chérophobie
La chérophobie ou la peur du bonheur - Getty Images

C’est quoi la chérophobie, ou peur du bonheur, et comment vous libérer si vous en souffrez

Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste & Coordinatrice web

Contrairement à ce que son nom pourrait laisser supposer, la chérophobie n’a rien à voir avec l’argent. Il s’agit plutôt de la peur du bonheur, une aversion aux qui pèse (très) lourd sur le quotidien.

C’est que la chérophobie n’est pas tant une aversion au bonheur qu’une peur paralysante de ce qu’il implique: la plupart des personnes qui en souffrent craignent en effet les moments heureux parce qu’ils sont persuadés que par une sorte de rééquilibrage karmique, ceux-ci sont forcément suivis de moments négatifs. Ainsi que l’expliquent les spécialistes de la plateforme Psychologue.net, « les chérophobiques ne craignent par la sensation de félicité en tant que telle, mais ont plutôt peur de ressentir du bonheur puis de tout perdre ».

 » Il s’agit d’une préoccupation extrême de ce qu’il pourrait arriver de pire, en pensant que le bonheur n’est que l’antichambre de quelque chose de négatif. Comme si le fait d’un bonheur impliquait forcément un prix à payer. En conservant des émotions négatives, elles se préparent à toutes éventualités de façon à ne pas tomber de haut ».

Et de préciser qu’en règle générale, « les personnes introverties ou perfectionnistes ont plus de risques de souffrir de cette étrange phobie. Dans le cas des personnes introverties, elles préfèrent se centrer sur des activités individuelles et peuvent se sentir intimidées en groupe, alors que les perfectionnistes tendent à concevoir le bonheur comme un trait propres aux personnes paresseuses ou non productives ».

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Fuir le bonheur avant qu’il ne se sauve?

Problème: à l’heure d’écrire ces lignes, la chérophobie n’est pas encore reconnue par le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM), donc comment savoir si on est simplement quelque peu pessimiste, ou « pragmatique », ou bien s’il s’agit d’une phobie en bonne et due forme? Certains symptômes persistants, tels que le refus d’e mettre en place des mécanismes susceptibles d’amener des changements positifs, la crainte de se joindre à un rassemblement festif ou encore la tendance à éviter de participer à des activités divertissantes, peuvent vous mettre sur la piste. Mais pourquoi tant de peine? « La plupart du temps, les chérophobes sont des personnes qui ont vécu un traumatisme durant lequel un moment de joie a été source de moquerie, contrariété ou d’humiliation. Conséquence ? Les individus adoptent un mécanisme de protection pour ne pas revivre cette situation face aux aléas de la vie ».

« Pour les chérophobes, il est plus facile de vouloir garder le contrôle en s’infligeant des émotions négatives que de prendre le risque de se laisser aller à des moments de gaieté ».

Paradoxalement, s’abandonner à ce « bonheur d’être triste » peut finir par procurer une forme de plaisir, ou tout du moins, devenir un réflexe ancré qui dépasse de loin le cadre du traumatisme initial. Trouvant son étymologie dans le grec « chairo », qui signifie « se réjouir », la chérophobie trouve le plus souvent ses racines dans l’enfance, dans la perte d’un être cher, un conflit avec des proches ou encore, si elle apparaît plus tard, une rupture amoureuse. Et selon la psychologue américaine Carrie Barron, ce trouble peut aussi se manifester par une tendance à tout donner au boulot et à être dans le contrôle. « Les personnes très perfectionnistes, qui se dédient entièrement à l’accomplissement de leurs objectifs, masquent parfois derrière cette motivation une peur du lâcher-prise et de ce qui pourrait leur arriver selon eux s’ils s’autorisaient à profiter du moment présent ». « Quelqu’un qui souffre de chérophobie n’est pas forcément quelqu’un qui est triste tout le temps, mais plutôt une personne qui va avoir tendance à éviter toutes les activités susceptibles d’être source de joie, un peu comme quelqu’un qui souffre d’anxiété sociale va esquiver les fêtes de famille » précise encore la blogueuse Stephanie Yeboah, elle-même chérophobe.

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« Pour une raison étrange, je me sens mieux quand je suis triste, parce que la tristesse est un sentiment que je connais bien et auquel je suis habituée » confie-t-elle à la version britannique de Metro, précisant que « cela a un impact énorme sur mon quotidien, parce que je suis parfaitement incapable de célébrer la moindre réussite ou de m’autoriser à prendre soin de moi. Dès que j’essaie, je suis assaillie de pensées obsessionnelles et je ne peux plus me concentrer sur quoi que ce soit d’autre que la peur ». Et de souligner que même si ça part d’un bon sentiment, les personnes qui lui conseillent de se « concentrer sur le positif » sont à côté de la plaque puisqu’il s’agit ici d’une phobie et non d’un état d’esprit. Mais comment s’en défaire, alors?

Investir pour s’affranchir de la chérophobie

Du côté de Psychologue.net, on recommande tout d’abord les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), parce qu’elles sont pensées pour aider le patient « à reconnaître les pensées négatives qui l’amènent à des conclusions peu utiles. Dans le cas de la chérophobie, ces pensées peuvent être de type « je sens que je ne mérite pas d’être heureux(se) », « quand quelqu’un se sent bien il baisse la garde » ou « si je suis heureux il se passera forcément quelque chose qui ruinera tout ». La TCC a pour objectif ultime l’élimination de ces cycles de pensées ».

Autre piste: « les exercices de relaxation, type respiration profonde ou hypnothérapie, peuvent aider le patient ou la patiente à comprendre que la sensation de bien-être n’est pas forcément suivie d’un évènement négatif, et ainsi dépasser sa phobie ». Enfin, et même si cela peut sembler difficile, surtout au début, « l’exposition continue à des évènements que la majorité des gens considère comme « divertissants » ou « heureux » peut aider le patient à comprendre qu’il n’y a pas toujours un revers de la médaille aux émotions positives ». Le psychanalyste Alain Héril rappelle quant à lui l’importance de faire preuve de patience. « Il faut aider les sujets souffrant de cette phobie à accéder à l’idée d’une joie possible sans peur des retombées néfastes et de prendre confiance dans sa capacité à aimer et à être aimé. C’est donc tout l’édifice du narcissisme qu’il faut reconstruire pas à pas et cela demande un peu de temps et d’investissement ». Pour vivre heureux, vivons soignés?

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