas comment elle est susceptible de réagir, vous restez ouvert à l’apprentissage mutuel ».

Comment y parvenir?

« Si vous voulez vous affirmer davantage, vous devez commencer par être conscient de ce qui se passe exactement. Vous pouvez vous sentir vaguement mal, mais pour pouvoir vous attaquer à quelque chose, vous devez mettre le doigt sur la chose en question. En vous-même, avec vos sentiments, mais aussi en miroir de la situation en général. Il est important que vous définissiez clairement votre perception de la situation, mais vous devez aussi la confronter à votre réseau, aux personnes en qui vous avez confiance et qui la connaissent également. Si elle est claire, examinez également l’impact qu’a cette situation sur vous-même et ce que vous voulez changer ou exprimer. Préparez-vous avant d’entamer la conversation. Réfléchissez à la manière dont vous communiquez le message. Par exemple, essayez de communiquer de manière ouverte et communicative, en utilisant des phrases comme « J’ai l’impression que… » ou « Il me semble que… ». Mais veillez également à ne pas être trop prudent. L’utilisation répétée de « peut-être », « éventuellement » et « en fait » donne l’impression que ce que vous demandez ou soulevez n’est pas important ».

Autre conseil? « Soyez le plus concret possible. Si vous soulevez un problème, donnez des exemples qui l’illustrent clairement. Êtes-vous souvent interrompu ? Vous croulez sous le travail ? Où et quand cela se produit-il, et à quelle fréquence ? Aimeriez-vous que quelque chose change ? Réfléchissez ensuite à une solution concrète et proposez-la. À la fin de la conversation, la façon dont vous pensez que les choses peuvent évoluer doit être claire ».

« Faites également attention à votre communication non verbale. Lors des sessions de formation, nous filmons nos participants pour montrer ce que leur posture dégage. Éviter le contact visuel, avoir une intonation prudente ou une attitude nerveuse, la façon de se tenir debout ou de s’asseoir, tout cela a bien plus d’impact que vous ne le pensez. C’est pourquoi l’un de mes principaux conseils est le suivant : le face-à-face est toujours préférable. Par e-mail ou même par téléphone, le risque de malentendus est plus élevé, précisément parce que la communication non verbale est absente de l’échange et que les choses peuvent être mal interprétées. En direct, on peut mieux s’évaluer mutuellement et si quelque chose n’est pas clair, il suffit de demander une précision directement. »

Quels sont les pièges à déjouer?

« La confiance en soi, ou le manque de confiance en soi, peut constituer un obstacle. Les gens pensent souvent qu’ils sont trop jeunes, trop inexpérimentés, etc. pour dire ce qu’ils pensent. Ce n’est pas le cas, chacun a droit au respect, à celui de son point de vue mais aussi de ses limites. Parfois, les gens ruminent quelque chose qu’ils veulent dire pendant des mois, en ayant peur d’entamer la conversation. Puis, lorsqu’ils le font, ils constatent que finalement, ce n’était pas la fin du monde. Les attentes qu’on a peuvent également faire office de bâtons dans les roues. Nous pensons souvent qu’une conversation résoudra tout, mais ce n’est pas le cas. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas entamer cette conversation. Il faut bien commencer quelque part, planter une première graine. »

Faut-il forcément s’affirmer?

« Non. Il faut choisir ses batailles. S’affirmer tout le temps et en toutes circonstances serait mortellement épuisant », s’amuse Buyse. « Il faut donc juger par soi-même de ce que l’on trouve important, et si quelque chose vous préoccupe vraiment, alors il vaut mieux s’y attaquer. »

Expertacademy.be

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